LE VERITABLE COMBAT POUR LE SALUT DE L’HOMME
Un jour, un jeune charpentier de Nazareth en Galilée quitta sa mère, son établi, son village et seul, démuni, fragile, se mit en route à la rencontre des hommes. Il n’avait ni argent ni diplômes, ni auréole ni appui des puissants. Comme la première hirondelle, il annonçait le printemps. Non il n’était pas fatal que les hommes se déchirent dans les ténèbres du mal, qu’ils se jalousent, se tuent et qu’ils ignorent Dieu.
Il ne fallait plus avoir la nostalgie du bon vieux temps, il était vain de faire des plans sur la comète et de rêver d’un avenir meilleur : tout se jouait aujourd’hui. Tout de suite.
Jésus parlait. Il ne voulait pas être éloquent, enfiler des belles phrases ; il ne distillait pas des discours théologiques abstraits; il ne gigotait pas pour devenir l’idole d’une nuée de fans ; il ne faisait nulle promesse fallacieuse ; il ne flattait pas le public dans l’espoir de faire carrière ; il ne condamnait pas tous ceux qui erraient dans le péché ; il ne cherchait ni gloire ni argent et il ne faisait pas de collectes. Il se fichait éperdument des sondages et de l’audimat.
Il se savait envoyé de Dieu son Père ; et lui, son Fils, avait reçu la mission la plus capitale, la plus urgente, la plus difficile à accomplir : inaugurer chez les hommes un Royaume de droit et de justice, de réconciliation et de paix. Respecter les droits de l’homme et la gloire de Dieu.
« Le temps est accompli : Dieu vient régner et les idoles de la cupidité, de la haine, du racisme vont basculer ». Mais cela ne se réalisera pas d’un coup de baguette magique car Dieu ne violente pas la conscience et il veut des réponses libres.
Une seule chose est demandée à chacun : « Convertissez-vous » c.à.d. subvertissez votre existence, modifiez vos manières de voir, adoptez d’autres comportements. Refusez la fatalité, n’attendez pas que d’autres commencent. « Croyez » c.à.d. faites confiance à ce pauvre marcheur et à son message. Osez rompre avec la pensée régnante. Aller à contre-courant.
La tâche essentielle de Jésus, que Marc a noté d’emblée, est d’être le héraut de la Bonne Nouvelle. L’Evangile n’est pas d’abord un livre, un catéchisme, un règlement mais un cri, un appel, une interpellation : on dit LE KERYGME. Seul le comprend celui qui y répond.
APRES LE KERYGME LA CATECHESE
Cet appel primordial, sans jamais cesser d’être lancé et répercuté partout, exige, par la suite, d’être développé: quelles en sont les raisons et les conséquences ? A quoi la foi engage-t-elle ? Quel est le rapport de cet Evangile avec les saintes Ecritures ? Et d’abord qui est cet inconnu appelé Jésus ?
Marc nous explique ce qu’est ce second type de prédication : la CATECHESE.
Jésus, accompagné de ses disciples, entre à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Si la Grèce a été le peuple qui a exalté la beauté dans l’espace, Israël est celui qui a organisé le rythme du temps. L’homme a vocation de travailler 6 jours puis, le 7ème, il s’arrête : c’est le SHABBAT (le mot signifie cesser). Non dans le but normal de se reposer et reprendre des forces (chacun pourrait le faire selon ses besoins) mais pour se donner à l’essentiel : prendre le temps ensemble de rendre gloire à Dieu et d’approfondir les relations humaines. Pour que le travail n’abrutisse pas, on laisse les outils afin de se regarder et de s’écouter. Le shabbat est le haut lieu de la prière et de l’humanisation.
Shabbat matin : office à la synagogue. Le local est plein comme chaque semaine pour chanter les psaumes, louer Dieu et écouter la grande lecture des Ecritures commentées par le rabbin. Celui-ci peut néanmoins céder la tribune à quelqu’un qu’il en juge capable. Ce jour-là le rabbin a invité Jésus, ce nouveau prédicateur ambulant.
JESUS ENSEIGNE. Marc va beaucoup répéter cette expression mais sans en détailler le contenu. Que dit Jésus ? Avant tout, ce qui frappe, c’est la manière dont il s’exprime et qui ébahit l’auditoire : il parle AVEC AUTORITE. Cela ne signifie pas que Jésus prend des airs solennels, qu’il roule de grands yeux en tapant du poing sur le lutrin mais que, contrairement aux scribes (les spécialistes des Ecritures), il n’appuie pas la force de son discours sur de grands auteurs. D’ailleurs il ne dira jamais, comme les Prophètes : « Oracle de YHWH ». Jésus ne cite personne : il parle. Sa parole a « autorité » par elle-même. Du jamais entendu dans aucune synagogue. Qui donc est cet homme ?...
UN EXORCISME
Il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui. Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. » Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.
Tout à coup un cri arrête le prédicateur. Dans l’assemblée, seul un homme a perçu l’identité de Jésus : il est le Saint de Dieu, le Messie consacré ! Ou plutôt, dit Marc, c’est « l’esprit impur » qui l’habitait. Cet homme n’était pas seulement un pécheur comme les autres, conscient de ses faiblesses mais il avait laissé s’incruster en lui un désir profond d’un grand mal. Il ne parvenait pas à en guérir : il l’acceptait, l’entretenait, en était comme possédé.
Jésus tout de suite réplique : « SILENCE…SORS… ». Il ne veut pas que l’on sache – maintenant - qu’il est le messie, titre qui entraîne la confusion car il connote la puissance militaire et politique. Il faudra du temps pour que les disciples eux-mêmes comprennent quel genre de Messie est Jésus.
Et il guérit l’homme. Les guérisseurs du temps pratiquaient aussi les exorcismes mais ils se lançaient dans de grandes invocations et toutes sortes de manipulations magiques, appelant l’intervention de grands saints. Une parole de Jésus suffit. Un ordre. L’homme est libéré.
La stupeur de l’assemblée s’accentue. On ne comprend pas. D’où lui vient ce pouvoir ? Quelle est cette parole neuve ? Neuve non par son contenu, par une révélation inédite, par une nouvelle pratique médicale, par l’usage d’une formule plus efficace. Elle est neuve parce que, d’elle-même, elle agit.
Ainsi se révèle le grand combat que Jésus est venu mener, en obéissance à son Père. Après son baptême, lors de sa retraite au désert, il avait vaincu le satan, la puissance maléfique qui suggérait des solutions mensongères au salut de l’humanité. Ici il écrase un de ses esprits qui tentent sans cesse de détruire l’humanité en l’entraînant sur des chemins de mort, en insérant dans les cœurs les décisions perverses, les penchants libidineux, les soumissions à l’envie, la jalousie, la cupidité, la haine.
En tout cas, cette intervention spectaculaire de Jésus sidère l’assemblée et très vite sa renommée se répand dans toute la région.
Cet épisode inaugural de l’activité de Jésus nous plonge dans la profondeur abyssale de son combat. Que signifie le véritable progrès ? A quelle profondeur l’homme est-il blessé ? Qui peut sauver l’homme ? Et comment ? Faire progresser les sciences, éradiquer la pauvreté, instaurer la paix : quel homme n’approuverait cet idéal ? Améliorer le confort, donner la santé, permettre « la grande bouffe » : le véritable salut de l’homme n’est pas là. Et l’histoire récente a montré les dérapages catastrophiques des idéologies ruisselantes de bonnes intentions : la promesse du 3ème Reich a basculé dans l’épouvante d’Auschwitz et le chant de l’Internationale dans les cris d’horreur du Goulag et ses millions de victimes.
Il ne faut pas se tromper d’adversaire. Ni confondre satan avec un escogriffe grimaçant touillant dans un chaudron fumant. La vie n’est pas du cinéma ni de la science fiction.