5e dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Comme les autres évangélistes, Jean raconte l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem : les gens l'acclament comme un libérateur sans comprendre le signe de l'ânon sur lequel Jésus est assis et qui annonce un Messie doux et non violent. Mais à ce récit, Jean ajoute une scène qui constitue l'évangile de ce dimanche.

LES NATIONS VEULENT "VOIR JESUS"

Par sa pureté et sa conception très élevée de Dieu, la religion d'Israël attirait des païens qui s'unissaient à la foi et au culte sans toutefois accepter toutes les observances juives (circoncision, nourriture casher, ablutions, etc.). Intrigués par l'accueil fait à Jésus, quelques Grecs approchent un apôtre :

Quelques Grecs abordèrent Philippe : " Nous voudrions voir Jésus". Philippe le dit à André et tous deux vont le dire à Jésus.

"Voir Jésus", cela signifie évidemment obtenir une entrevue afin de le connaître. Mais Jésus interprète tout de suite cette demande comme un appel capital : le monde cherche un Sauveur. Alors il annonce :

" L'HEURE est venue pour le Fils de l'Homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache la garde pour la Vie éternelle. Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera".

Le thème de l'"heure" parcourt tout l'évangile, dès la réponse de Jésus à sa mère à Cana (2, 4). En effet, Jésus n'est pas ballotté au gré des événements : depuis le début, il sait qui il est et qu'il doit accomplir la volonté de son Père. Au cadran de l'histoire, le moment solennel est arrivé, le grand tournant va être pris : le Fils de l'homme, le juge à qui Dieu donne le Royaume éternel (Daniel 7, 14), va être intronisé dans sa Gloire. Mais ce ne sera que par son passage à travers la mort.

Jésus comprend son destin par la petite parabole de la semence : celle-ci doit être jetée en terre, enfouie dans l'humus mais, au fond, elle ne meurt pas : elle porte en elle un germe de vie qui, du tréfonds de la nuit, va jaillir, monter et s'épanouir en gerbe. Le corps nous permet d'entrer en relation avec les autres mais ces liens sont étroits, limités, éphémères : Jésus comprend qu'il doit offrir son corps afin que, ensuite, ressuscité, relevé par son Père, il puisse entrer en relation avec les Grecs mais aussi avec le monde, avec les hommes et les femmes de toutes nationalités et cela, jusqu'à la fin des temps. Jésus sera enseveli comme individu : il ressuscitera en peuple.

Au contraire si un homme est attaché à son instinct de vie, s'il cherche à tout prix à préserver sa constitution corporelle, il demeure enfermé en lui-même, il reste éperdument seul. Il est condamné à se perdre puisqu'en voulant se sauver, il n'a pas aimé. Or seul l'amour permet de vivre et il n'est authentique que s'il se donne jusqu'à offrir son corps.

" Si quelqu'un veut..." : Tout sera réalisé par la croix de Jésus mais le chemin mortel dans lequel il pénètre en ce jour est celui que devra prendre quiconque veut être son disciple. Se mettre au service de Jésus n'est pas commencer une carrière valorisante, participer à une organisation admirée par les gens mais c'est "le suivre", marcher sans cesse vers "l'heure" du don de soi.

Mais au bout de cette démarche, le disciple fidèle recevra la Gloire éternelle du Père. Le service du Christ conduit à la divinisation, à l'accomplissement divin de l'homme, à l'humanité plénière parce que baignée d'amour.

L'AGONIE DE JESUS Cependant la perspective de l'horrible mort à laquelle Jésus est promis ne peut être évoquée sans frayeur : le Fils de l'homme reste un homme et il avoue sa tentation.

" Maintenant je suis bouleversé ! Que puis-je dire ? Dirai-je : " Père, délivre-moi de cette Heure" ?.....Mais non, puisque c'est pour cela que je suis parvenu à cette Heure ! ...Père, glorifie ton Nom". Alors du ciel, vint une voix qui disait : " Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore". En l'entendant, la foule disait que c'était un coup de tonnerre ; d'autres disaient : "C'est un ange qui lui a parlé".

Dans son récit de la Passion, Jean ne rapportera pas l'agonie à Gethsémani : pour lui l'angoisse a saisi Jésus ici, en plein milieu du succès populaire et en compagnie de ses pauvres disciples aveugles. Jésus est seul ; il a sans doute déjà vu des crucifiés hurlant de douleur. La pensée de cette torture proche le remplit de terreur. Ne pourrait-il pas demander à son Père d'échapper à ce supplice ? Mais pour cela, il devrait ou s'enfuir ou se taire ou édulcorer son message. Par fidélité à son Père, il ne peut céder à cette lâcheté. L'HEURE de Dieu est là. S'il faut sauver les hommes, on ne peut que les aimer à en mourir. Jésus laisse à d'autres les fausses promesses, les "allons z'enfants" des militaires, les rodomontades des hommes politiques, l'aveuglement des multitudes, et notre terrible indifférence, nous qui voulons aimer sans en payer le prix.

Jésus exprime en public le cri de sa prière : "Père, glorifie ton Nom". Que Tu soit reconnu, débarrassé de toute caricature, adoré, enfin aimé ! Cela seul importe. Tel fut toujours le but de Jésus. Mystérieusement un bruit du ciel retentit : coup de tonnerre ? voix d'un ange ? Jésus, lui, l'interprète comme l'approbation de son Père : sûr de son Fils, Dieu sait que, enfin, grâce à la Pâque de son Fils, il va être reconnu dans sa vérité.

DEVANT LA CROIX LE MONDE SE JUGE.

Mais Jésus leur dit : " Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre, c'est pour vous. Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes". Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

L'Heure approche où le monde va juger et condamner Jésus mais en fait, ce faisant, il se juge et se damne. Le Prince, satan, le diable, la mystérieuse puissance qui fomente tout le mal du monde va être chassé dehors, ou plutôt "jeté bas" tandis que Jésus sera "élevé" . Oui Jésus va être élevé puisque ses ennemis le fixeront sur le gibet comme un détestable blasphémateur justement châtié. Mais la crucifixion, toute horrible qu'elle soit, sera en fait l'élévation dans la Gloire divine !.

Jésus a refusé le pavois sur lequel la foule voulait le hisser, la scène sur laquelle on place les vedettes, les applaudissements que l'on adresse aux idoles. Son trône sera la croix ! Cloué entre ciel et terre, il apparaîtra, pour les croyants, comme le médiateur entre Dieu et les hommes. Et après avoir provoqué la fuite et la dispersion des Apôtres, le Crucifié attirera les humains jusqu'à la fin de l'histoire. Ainsi l'Heure de la Croix sera en même temps : Glorification du Père, Gloire du Fils, défaite de satan, honneur du disciple qui suit son Seigneur et unification des peuples. "Jésus est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel " ( Lettre aux Hébreux, 5 - 2ème lecture)

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