4e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

« Je suis le bon pasteur ». C'est une des métaphores les plus connues du Nouveau Testament. Jésus est le berger, et nous sommes les brebis.

C'est une métaphore riche qui a une longue histoire dans la tradition juive. Le roi David était connu comme berger ; « Berger » est devenu titre royal ; en s'appelant berger Jésus prétend donc être roi des juifs. Dans le livre du prophète Ézéchiel Dieu rejette les bergers humains, les rois d'Israël, et dit qu'il deviendra lui-même un jour le berger de son peuple. En s'appelant berger, Jésus dit que Dieu est présent en lui, et qu'en lui Dieu guide son peuple.

C'est donc une métaphore importante et centrale. Mais il faut dire que ce n'est qu'une métaphore. Nous ne sommes finalement pas des brebis. La vie d'une brebis est simple : elle mange de l'herbe, elle dort, elle s'accouple de temps en temps avec un bélier. Elle suit les autres brebis, qui suivent le berger. Puis, on l'abat et on la mange. Ce n'est pas une bête remarquable. La vie humaine est beaucoup plus compliquée, plus intéressante, plus difficile et pleine de beaucoup plus de possibilités que celle d'une brebis.

Si nous ne sommes pas des brebis, Jésus n'est pas un berger non plus. La relation entre Jésus et nous n'est pas la relation entre un berger et ses brebis. La brebis peut s'égarer dans les rochers, et alors le berger va la chercher. Mais il ne la cherche pas par amour ; il la cherche parce qu'elle lui appartient, c'est sa propriété, s'il la perd, il perd de l'argent, ou il aura moins à manger. Certainement, et contrairement à ce que dit Jésus, il ne mourra pas pour ses brebis. En parlant de la mort du berger Jésus dépasse les limites de la métaphore.

Comme toute métaphore, celle-ci est à dépasser. Dieu, et notre relation à Dieu, n'est pas à saisir, il n'y en a pas d'image cohérente. Mais il y a quand-même un élément de l'image du berger et de ses brebis qui est important. C'est en suivant leur berger que les brebis trouvent leur nourriture et leur sécurité, càd leur vie. Les brebis ne suivent pas n'importe qui. Les brebis, dit Jésus, reconnaissent la voix du berger à qui elles appartiennent. Puisque la vie humaine est plus compliquée que celle d'une brebis, nous avons besoin d'une nourriture plus compliquée que celle dont a besoin la brebis ; pour vivre une vie vraiment humaine nous avons besoin d'une nourriture qu'on peut appeler spirituelle. Et si une brebis peut s'égarer parmi les rochers, nous pouvons nous égarer dans le monde. Nous pouvons perdre notre orientation dans le monde, ou le monde et la vie peuvent perdre leur sens, ils peuvent devenir muets et ne plus nous parler ; et alors, dans ce silence, nous sommes profondément perdus. Nous avons besoin de plus qu'un berger. Nous avons besoin de quelqu'un qui nous permette de nous retrouver, en qui nous puissions retrouver le sens de notre vie et du monde. C'est pourquoi, si Jésus parle de lui-même comme d'un berger, son évangéliste Jean l'appelle « Verbe de Dieu », la parole vivante de Dieu par qui tout est créé. Selon Jean, il y a une parole dans les choses, une parole qui est à l'origine des choses, à leur centre, une parole qui peut établir - ou rétablir - une sorte de communion entre nous et le monde, une parole qui nous dit le sens du monde. Cette parole s'est faite chair, c'est Jésus, le berger. C'est pourquoi il est tellement important d'écouter et de reconnaître la voix de ce berger, de ne pas suivre n'importe quelle voix. Nous ne suivons pas Jésus pour être pieux, ou obéissants, ou saints, mais pour trouver un sens dans le monde, pour vivre humainement.

Ce dimanche du Bon Pasteur on a dans l'église catholique l'habitude de prier pour les prêtres. C'est une très bonne idée, parce que les prêtres ont toujours besoin d'être soutenu par vos prières. Mais n'oublions pas que les prêtres, comme les évêques, ne sont pas nos pasteurs. Il n'y a qu'un seul pasteur, il n'y a qu'une personne qui nous donne la vie et qui donne un sens à notre vie. Les prêtres et les évêques ne sont que des brebis qui ont un rôle un peu spécial dans le troupeau. Ils ont le devoir, comme beaucoup de laïcs, de transmettre fidèlement la parole de vie que Jésus nous parle. Pour pouvoir faire cela, il faut qu'eux aussi puissent reconnaître sa voix au milieu de tout le bruit et de toutes les opinions qui nous entourent aujourd'hui, et qu'ils l'écoutent. Prions donc que tous ceux qui parlent au nom de l'église écoutent bien la parole de Jésus, qu'ils la comprennent et qu'ils la transmettent fidèlement.