4e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Dans une société urbaine et technologique, oserons-nous encore parler de "pastorale" et annoncer que Jésus est le Berger et nous, ses brebis ? Car ce message est précisément celui que l'homme moderne refuse de toutes ses forces ! Il ne veut plus être "un mouton" forcé de dire amen à tout, tenu d'accepter des dogmes incompréhensibles, de se plier à des règles morales édictées par des clercs. " La religion est un carcan de la liberté et la foi, une aliénation" : en quelques dizaines d'années, des multitudes ont été convaincues par ces affirmations sans cesse répétées et elles se sont détournées de la croyance et de l'attachement à l'Eglise.

Est-ce à dire que l'homme moderne est libéré comme il le prétend ? Voyez-le au contraire se glisser dans les schémas tout prêts de "la pensée unique", s'essouffler à suivre toutes les modes, s'acharner à élever son train de vie, courir éperdument pour rester "branché", être là où "il faut" être vu.. Injure suprême : se faire traiter de "ringard", ne pas exhiber les baskets dernier cri ! Et ils ne sont pas peu nombreux ceux qui, désemparés, se livrent à un gourou ou obéissent à une voyante extra-lucide. Sans compter les innombrables "fans" de telle vedette qui les plonge, à corps et âme perdus, dans une communion fusionnelle et mortifère. Plus "les gothiques" et les sectes sataniques.

LES BREBIS Se détourner du Christ, c'est risquer de se soumettre à mille maîtres, se laisser déchirer par des sollicitations en tous sens. On l'a dit : nous avons aujourd'hui tant de moyens de vivre mais nous manquons de raisons de vivre. Comme disait A.Malraux : "A quoi bon aller sur la lune si c'est pour s'y suicider !". A quoi bon courir vite si c'est pour n'aller nulle part ? Et où aller sans un guide, un berger qui connaît le but ?

Au fait, l'image biblique de la brebis est-elle si fausse que cela ? Comme ce petit animal, nous aussi nous ne disposons pas de moyens de défense, nous sommes fragiles, vulnérables, exposés aux attaques, naïfs devant les pouvoirs ou les publicitaires enjôleurs. Qu'un führer, un petit père des peuples, un grand timonier se présente et les foules de frissonner en délire...avant de prendre les chemins des plus horribles massacres.

JESUS LE BON PASTEUR

Je suis le Bon Pasteur. Le vrai Berger donne sa vie pour ses brebis.

Le berger mercenaire n'est pas un vrai pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit. Et le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire, les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.

Moi je suis le Bon Pasteur : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent COMME le Père me connaît et que je connais le Père.

Et je donne ma vie pour mes brebis.

Le salarié qui n'est pas propriétaire des brebis et qui est attaqué par un loup vorace sauvera sa propre vie en sacrifiant l'une ou l'autre bête. Ceux qui s'offrent à conduire les hommes n'agissent-ils pas souvent de la même manière ? Si un péril menace, si un conflit éclate, n'est-ce pas toujours parmi la troupe qu'il y a des victimes ? Quel honneur d'offrir sa vie pour "le Chef" adulé !

Au contraire, lorsque les soldats sont survenus au jardin des Oliviers afin d'arrêter Jésus, celui-ci s'est présenté et s'est laissé prendre tandis que ses apôtres s'enfuyaient dans la nuit. C'est tout seul que Jésus est allé au Golgotha. Et lorsque peu après il les a retrouvés, ce n'était nullement pour leur reprocher leur lâcheté mais, en leur montrant ses plaies, il leur a souhaité la Paix. La croix l'avait conduit à l'extrême de l'amour qui est de pardonner à ceux-là même qui vous ont abandonné.

Ses ennemis ont cru capturer et anéantir une victime : en fait il se donnait pour ses amis, il les aimait jusqu'au bout, accomplissant ainsi la vocation reçue de son Père et ainsi, rendu capable de retrouver une Vie sur laquelle personne jamais n'aura de prise mais qui sera partagée par ses disciples.

Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même.

J'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre :

voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père.

A plusieurs reprises dans ce passage revient donc l'expression qu'il faudrait traduire exactement par JE POSE MA VIE POUR et qui est reprise de l'extraordinaire "Chant du Serviteur souffrant "d'Isaïe :

Il était méprisé, homme des douleurs....

En fait ce sont nos souffrances qu'il a portées.

Nous tous, comme des brebis, nous étions errants ;

Nous nous tournions, chacun vers son chemin...... Brutalisé il s'humilie, Il n'ouvre pas la bouche

comme un agneau traîné à l'abattoir.

---- Seigneur Dieu : daigne faire de lui un sacrifice d'expiation.

Ayant payé de sa personne ,

il verra une descendance, il sera comblé de jours.

Il dispensera la justice parce qu'il s'est dépouillé jusqu'à la mort

et qu'il a porté les fautes des multitudes... ( Isaïe 53 - extraits)

Qui donc est ce Jésus qui ose s'approprier les humains ( "les brebis m'appartiennent") - au même titre que Dieu...et qui nous assure qu'il aime ses disciples de l'Amour même dont Dieu le Père l'aime...et qui sait que sa vie tuée sera une vie restituée ?

DIMANCHE DES VOCATIONS.

On nous presse d'accroître aujourd'hui nos prières afin que renaissent des vocations. Bien. Mais ne faudrait-il pas au préalable que tous, nous reprenions conscience de notre vocation fondamentale qui nous a rendus chrétiens ? La surabondance de prêtres et de religieuses a longtemps habitué les fidèles à se laisser conduire en menant une existence plus ou moins médiocre.

La crise actuelle peut être bénéfique. Elle oblige les prêtres à ne plus tout diriger, à écouter la variété des opinions, à ventiler les responsabilités, à organiser les engagements.

Et elle pousse les laïcs à ne plus être "des brebis muettes, dociles...et inactives" pour redevenir des chrétiens à part entière.

La foi ne peut plus se confondre avec une simple existence honnête assortie d'une vague ritualisation de quelques moments de la vie : elle est don de soi, offrande, décision de mettre en ½uvre le OUI du baptême, participation à un peuple en marche chargé d'alerter l'humanité quand elle va vers l'abîme et de la conduire à sa plénitude près du Père.

Mais seuls les agneaux peuvent devenir des pasteurs.