Mc 1, 12-15
Un grand événement se profile pour nous, paroissiens, à un horizon désormais tout proche : à Pâques, après 7 longues années de travaux, nous allons enfin retrouver notre chère et antique collégiale sous son nouveau visage. Encore bien plus nombreux qu'auparavant, des touristes du monde entier se presseront pour admirer le chef d'½uvre unique dont elle est l'écrin : les fonts baptismaux de Renier de Huy.
Que d'études, que d'échafaudages, que de milliers d'heures de travaux, que de volonté de collaboration entre les divers métiers, que d'argent a-t-il fallu pour que notre église poursuive sa course à travers les siècles !
UNE EGLISE COMMUNAUTE DE PIERRES VIVANTES
Toutefois nous n'oublions pas que le mot EGLISE ne désigne pas d'abord un bâtiment mais bien la communauté qui s'y réunit. Les apôtres et les premières générations chrétiennes n'ont connu ni sanctuaire ni chapelle : "l'Eglise de Corinthe", "l'Eglise d'Ephèse" étaient les communautés de personnes qui avaient répondu à l'appel de l'Evangile et qui se retrouvaient dans l'une ou l'autre maison pour prier, partager le repas et l'Eucharistie.
Architectes, entrepreneurs, corps de métiers ont ½uvré pour sauver et terminer un édifice majestueux mais nous, nous ne sommes pas les fabricants, les auteurs de la communauté d'Eglise : au contraire, c'est le Christ qui, seul est capable, par la puissance de son Esprit, de bâtir et de faire croître ce corps immense dont il est la Tête Quant à nous, nous sommes LES PIERRES VIVANTES, les éléments - disparates, mais tous nécessaires - que le Christ rassemble et appareille les uns aux autres afin qu'ensemble, dans l'harmonie, ils constituent une communauté.
Autre différence : si un jour, on peut déclarer la fin des travaux d'un bâtiment, nous savons qu'il n'en sera jamais de même pour l'Eglise-Corps car toute communauté d'hommes est en gésine permanente. Seule l'Eucharistie célébrée avec sincérité peut faire l'Eglise.
LE CAREME : NOTRE CHANTIER CONTINUE
Au moment même où les ouvriers s'activent pour mettre la dernière main à leur oeuvre, voici que nous, nous entrons en carême.
Avec l'Eglise universelle, dont nous sommes une petite cellule, nous voulons laisser le Seigneur nous travailler afin de devenir une communauté plus fidèle à son dessein.
Dans ce but, nous méditons le court évangile de ce jour :
Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu. Il disait :
Les temps sont accomplis, l Le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !
Il n'y avait guère d'incroyants en ce temps : les synagogues étaient remplies chaque semaine. A Jérusalem, à la suite des travaux commandés par le roi Hérode, le temple se dressait dans sa splendeur renouvelée et les fêtes y étaient célébrées par des foules immenses. On pouvait estimer qu'Israël était un peuple bien religieux
Et voilà qu'un inconnu tout à coup surgit à la frontière du pays : Jean annonce l'imminence d'un événement formidable, il presse les gens de se convertir, de confesser leurs péchés et il les invite à plonger dans les eaux du Jourdain pour se purifier.
Parmi la foule, un homme, un inconnu, charpentier de Nazareth. Et sans que personne ne remarque rien, lors de son baptême, c'est le choc : Jésus perçoit l'appel de DiEU : "TU ES MON FILS BIEN AIME..." -...ce qui était la formule d'intronisation du roi !
Qu'est-ce que cela veut dire ? Dieu n'est pas bavard, le message est bref. Quelles conséquences en tirer ? comment répondre ? Seul, Jésus s'enfonce dans le désert où il va réfléchir pendant 40 jours.
Temps de prière austère, en butte à toutes sortes de tentations que Marc ne détaille pas mais qui reviendront tout au long de la mission de Jésus :
Multiplier les miracles afin d'époustoufler les masses ;
- Chercher les succès populaires, tabler sur le nombre ;
- Recourir à la force des armes
Se laisser récupérer par sa famille et reprendre la vie tranquille du village ;
Edulcorer ses propos devant les critiques acerbes et l'hostilité violente des adversaires ;
Renvoyer les apôtres si balourds qui ne comprennent pas son message et se déchirent par jalousie ;
S'échapper lorsque se précise la menace du supplice de la croix...
...Toutes ces possibilités se présentent à son imagination, satan fait tout pour le conduire dans les impasses de la fausse gloire et de la violence. Mais Jésus résiste.
Son "carême" terminé, seul, sans armes ni argent ni diplômes, sans attendre l'approbation des autres, sans chercher l'appui des puissants, avec la seule force de sa Parole, il retourne dans sa Galilée non plus pour construire des maisons mais pour édifier la Demeure de Dieu, le sanctuaire de son Père qui sera bâti d'êtres vivants, de croyants qui constitueront l'embryon de l'Humanité nouvelle.
Il serait vraiment absurde de confondre le carême avec quelques privations de bonbons, des prières consolantes, des cérémonies routinières, quelques piécettes jetées dans le gobelet d'un mendiant.
Il y va de l'Eglise, du dessein de Dieu, du salut du monde, qui a coûté à Jésus d'atroces souffrances et une croix ignominieuse. Alors que des trafiquants complotent pour engloutir les jeunes dans la drogue, alors que des religions pressent pour s'imposer, alors que notre région bat les records de suicides...allons-nous rester impassibles ?
Devant notre lâcheté, notre impuissance congénitale, nos velléités, nos atermoiements, une seule chose est nécessaire : à l'exemple de Jésus, nous enfoncer dans la prière. Faire taire les bruits. Ecouter ce que Dieu nous dit. Nous adapter à sa Volonté.. Ne pas attendre l'accord des autres. Et nous battre âprement contre toutes les tentations.
L'Eglise (de pierres) est finie. La paroisse (= nous) reste en chantier..