4eme dimanche de l'Avent (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 21/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Un homme se promenant le long de la mer à Ostende, trébuche sur une vieille lampe. Il la ramasse, la frotte et un génie en sort et lui dit : « puisque tu m'as libéré, je t'accorde un vœu ! ». Au bout d'un moment, le promeneur se décide et demande : « J'ai toujours rêvé d'un voyage à New York, malheureusement j'ai peur de l'avion et j'ai le mal de mer. Pouvez-vous me construire un pont jusqu'à New York, pour que je puisse m'y rendre en voiture ? » Le génie ne dit rien pendant quelques secondes, puis éclate de rire : « Mais ce que tu me demandes est impossible à réaliser. Pense au béton qu'il faudra faire couler, aux tonnes d'acier nécessaire pour soutenir un tel pont. Je suis un génie, mais je ne peux pas faire de miracle. Il faut tout de même rester dans le domaine du raisonnable ! Demande-moi autre chose, un pont, c'est trop compliqué ! » L'homme se remet à nouveau à réfléchir. Au bout de quelques minutes il trouve autre chose : « Je suis marié et j'ai quatre charmantes filles. Elles trouvent que je ne m'intéresse pas assez à elle, que je ne les écoute pas jusqu'au bout. Ce que je voudrais, c'est de pouvoir comprendre les femmes, c'est-à-dire savoir ce qu'elles ressentent, ce qu'elles pensent lorsqu'elles sont silencieuses, ce qu'elles veulent vraiment dire lorsqu'elles disent non. Bref, comprendre leur psychologie. » Le génie le regarde perplexe, puis lui demande : « Au fait, le pont, tu le veux avec 2 ou 4 voies ? »

Le génie n'a donc pas été capable de résoudre le mystère de la psychologie féminine, tout comme il en aurait été vraisemblablement incapable de le faire pour la psychologie masculine. Et c'est tant mieux ! En effet, le mystère que nous sommes vis-à-vis de nous-même et des autres nous rappelle que la vie n'est pas une équation qui se déchiffre mais plutôt qu'elle se décline au rythme de nos saisons. Ne pourrions-nous pas aller jusqu'à prétendre que la notion même de mystère donne un goût différent à la vie. Tout n'est pas su. Tout n'est pas connu. Tout ne peut être maîtrisé. Il y a du mystère dans chaque vie et même dans celle du Fils de Dieu. En Christ, il y a le mystère de sa conception ainsi que celui de sa résurrection. Le début et la fin de sa vie sont marqués par le mystère. Nous ne pouvons les expliquer, nous ne pouvons les comprendre seulement les méditer pour nous laisser prendre à notre tour sous l'ombre divine qui continue à se dévoiler à nous par tous ceux et celles qui marchent avec nous sur notre route humaine. De la sorte, nous devenons un peu des anges les uns pour les autres. Accepter d'entrer dans le mystère de la vie, accepter d'entrer dans le mystère de la foi, nous permet alors de continuer, à l'instar de Marie, de nous laisser bouleverser par des événements imprévus, par ces personnes qui nous conduisent au plus près de nous-même. Se laisser bouleverser, c'est aussi accepter de ne pas avoir la main mise sur tout, de vivre une certaine forme de dé-maîtrise, un lâcher prise. Dans cette aventure, nous ne sommes pas seuls. Dieu est venu en notre monde pour nous accompagner. Il est à nos côtés. Mieux encore, il vient nous rejoindre chacune et chacun dans notre part sacrée. Quelle que soit notre condition physique, quel que soit notre état d'âme, Dieu vient résider dans notre crèche intérieure. Pour en prendre conscience, il nous suffit d'oser le pari de la confiance. Ayons, comme Marie, cette disponibilité intérieure du cœur pour nous permettre de partir, repartir au plus profond de notre être et de retrouver tout ce qui fait notre dignité. L'histoire d'Elisabeth nous le rappelle avec force. Il n'y pas d'âge pour la fécondité. Toutes et tous, nous y sommes appelés. Face au mystère de la vie, le bouleversement de la foi opère en nous un déplacement et un engendrement. En effet, nous quittons notre vision humaine pour entrer dans le champ de celle du Père. Dans la tendresse, par des paroles et des gestes d'amour et d'amitié, nous permettons lors de la rencontre vécue en vérité à ce que d'autres s'engendrent à eux-mêmes en retrouvant leur part sacrée où Dieu a choisi de venir inhabiter. Toutes et tous, nous sommes capables de vivre notre fécondité lorsque nous acceptons de nous poser au plus près de nos bouleversements intérieurs. Marie nous ouvre la voie, une voie offerte à l'amour de Dieu dans le don à l'amour de l'autre. Le nom de Marie devient ainsi l'anagramme vivant du verbe aimer. Bouleversés par Dieu, vivons nos différentes fécondités d'engendrement car l'Esprit est avec nous dans cette traversée de la vie. En Dieu, notre vie se vit, se passe, et surtout, se dépasse.

Amen