Jn 12, 20-33
Elle avait eu une belle vie, un mariage heureux, une famille nombreuse et elle s'est éteinte dans la paix à l'aube de ses quatre-vingt-six printemps. Jusqu'au dernier instant elle est restée paisible et consciente, heureuse de s'en aller après une vie accomplie. Elle n'avait aucun regret et se réjouissait de retrouver non seulement son époux mais également son Dieu en qui elle avait toute confiance. Il est vrai qu'elle avait une foi de charbonnier. « J'ai donné tout ce que j'avais à donner, mes chers enfants, maintenant c'est à vous de poursuivre. Aimez-vous comme votre papa et moi nous nous sommes aimés tout au long de notre vie ». Tels furent ces derniers mots inscrits sur un petit morceau de papier. Peu avant son dernier souffle, elle avait émis un dernier souhait : « le soir de mon enterrement, faites-la fête. Ne soyez pas tristes car là où je vais, je serai heureuse pour l'éternité ». Nombreux furent ses descendants qui respectèrent sa volonté et firent la fête comme cela avait été demandé. Quel ne fut alors pas leur étonnement suite à certaines remarques de leur entourage. « Comment osez-vous faire la fête un tel jour ? N'avez-vous pas plus de respect pour votre maman ou grand-mère ? C'est choquant que vous ne portiez pas le deuil, ne fut-ce que quelques jours ». L'entourage n'avait, me semble-t-il, rien compris au sens véritable de la résurrection. En effet, si nous sommes convaincus que la vie ne s'arrête par l'événement de la mort mais que cette dernière est l'entrée vers la vie éternelle, n'est-il pas nécessaire de nous réjouir, de faire la fête. Aimer, n'est-ce pas vouloir le bien de l'autre ? S'il en est ainsi, malgré la perte de la séparation, surtout au terme d'une vie que nous estimons accomplie, au nom de notre foi, ne devrions-nous pas être heureux pour celle ou celui qui vient de nous quitter pour vivre éternellement auprès de Dieu ? Où sont notre foi et notre espérance ? Il est sans doute bon d'oser ce poser ce type de question. Nous avons une destinée à réaliser. Chacun a la sienne et nous l'écrivons, comme croyantes et croyants, avec l'encre de Dieu. Une encre indélébile. Une encre lumineuse de vie, étincelante de confiance. Une encre d'éternité. Tel est notre sort à toutes et à tous. Dans la vie, nous n'avons que deux certitudes : la première, aujourd'hui, nous vivons ; la seconde, un jour, nous mourrons. Désolé de vous l'apprendre mais ainsi va notre chemin. Deux certitudes : la vie et la mort, et une espérance : le don de la vie éternelle en Jésus-Christ. Face à cette réalité, nous sommes conviés à nous préparer dès à présent. Ne perdons plus de temps. C'est aujourd'hui que nous préparons notre vie éternelle, chaque jour, chaque instant. De quelle manière : peut-être en apprenant à mourir à certains projets que nous avons soit mis en place ou auxquels nous avons participé. Accepter de mourir à certaines de nos activités qui ont eu leur heure de gloire pour que d'autres prennent le relais et poursuivent ce qui a été commencé. Lorsqu'un futur existe, il est évidemment plus facile de mourir à soi pour laisser tout l'espace à l'autre. Il arrive également dans nos vies que certaines de nos activités se termineront avec nous. Elles auront eu leur temps et leur raison mais les saisons varient et parfois, leur raison d'être disparaît. Il y a également certaines activités où nous devons apprendre à mourir à nous-mêmes et laisser la place au vide pour qu'autre chose puisse à nouveau naître ou renaître. C'est sans doute plus difficile à vivre car cela nous demande un lâcher prise et une confiance en l'avenir, c'est-à-dire accepter qu'il n'y a pas de relève et que nous risquons de passer par un temps de désert plus ou moins long. Vivre avec cette espérance forte qu'un jour quelque chose de nouveau émergera et ce, sans que l'on puisse s'y préparer. Mourir à soi pour que ce que nous avons un jour ensemencé puisse commencer à donner non pas des fruits mais beaucoup de fruits. Accepter de se détacher de sa vie en ce monde, pour entrer dans la vie éternelle. C'est ce que le Christ nous dévoile aujourd'hui dans son évangile. Vie et mort ou vie et vie éternelle. Cette dernière s'acquiert en acceptant parfois d'oser mourir à soi pour que notre grain donne beaucoup de fruits. Amen.