4e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA BREBIS DE JESUS N'EST PAS UN MOUTON DE PANURGE

Croire à la résurrection de Jésus n'est pas une croyance en plus, un dogme à caser dans la liste du credo. Si Dieu a ressuscité Jésus, cela signifie qu'il a repris son procès en cassation, qu'il lui donne raison, qu'il proclame son innocence, qu'il authentifie son comportement et son enseignement, qu'il accepte sa mort en croix comme don d'amour pour le pardon, qu'il le proclame comme son Image, son Fils, le Seigneur Vivant. Ainsi, en arrivant à la dernière page de l'évangile, nous le lisons en le remontant: si nous acceptons la résurrection, alors la mort de Jésus nous pardonne tout, alors il nous faut mener notre existence comme il l'a dit, alors nous avons à demander ou assumer le baptême et à prendre Jésus comme Seigneur et Guide.

POURQUOI LE PASTEUR EST « BON ».

Si Lazare réanimé reprit le fil de sa vie prolongée avant de « remourir », Jésus ressuscité a pris la tête de l'humanité croyante et c'est lui qui conduit l'histoire spirituelle du monde à son achèvement. Aussi lorsqu'il proclamait « JE SUIS LE BON PASTEUR », il ne s'agissait pas d'une déclaration bucolique pour émouvoir les amateurs de poésie mais bien d'une affirmation qui révélait sa valeur unique (scandaleuse pour beaucoup), le sens vrai de l'autorité et la liberté paradoxale de l'obéissance chrétienne. Jésus disait aux Juifs : «  Je suis le Bon Pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas ; s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui... » Le métier de berger était dangereux car des prédateurs rôdaient : aussi l'homme embauché pour ce travail ne risquait pas sa vie en cas de danger. Tant pis pour les brebis égorgées. D'ailleurs le propriétaire du troupeau, lui-même, s'il s'acharnait peut-être davantage pour défendre ses bêtes, préférait sauver sa propre vie. Les brebis n'ont qu'une valeur marchande : de toute façon elles sont destinées à l'abattage. De même, dans le monde, ceux qui se prétendent les plus compétents pour guider les hommes, leur apporter le bonheur, le niveau de vie, la paix, on voit, lorsque le danger menace, combien ils sont prompts à s'esquiver, à se sauver eux-mêmes tout en laissant « les petits » (les soldats, les ouvriers, les employés...) payer le prix de la casse et être les victimes du conflit, de la crise, des prédateurs financiers. La salle du Q.G. et le bureau du P.D.G. sont d'habitude des lieux sans risque mortel ! Pour moi, affirme Jésus, c'est tout le contraire. Je ne suis animé par aucun désir de puissance ou de cupidité et mes disciples ne sont pas pour moi des recrues, des étrangers, des numéros inscrits sur une liste, des naïfs embauchés pour faire nombre. Moi, je suis le Bon Pasteur : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. La « connaissance » ici ne se réduit pas à un savoir (« je sais » les noms de ceux que je dirige) : elle désigne une relation profonde, cordiale, intime. D'une profondeur inimaginable puisqu'elle n'est rien moins que celle « entre le Père et le Fils ». Le lien de foi n'est pas un acquiescement intellectuel, une inscription sur le registre des baptêmes : il est communion de vie divine, entrée dans un amour divin. C'est pourquoi Jésus trouve normal de donner sa vie pour ses disciples en danger : ils ne sont pas des élèves, des employés, des subalternes. Par lui et avec lui, ils entrent dans le c½ur de Dieu. Ils « sont connus », ils « connaissent », ils « co-naissent », ils naissent ensemble dans l'amour infini.

MISSION UNIVERSELLE POUR L'UNITÉ DES HOMMES

J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul Pasteur. Jésus s'adresse d'abord à ses compatriotes, aux enfants d'Israël mais il se sait Sauveur du monde, il a mission de rassembler des humains de toutes origines, de tous milieux. La mission chrétienne est la vraie « mondialisation », commencée bien avant qu'on en parle, sans nivellement des différences, sans projet lucratif, sans déni de la dignité de l'homme et de ses droits. L'Eglise est de soi « catholique » au sens originel = universelle. Toute communauté chrétienne doit se sentir partie d'un tout, indispensable, unique, originale. La plus petite ne doit pas être jugée de haut par les importantes. Toutes doivent avoir souci les unes des autres. Ce qui se passe au Vietnam concerne Paris ; ce que vit l'église de Kinshasa concerne celle de Varsovie. Mais quelle tristesse épouvantable de constater les déchirements séculaires qui font obstacle à la mission ! Scandale ! Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père ». Et pour finir, Jésus revient sur le don de soi-même. Il insiste sur sa conscience de don volontaire : il n'a jamais été victime d'un complot. Certes il a tremblé devant la perspective du supplice, il a connu peur et tremblement mais dans cette agonie indicible, il s'offrait pour que les siens soient libérés de la mort éternelle, pour qu'ils cessent de se mépriser et de se battre, pour qu'ils se rassemblent dans l'amour du Père, pour qu'ils constituent une communauté unique. Alors que l'on dit toujours que c'est le Père qui ressuscite son Fils, ici Jésus affirme son initiative permanente. Je donne ... Je reprends. Ainsi, lors du dernier repas, il déposera son manteau puis il le reprendra - signe de sa maitrise.

CONCLUSION

L'image du Pasteur n'est donc pas un thème folklorique mais induit une conception de l'autorité et de l'obéissance dans l'Eglise. La tête de l'Eglise n'est pas un prélat mais le Christ Seigneur : que tout responsable d'Eglise, à tous les échelons, ne l'oublie jamais. Loin d'enrégimenter et de faire marcher au pas des adhérents, le Christ s'élance seul sur le chemin de la réalisation du Projet de son Père : ce projet de vie se heurte au refus catégorique et doit donc affronter la mort. Jésus seul va au Golgotha : son exécution par les ennemis devient, par le don de lui-même, exécution finale de ce projet. Ceux et celles qui décident librement de le suivre ne forment pas un troupeau d'inconscients aveugles et d'imbéciles heureux : chacun et chacune est « connu(e) » c.à.d. introduit(e) dans la relation d'amour du Père et du Fils. Chacun(e) est donc souverainement libre et ensemble ils constituent une communauté libre. Donc chanter le célèbre cantique « Le Seigneur est mon berger» n'est pas le bêlement benoît de moutons de panurge soumis aux diktats du Vatican et tenus de dire « amen » à tout. Au contraire ceux qui se croient autonomes, libérés des liens de la foi, sont soumis aux slogans enjôleurs, aux caprices des modes, aux désirs contradictoires, jouets de puissants qui les poussent vers des lendemains qui déchantent. Mais pourquoi donc tant de brebis du Christ ont-elles aussi marché derrière des drapeaux rouges en chantant «L'Internationale » qui conduisait au goulag ? Pourquoi tant d'autres ont-elles vénéré un führer qui les galvanisait et les guidait à la mort dans un amas de ruines ? Pourquoi d'autres, plus nombreuses encore, sont-elles séduites aujourd'hui par les sollicitations d'une société insensée où la consommation frénétique de quelques-uns se paie par la consumation de la majorité des autres ? Que signifie d'être une brebis d'un Seigneur qui donne sa vie pour les autres ? «  LE SEIGNEUR EST MON BERGER : RIEN NE SAURAIT ME MANQUER »