5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Alors que le récit du dernier repas de Jésus avec ses disciples est assez bref dans les premiers évangiles, il s'allonge sur cinq chapitres dans l'évangile de Jean. Non seulement ce dernier remplace le récit de l'institution de l'Eucharistie par celui du lavement des pieds (qui en est l'image), mais il met sur les lèvres de Jésus un long discours d'adieu, le tout étant encadré par l'insistance sur l'amour de Jésus pour les siens.

Au c½ur de l'ensemble rayonne la magnifique allégorie de la VIGNE - ce qui donne le plan suivant :

* 13, 1 : Jésus ayant aimé les siens qui sont dans le monde les aima jusqu'à l'extrême...

* 14 : discours sur la foi

· 15, 1-17 : allégorie de la Vigne

* 15, 18 - 16, 33 : discours sur les persécutions

· 17 : la grande prière sacerdotale avec la finale : ...."Père, tu m'as aimé avant la création du monde...A ceux-ci, je ferai encore connaître ton Nom afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux..."

Ce schéma fait tout de suite comprendre l'idée essentielle de l'ensemble : Le Père a donné tout son amour au Fils qui l'a offert et continuera de le donner intégralement aux siens jusqu'à la fin de l'histoire.

L'image la plus adéquate pour exprimer ce mystère est celle de la VIGNE, qui est donc centrale.

LE CHANT DE LA VIGNE AIMEE ET DECEVANTE

On connaît le célèbre "chant de la vigne" par lequel Isaïe exprimait la tendresse de Dieu pour son peuple Israël et son immense déception devant la conduite de ses élus ( Isaïe 5 ) :

" Il en attendait le droit...et c'est l'injustice ;

Il en attendait la justice...et il ne trouve que les cris des malheureux".

En effet si Dieu fait alliance avec un peuple, ce n'est pas le choix d'une élite et le rejet des autres nations. Quiconque est l'élu de Dieu doit au contraire appliquer des exigences très strictes de justice et ainsi servir de modèle et d'avant-garde pour le monde. Or le drame, c'est que l'élection devient souvent une assurance : persuadé d'adorer le vrai Dieu, on est fier de lui rendre un culte dans son temple... mais on ne construit pas la société telle que Dieu la veut, c'est-à-dire une société de respect de chacun, de partage équitable, de justice sans compromission. Alors les cris de détresse des malheureux rendent vain le chant des cantiques. Si belles, si fastueuses soient les liturgies, elles deviennent blasphématoires lorsque le droit est piétiné.

Dans les évangiles synoptiques, Jésus a repris l'image de la vigne pour condamner les vignerons homicides, ces autorités qui organisent le culte mais tolèrent l'injustice et qui finalement feront tuer celui qui leur dit leur vérité ( Matthieu 21, 33 ...)

LA VIGNE DANS SAINT JEAN : JESUS ET LES SIENS

Avancée théologique considérable : la Vigne est personnifiée, c'est Jésus en personne !

Je suis la vraie Vigne et mon Père est le Vigneron. Tout sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève.

Tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie pour qu'il en donne davantage. Vous, vous êtes nets et purifiés grâce à la Parole que je vous ai dite : " Demeurez en moi comme Moi en vous".

De même que le sarment ne peut porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en Moi.

De même qu'il se proclamait le Vrai Berger de son peuple, ici Jésus s'approprie la métaphore qui désignait le peuple élu. Il ne s'agit pas de son projet à lui : c'est son Père qui l'a choisi afin d'être le Cep qu'il plante...en terre d'Israël, oui, mais sur le Golgotha ! Les poutres de bois sont le tuteur sur lequel l'Amour du Père arrime son Fils qui, vivant de l'amour éternel de son Père, va s'étendre, se prolonger à l'infini dans sa communauté. Les disciples ne sont plus seulement des élèves à l'écoute d'un maître, des brebis marchant à la suite du berger mais ils sont EN JESUS, ils demeurent EN LUI. Ils sont son extension comme les sarments sont les ramifications de la vigne.

Cela, ils le sont par Sa PAROLE à Lui ; et ils ne le demeurent que si cette PAROLE demeure en eux, si elle est l'influx, l'élan qui les meut et les anime.

Seule la stricte application de l'Evangile maintient le croyant en Christ. Car le Père vigneron ne veut pas d'un arbre décoratif, une plante ornementale dont la beauté serait le nombre, l'éclat, la grandeur. Une vigne n'est plantée QUE POUR LE FRUIT ATTENDU !

Donc le sarment infécond sera retranché : sa stérilité le fait exclure. Quant au sarment fécond, il doit s'attendre à être taillé, émondé. Les épreuves, les attaques trancheront ses excroissances, ses rejets superflus, ses pensées trop humaines, ses assurances trop égoïstes : il verra là un travail divin, douloureux mais indispensable, afin de lui faire produire toujours davantage. Tous les saints lui apprendront combien il faut souffrir pour être de plus en plus purifiés par une PAROLE de feu.

Je suis la Vigne et vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit...car en-dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu et il brûlent.

Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l'obtiendrez.

Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples.

Jésus répète, selon le style méditatif de Jean, il insiste très fort : le lien avec lui est décisif mais n'est jamais acquis une fois pour toutes - ni par un rite ni par une inscription dans une religion ni par des mots. Seule l'obéissance, la pratique fidèle et persévérante de SA PAROLE peut assurer "le chrétien" qu'il est bien "EN CHRIST", un vrai sarment de la Vigne. Car la tentation de l'homme est toujours de chercher son bonheur et de construire l'humanité en prenant d'autres chemins que celui de Jésus : LA PÂQUE, mystère de mort et résurrection.

Les sarments stériles sèchent et, au lieu de brûler du feu de l'amour, ils se consument en consommant égoïstement et inutilement.

Pour terminer, Jésus prévient : il ne suffit pas d'avoir de la bonne volonté, un bon caractère, des qualités éminentes. Un sarment du Christ ne tient et n'est fécond que s'il PRIE, si, du fond de sa pauvreté et de ses échecs, il SUPPLIE le Père pour obtenir la grâce de donner les fruits escomptés. En ce sens, il sera exaucé car il procurera "LA GLOIRE DE MON PERE."

Mais quel est donc ce fameux fruit attendu ? La seconde partie du texte nous le révèlera dimanche prochain