5e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

C'est bien d'avoir la foi. Mais il faut que la foi devienne fidélité.

C'est bien d'être baptisé et de faire sa profession de foi. Encore faut-il tenir ses engagements jusqu'au bout. Jusqu'au moment du passage de cette vie à La Vraie Vie, du temps à l'Eternité.

C'est là, dans cet intervalle, que se déroule le terrible combat spirituel. Car nous sommes libres ; le choix est devant nous et la grandeur de Dieu est d'avoir fait des créatures capables de le renier !

TRAHISON DES ENGAGEMENTS

L'aventure des esclaves hébreux que nous suivons au cours de ce carême est bien le prototype de toutes les générations, et donc aussi de la nôtre.

Dieu est intervenu gracieusement pour libérer un groupe d'esclaves, Il leur a permis de franchir la frontière de la mer et d'échapper à leurs poursuivants ; ensuite dans le Sinaï, il leur a proposé d'entrer en Alliance avec Lui, de devenir son peuple - une Nation sainte ! - en acceptant de vivre sous la loi du Décalogue. A trois reprises, dit la Bible, le peuple, unanime, a répondu en criant haut et fort :

" Oui, tout ce que Dieu a dit, nous le mettrons en pratique !"

Hélas, cet enthousiasme fut de bien courte durée. Tout au long du cheminement qui doit le conduire à la Terre promise, le peuple va sans cesse "murmurer", répète la Bible, mais le mot est trop faible. Il faut comprendre : râler, critiquer, ronchonner, contester.

Et cela pendant 40 ans, dit-on - la durée de vie d'une génération ! Et alors que Dieu, par son prophète, manifeste son inlassable patience, démontre sa sollicitude et sa bienveillance.

Un jour, on se plaint de la soif : Moïse les conduit à un rocher dont les veines calcaires recèlent une réserve d'eau. Un autre jour, on a faim. Et Moïse, encore, leur montre une certaine espèce d'arbrisseau dont la sève suinte et se coagule en grumeaux comestibles. Surpris, les Hébreux s'interrogent :

MAN HOU ?("Qu'est-ce que c'est ?") :

et ils appelleront ce bizarre aliment : " Manne ". Une autre fois, en proie au découragement devant les difficultés du désert, on en vient même à douter et à vouloir retourner en Egypte : on préfère redevenir des esclaves entretenus plutôt que d'assumer une liberté combattante et pauvre. ! Ou bien encore on se dresse contre ce Moïse que l'on soupçonne d'avoir entraîné le peuple dans une voie sans issue

LE VEAU D ' OR

Mais c'est dans une scène célèbre que la Bible met en évidence la révolte, la désobéissance du peuple. Alors même que l'on vient d'accepter les clauses de l'Alliance avec Dieu, on décide d'élever une statue : le veau d'or - en fait un jeune taureau fabriqué avec l'or des bijoux. Sur un ton amer, la Bible note :

"Et le peuple s'assit pour manger et boire ; et il se leva pour se divertir" ( Exode 32)

Fascination de l'idolâtrie : la puissance sexuelle et la puissance de l'or ne sont plus, selon le dessein de Dieu, lieux de partage et d'amour fidèle, mais déviance, cupidité, jouissance à tout prix - donc chemins de mort. N'est-ce pas dans un opéra que l'on chante :

"Le veau d'or est encore debout. On encense sa puissance d'un bout du monde à l'autre bout ...Et satan conduit le bal" ( "FAUST")

Aujourd'hui, en quelques dizaines d'années, notre société, prodigue en merveilles de toutes sortes, a fait miroiter l'ivresse de l'enrichissement, a démultiplié la frénésie de la consommation. Il a suffi de peu de temps pour que des foules immenses de baptisés basculent dans l'indifférence religieuse. Le consumérisme a réussi à obtenir par la séduction ce que le communisme athée avait échoué à réaliser par la dictature.

LA VICTOIRE D'UN SEUL

Entre la libération d'Egypte et l'entrée en Terre promise, entre l'engagement baptismal et le passage dans la Maison éternelle de Dieu, la route est longue, sinueuse, ardue, parsemée de pièges.

Un seul a réussi à vaincre les trois mensonges qui nous égarent :

"Transforme les pierres en pain" càd. :Satisfais-toi des nourritures terrestres, contente-toi d'apaiser tes besoins.

"Jette-toi du haut du temple" càd. : Subjugue les foules par la magie du spectacle, par une religiosité angélique. "Lance-toi à la conquête du monde" càd. : Impose ton programme par la force des armes et la violence.

Jésus a rejeté ces procédés mortifères et il est demeuré absolument fidèle à son Père - même quand il avait faim, même quand il échouait à faire des disciples, même quand la haine des hommes le clouait sur une croix. Tant il était convaincu que son Père le sauverait - même si tout et tous l'abandonnaient. A sa suite, dans la foi, nous pouvons participer à sa victoire.

DEVANT TOI DEUX CHEMINS : CHOISIS LE BON

Dieu interpelle nos libertés fragiles " Je mets devant toi bonheur et malheur, vie et mort ! Choisis la Vie" :

Il nous supplie de ne pas nous tromper de chemin, d'éviter les égarements des Hébreux dans le désert, de redresser notre conduite pendant qu'il en est temps, de refuser la contamination des idoles aujourd'hui triomphantes. A la veille de Pâques, quelle conversion décidons-nous ?...

Pour que nous puissions marcher en fidélité, son Fils Jésus nous offre cette nourriture mystérieuse, cette Hostie qui tout à l'heure au creux de notre main éveillera à nouveau la question :

" Qu'est-ce que c'est ? MAN HOU ?..."

Dans la foi répondons : c'est l'Agneau immolé pour notre libération.

C'est la Source d'Eau vive de l'Esprit.

C'est le Pain de Vie qui nous garde dans le bonheur de Dieu.

C'est le viatique qui nous alimente pour atteindre la Maison de Dieu.