5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La culpabilité. Voilà un beau thème. D'après certains, nous les catholiques, nous serions les champions de la culpabilité. En tout cas, certains milieux nous le reprochent de manière assez véhémente d'ailleurs. Nos regards, nos commentaires seraient pétris de cette culpabilité et nous aurions paraît-il même un don pour veiller à ce que tous ceux et celles qui croisent nos chemins se sentent coupables après notre rencontre. Cette image du monde chrétien, voire catholique est évidemment un peu caricaturale mais pourtant dans chaque caricature, il y a toujours quelque chose de vrai comme si une certaine forme de culpabilité nous collait à la peau.

Etant né l'année où débutait le Concile de Vatican II, je reconnais ne pas avoir été pétri dans mon éducation d'un tel sentiment. Pourquoi ? Parce que je crois qu'il y a eu un grand tournant au cours de ce Concile. Avant, et ce, jusqu'il y a encore quelques dizaines d'années, tout homme, toute femme était jugé sur ses actions. Actions qui étaient elles-mêmes tout à fait désincarnées de la personne. Vous allez me dire que je leur en veux, même si aujourd'hui heureusement pour l'Eglise ils ont eux aussi évolué, pendant quelques siècles, nos amis, enfin plutôt vos amis, les jésuites ont favorisé la morale de l'action. Ce qui importe avant tout c'est ce que nous faisons. Nous sommes jugés sur nos actions. Les explications, les excuses importaient peu, nous étions coupables puisque nous avions agi de la sorte. Une telle morale, me paraît humainement fausse. En effet, nous ne sommes pas toujours à même de comprendre le pourquoi de nos actes. Parfois, ils nous dépassent complètement. N'oublions jamais que nous restons des icebergs vis-à-vis de nous-mêmes. Nous connaissons et aimons ce qui est visible, nous percevons ce qui se trouve juste en-dessous du niveau de l'eau et le reste de l'iceberg reste un grand mystère même pour nous. Nos actions ne peuvent donc pas être dissociées de nos personnalité. Heureusement pour nous aujourd'hui, Vatican II est revenu à une tradition théologique plus ancienne, thomise pour dire vrai, donc dominicaine. Excusez-moi du peu. Cette tradition à laquelle j'appartiens préfère à la morale de l'action, plutôt l'éthique de l'être. C'est-à-dire une éthique qui tient d'abord question de la personne, une éthique qui refuse de dissocier nos actes de nos êtres. Nous formons un tout. Nos actions s'enracinent au plus profond de nous. La question n'est pas : « que dois-je faire ? ». Cette question est trop infantile. Non, la question qui doit nous habiter est la suivante : « qui ai-je envie d'être, qui ai-je envie de devenir ». Ayant répondu à cette question, je peux alors choisir les actes que je veux poser pour me permettre de devenir l'être que je suis. Il y a donc bien cette question préalable essentielle à la conduite de nos vies. Cette éthique est nettement plus positive mais elle n'empêche cependant pas que nous commettions certaines erreurs, voire même certaines fautes conscientes ou inconscientes. Nous pouvons alors être envahi d'un sentiment de culpabilité qui s'il n'est pas géré, grandit en nous jusqu'à complètement nous paralyser (à l'image de notre seconde lecture). Nous ne sommes plus à même de porter du fruit pour nous-mêmes et pour les autres. Or le Christ ce matin (soir) nous rappelle que l'arbre se juge à ses fruits. Dès lors entrer dans la spirale de la culpabilité ne nous permet pas de nous en sortir, d'éclore en nous l'ensemble de potentiels qui nous ont été offerts par la vie. Que faire pour pouvoir à nouveau donner du fruit ? Peut-être méditer la seconde (première) lecture de ce jour. S'enfermer dans la spirale de la culpabilité, c'est quelque part se condamner comme s'il n'y avait aucune issue possible ; c'est croire qu'il n'y aura jamais plus de lendemain ensoleillé ; c'est refuser de se pardonner pour l'erreur ou la faute. En fait, c'est jouer à Dieu. Pas n'importe quel Dieu, un Dieu qui juge et condamne nos actions. Ce n'est pas parce que nos actions sont mauvaises que nous le sommes pour autant. C'est pourquoi, Saint-Jean, dans sa lettre, nous rappelle : « si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur, et il connaît tout ». C'est sans doute une des phrases de la Bible que nous devrions connaître par coeur et méditer constamment.

Notre Dieu refuse que nous nous enfermions dans une culpabilité stérilisante. Il veut pour nous la vie et nous invite à nous dépasser. Tout simplement parce que « si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur, et il connaît tout ». Amen.