Une jeune adolescente de notre paroisse me racontait, il y quelques semaines, l'épisode suivant. « Après avoir écouté le témoignage d'une religieuse qui avait raconté comment elle avait reçu l'appel de Dieu, la jeune adolescente me confia qu'elle s'était mise à prier Jésus comme jamais pour que ce dernier ne l'appelle pas à devenir bonne soeur ». Comme quoi un simple témoignage peut devenir traumatisant. N'ayant moi-même jamais eu Jésus au téléphone me demandant de devenir dominicain, je n'ai jamais très bien compris cette idée d'avoir été appelé. Ce type d'expression ne fait partie ni de mon vocabulaire, ni de mon expérience spirituelle. A la lecture de l'évangile de ce jour, j'imagine bien notre jeune adolescente se remettre à prier de plus belle. Si déjà être « bonne soeur », pour le dire dans ses mots, n'était pas son idéal, j'imagine que la perspective de devenir la mère de Dieu ne doit pas l'enchanter beaucoup plus.
Ce récit de l'annonce faite à Marie nous le connaissons tous. Il fait partie des histoires merveilleuses et magiques de notre enfance. Cela s'est-il réellement passé de la sorte ? Est-ce un récit historique ? Personne ne peut ni le confirmer, ni l'infirmer. Et pourtant au-delà du merveilleux de l'événement, cette histoire nous parle aujourd'hui encore. Il y a d'abord la disponibilité de Marie face à l'inattendu. Il y a ensuite son « oui » qui va transformer toute notre humanité. Mais il y a surtout la naïveté de cette jeune femme qui accepte de porter en elle le Fils de Dieu, c'est-à-dire Dieu Lui-même. Qui d'entre nous n'aurait pas hésité à sa place ? Et c'est cette idée de naïveté que je voudrais souligner ce matin (soir). La naïveté est souvent comprise en son excès. Elle devient alors synonyme de peu d'intelligence, de bêtise. Par contre la naïveté présentée dans l'évangile de ce jour est belle, positive. La naïveté est signe de cette grâce naturelle empreinte de confiance et de sincérité. Cette naïveté est loin d'être frivole, elle ouvre en nous un espace sur lequel nous pouvons élaborer, rêver, bâtir, en fait, construire tout simplement notre vie. C'est de cette manière que nous pouvons comprendre le sens de l'appel. Marie a été appelée à devenir Mère de Dieu. Et nous, toutes et tous, nous sommes appelés à nous réaliser. Il n'y a pas de chemin tout tracé, à nous de le trouver. Je souris d'ailleurs toujours lorsque quelqu'un me dit : « il faut être bien courageux pour être religieux aujourd'hui ». En disant cela, la personne se trompe de registre. Etre religieux, (s'engager jusqu'à la mort comme soeur Sabine dans trois semaines), ce n'est pas du tout une question de courage mais bien de bonheur. Et à ce type d'interpellation, je réponds toujours : « il faut être bien courageux pour se marier aujourd'hui. Moi en tout cas je n'en aurais pas été capable ». En effet, la vie religieuse, la vie de couple, la vie de famille, la vie de célibat choisi, la vie d'amour dans la fidélité, toutes ces vies ne sont pas dans l'ordre du courage mais bien de l'épanouissement. Ils sont à leur manière le chemin que nous avons choisi d'emprunter pour nous réaliser. Le courage consiste à vouloir marcher sur le chemin de l'autre au risque de ne pas être heureux. L'appel de Dieu, l'appel de Marie sont d'abord et avant tout des appels à la vie. Si nous nous promenons sur le chemin de notre destinée, il ne s'agit pas de courage mais bien de naïveté. En effet, je crois qu'il faut une grande part de naïveté pour se lancer dans la vie que nous choisissons. Tout choix est un pari sur le futur. S'engager dans sa vie demande toujours un minimum d'inconscience et d'audace. Nous ne sommes jamais tout à fait prêt. Il y a toujours mille et une raisons qui pourraient nous dire : attend, ce n'est pas encore le moment ; il faudrait d'abord faire ceci et encore cela. Mais à force de reculer son « oui », de repousser son saut dans les choix qui nous construisent nous risquons de nous enfermer dans une solitude destructrice de ce que nous sommes et avons à être.
La naïveté de Marie, la naïveté de la vie nous invite à toujours continuer de progresser, d'avancer parce qu'il y aussi de la fidélité dans la naïveté. Puissions-nous ne jamais l'oublier. Naïvement Marie a dit oui, il y a 2000 ans. Que notre oui à l'appel de Dieu, l'appel de la vie résonne en nous comme signe de notre désir de vivre heureux enraciné dans les pas du Fils de Dieu.
Amen.