OÙ EST LE SACRÉ ?: dans un ÉDIFICE ou dans l'HOMME ?
Si Jean raconte la vie de Jésus au rythme des grandes fêtes de Jérusalem, c'est parce qu'il veut montrer que Jésus accomplit le sens authentique de ces fêtes. Je conseille donc de lire tout l'épisode : 10, 22-39.
On célébrait alors à Jérusalem la fête de la Dédicace. C'était l'hiver. Au temple, Jésus allait et venait sous le portique de Salomon. Les Juifs firent cercle autour de lui : « Jusqu'à quand vas-tu nous tenir en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement ». Jésus leur répond : « Je vous l'ai dit et vous ne me croyez pas. Les ½uvres que je fais au nom de mon Père me rendent témoignage mais vous ne me croyez pas parce que vous n'êtes pas de mes brebis..... »
« HANOUKKA » (encore fêtée aujourd'hui) célèbre le jour où, après la victoire de Judas Maccabée, on put procéder à la « Dédicace » du temple de Jérusalem souillé par les armées étrangères (an 164 av. J.C. -- lire le récit : 1 Macc 4, 36-59 ; 2 Macc 1, 9...). Pendant 8 jours, Israël se réjouissait de posséder à nouveau un Lieu trois fois Saint, pur, signe certain de la Présence de Dieu au milieu de son peuple.
Alors qu'à la fête précédente, on a cherché à le lapider (8, 59), Jésus revient sur l'esplanade du temple et la scène de la femme adultère se répète : tout à coup un groupe surgit, l'encercle et le somme de décliner son identité. Jésus réitère l'affirmation qu'il a déjà dite : Oui moi, pauvre Galiléen, je suis bien le Messie attendu, le Christ, celui qui apporte le Règne de Dieu. Et, comme toujours, il présente ses deux arguments : - Mes paroles : mon enseignement n'a jamais varié ; il correspond aux promesses de la Torah et des Prophètes. - Et mes ½uvres : les guérisons que j'ai accomplies sont les signes manifestes que je dispose d'un pouvoir divin, don de Dieu mon Père. --- Cependant tous refusent de le croire !
Mystère de l'incroyance, thème qui parcourt tout l'évangile de Jean. Voilà des grands prêtres célébrant pieusement des liturgies somptueuses, des scribes spécialistes de l'interprétation des Ecritures, des pharisiens appliqués à l'observance minutieuse de toutes les lois : pourquoi donc ces hommes « religieux » restent-ils fermés à ce point ? « Vous n'êtes pas de mes brebis ». Car à la Fête des Tentes, Jésus avait eu le front de se présenter, lui, comme le véritable guide pour conduire les hommes à Dieu : « Je suis le Bon Berger » (10, 1-18) - ce qui signifiait donc que ces Autorités ne l'étaient pas ! On comprend leur fureur.
Reprenant cette image, Jésus poursuit ici en parlant de ses liens avec les siens, de la dignité de « ses brebis » à lui : ici commence la lecture du jour. Dans sa brièveté, elle dévoile la richesse extraordinaire de la foi et il faut en méditer chaque élément.
MES BREBIS ÉCOUTENT MA VOIX. L'être humain est libre et il doit apprendre comment vivre. Ecouter en lui sa raison, ses sentiments, écouter les messages extérieurs, les enseignements, les exhortations qui lui parviennent. Parmi cette cacophonie, le disciple découvre l'Evangile : il le parcourt, le médite, l'approfondit, le compare à d'autres livres. Rejetant toute idée préconçue, il perçoit une douce Voix qui ne s'impose pas, qui ne force pas sa volonté mais qui l'appelle. Emerveillé, il se répète comme les soldats : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme » (7, 46). Non il n'y a là nul mensonge, nulle affabulation, nulle légende. C'est vrai. Par-delà discours, racontars, scandales de l'Eglise, revenir à la source : l'EVANGILE.
JE LES CONNAIS. Il l'avait déjà dit : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent » (10, 14). Il ne s'agit pas d'une information (nom, prénom, état-civil) mais d'une relation profonde de personne à personne. Comme un mariage d'amour, une amitié. Chaque croyant a un lien personnel, unique à son Seigneur. Joie tranquille d'être percé et accepté par ces mêmes yeux qui regardaient la femme adultère.
ELLES VIENNENT À MA SUITE. L'Evangile n'est pas simple récit du passé, catéchisme scolaire, exhortations morales, croyances et rites. Il est l'histoire de quelqu'un qui naît, marche et meurt, qui décide souverainement de son comportement sans être esclave de personne. Cet homme ne crie pas, n'impose rien : il va et sa voix, son attitude est appel. Le disciple regarde, contemple, écoute et il se décide à « évangéliser » sa vie, à mener son existence comme Jésus l'enseigne, à suivre ce Seigneur « venu dans le monde afin que les hommes aient la Vie en abondance » (10, 10). Que ta voix trace ma voie.
JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE ET ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS. La foi, la confiance en Jésus, n'est pas convenance sociale, héritage des parents, besoin de rites religieux. Elle ne change pas le caractère, ne rend pas parfait, ne fait pas jouir d'expériences mystiques. Plus que cela : elle est accueil de LA VIE DIVINE. Dès maintenant, au c½ur même de la vie biologique si fragile, elle offre l'Eternité de Dieu. Jésus dira à Marthe, la s½ur de Lazare : « Je suis la résurrection : celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra. Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (11, 25)
PERSONNE NE LES ARRACHERA DE MA MAIN. LE PÈRE QUI ME LES A DONNÉES EST PLUS GRAND QUE TOUT. Il faut bien user d'images pour parler de Dieu. Celui qui se donne à Jésus reçoit une confiance inébranlable : nulle tempête, nulle dictature, nulle pression, nul danger ne peut l'arracher à l'amour que Jésus lui porte. « Confiance, c'est MOI : n'ayez pas peur ». (6, 20). Mais cette confiance n'est pas une chaîne : le disciple comprend que si rien ne peut briser sa foi, il peut, lui, faible, influençable, retirer sa main de la main du Christ. Oui, hélas, il peut trahir, tourner le dos, renier, apostasier, injurier celui qui est mort pour lui. Après des années, la foi demeure aussi fragile qu'au premier jour.
Seigneur, garde-moi de moi-même
Jésus ne s'est jamais vanté de l'efficacité de ses exploits, des succès de sa mission. Lorsqu'il a vu des disciples venir à lui, il les a accueillis comme un cadeau de son Père. Dans son ultime prière, il dira : « Père, j'ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, tu me les as donnés et ils ont observé ta Parole » (17,6). Tout chrétien est un cadeau du Père à son Fils : nul ne peut se vanter mais seulement chanter sa reconnaissance éperdue. Il est gardé dans l'amour du Père et du Fils. Cette certitude a permis à une foule innombrable d'êtres humains d'être critiqués, frappés, ligotés, flagellés, condamnés, pendus, crucifiés, exécutés en murmurant ton nom : « Jésus ! ».
LE PÈRE ET MOI NOUS SOMMES UN. Affirmation stupéfiante. Jésus n'est pas un leader révolutionnaire, un prophète, un sage, un mystique, un gourou. Il est homme puisque né de Marie. Il n'est pas Dieu puisqu'il le prie. Mais il est le Fils dans le Père ; le Père est dans le Fils ! Nul n'a osé pareille affirmation. Un fou ? Un blasphème passible de mort ? Ou la vérité ?...
----- La lecture de ce jour s'arrête ici : c'est dommage car c'est la suite qui explique pourquoi cela se passe à Hanoukka, « la fête de la consécration ». Continuons.
Les Juifs à nouveau ramassèrent des pierres pour le lapider... : « Nous voulons te lapider parce que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu ». Jésus répond : « Il est écrit dans la Loi : « J'ai dit : Vous êtes des dieux » (psaume 82, 6).....A celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde, vous dites qu'il blasphème parce que j'ai affirmé que je suis le Fils de Dieu ? ...Si je fais les ½uvres de mon Père, croyez en ces ½uvres. Et ainsi vous connaîtrez, et de mieux en mieux, que le Père est en moi comme je suis dans le Père ». Alors, une fois de plus, ils cherchèrent à l'arrêter mais il échappa de leurs mains.
Les prêtres étaient si fiers du temple qui était « consacré »...et ils rejettent leur compatriote qui affirme que c'est bien lui qui est CONSACRÉ et en qui Dieu demeure. Il n'y a donc plus de « maison sainte », de « lieu sacré », de temple intouchable. Seul Jésus est Saint et il donne la vie de son Père afin que « ses brebis » soient la « communauté sainte, consacrée ». AVEC LUI NOUS SOMMES LE TEMPLE !!
Les hommes veulent toujours construire pour Dieu des édifices majestueux où officient des célébrants hiératiques. Sentez la fierté de saint Pierre qui écrivait magnifiquement aux premiers chrétiens :
« Vous vous êtes approchés de Jésus, pierre vivante, rejetée par les hommes mais précieuse devant Dieu ;
vous aussi, comme des pierres vivantes, vous êtes édifiés en maison spirituelle
pour être une sainte communauté sacerdotale
afin d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ « (1 Pierre, 2, 4-5)
4e dimanche de Pâques, année C
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps de Pâques
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013