4e dimanche de Carême, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Jn 3, 14-21

Aujourd'hui, il semble que rien ne va plus... C'est la crise. La mondialisation de l'économie a comme conséquence la fermeture de grandes usines. C'est le chômage, les grèves, la vie chère. C'est la pollution, la violence... Des moments viennent où nous sommes prêts à nous prendre à tout, où nous cherchons des responsables et des coupables. Il est bon alors de nous souvenir que, dans son regard sur notre monde, Dieu nous indique souvent une direction inverse à celle que nous suivons facilement. L'évangile de Jean nous dit aujourd'hui : "Dieu n'a pas envoyé son fils dans le monde pour le juger, mais pour que par lui, le monde soit sauvé. "

Ainsi les textes de la liturgie de ce jour nous présente l'amour que l'Eternel a pour toute l'humanité.

Déjà, toute l'histoire d'Israël apparaît comme un dialogue incessant recherché par Dieu, avec les hommes. Il les a créés à son image. Ils sont un peu comme le reflet de ce qu'Il est en Lui-même, et Dieu est comme séduit par le chef d'oeuvre de sa création. Dans le prendre Testament, la relation avec l'Eternel nous est présentée en termes d'épousailles. Dieu se fiance l'humanité qu'il a créé. Il fait alliance avec son peuple. Et puisqu'Il aime, Il suppose la réciprocité. Il attend en retour un amour de la part des humains. C'est là le sens profond de la Loi.

Régulièrement, Il envoie les prophètes pour rappeler cette alliance. Car Il ne s'arrête pas aux échecs. Sans cesse Il repropose son amour.

C'est tout le message du livre des chroniques, dont nous avons lu un extrait dans la première lecture. Rédigé après l'exil, à l'époque d'Esdras, au moment où ce dernier essaye de restaurer le culte de Yaveh à Jérusalem, l'auteur relit toute l'histoire comme un mouvement de Dieu qui sans cesse est à la recherche d'une réponse d'amour de la part de son peuple. Il envoie ses prophètes, Jérémie et même le païen Cyrus rappeler sa cause. Finalement, comme le dit encore l'évangéliste Jean, il nous envoie son propre fils : "Dieu a tant aimé le monde, qu'il a envoyé son propre fils pour le sauver ".

Si Dieu fit l'homme à son image, très souvent les hommes ont imaginé Dieu selon leur propre image, selon leurs aspirations et leurs désirs. Comme les humains rêvent de puissance, comme ils rêvent de tout savoir et de tout connaître, comme ils souhaitent dominer la terre et leurs frères et soeurs, ils se sont fabriqué une image de Dieu qui leur conviennent. Dieu est soi-disant comme eux tout-puissant, omniscient, vengeur et vindicatif Il est donc nécessaire d'obtenir ses bonnes grâces et sa bienveillance ou encore d'apaiser son courroux.

Par ses paroles, par ses comportements et par sa vie offerte et sa mort cruelle, Jésus nous dit tout autre chose de Dieu. Il nous révèle un Dieu amoureux de l'homme et de tous les hommes, mais en même temps vulnérable et donc à la merci des humains -C'est donc un Dieu qui a un projet admirable de bonheur pour tous et qui en même temps dépend totalement de nous pour réaliser son rêve

Dieu veut la vie pour l'homme et pour tous les hommes. Il ne veut pas la mort de quelqu'un, en tous cas pas celle du pécheur et donc pas celle de son fils, Jésus. Un père souhaitant la mort de son fils nous paraît comme un sentiment abominable.

La mort de Jésus n'a pas été voulue par Dieu, demandée et exigée par lui. Si Jésus est mort c'est parce que des hommes l'ont tué. Il a été victime de la méchanceté humaine, comme aujourd'hui meurent encore dans notre mort un tas d'innocents souvent même dans l'indifférence générale.

Il nous faut donc changer de regard et considérer que Dieu n'exigeait pas pour pardonner nos péchés le paiement de notre dette par la mort de son Fils. Jésus n'avait pas à payer à notre place pour apaiser la colère divine. C'est tout le drame de l'opposition des juifs a Jésus. Refusant d'être mis en cause et ayant peur pour leur propre pouvoir, ils l'ont supprimé.

"Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. Tout homme qui fait le mal déteste la lumière. Il ne vient pas à elle, de peur que ses oeuvres lui soient reprochées.

Il est vrai que l'homme religieux, présent dans le coeur des chefs des prêtres et des pharisiens, mais aussi toujours renaissant en nous, veut s'assurer contre Dieu. "Puisque j'observe ta loi, tu dois me récompenser" ou encore "Vois mes sacrifices et mes mérites, tu dois exaucer ma prière." ou bien négativement "qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour qu'il m'abandonne ainsi ?"

C'est la religion du troc ! A cela, il nous faut affirmer : "ON N'ACHETE PAS DIEU" Dieu n'est pas à vendre, mais il est à rencontrer dans une relation d'amour. A une économie de marché, qui est de l'ordre de la religion, Jésus substitue une économie de grâce et de don, en surabondance. Jésus n'a pas calculé. Il a aimé. Vulnérable, il s'est laissé prendre, il s'est laissé trahir par Judas, il s'est livré aux juifs pour épargner les siens.

Ainsi Jésus présente une image de Dieu toute différente : un Dieu se donnant à l'homme avec un amour fou. Il a préféré abandonner sa propre vie plutôt que de changer quoique ce soit au message d'amour et de compassion qu'Il venait apporter de la part de Dieu. Il est allé jusqu'au bout du don, manifestant ainsi l'amour sans limite que Dieu a pour les hommes. "Par sa bonté pour nous, dans le Xt Jésus, il voulait montrer la richesse infinie de sa grâce. " nous dit l'apôtre Paul. Au moment de sa mort, le voile du temple se déchire. C'est le signe de la fin d'une alliance pour en fonder une nouvelle. Car la seule gloire de Dieu, désormais n'est plus le saint des saints, mais le crucifié.

"De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, épargnant ainsi ceux qui avaient été mordu par les serpents, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. " Il est bon de rappeler ici la parole de l'apôtre "Nous prêchons un Jésus crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens"..

Le crucifié, c'est l'image d'un Dieu qui meurt par amour. Telle est notre foi. Jésus n'est pas seulement un prophète que l'on tue. Il est Dieu lui-même donnant sa vie par amour.

Il nous faudrait nous en souvenir, au moment où dans quelques jours nous allons faire mémoire de la passion et de la résurrection de Jésus. Nos croix qui ornent nos maisons, que nous dressons aux carrefours des chemins ou dans nos chapelles, mêmes celles que nous portons comme bijoux ou pendentifs sur nos poitrines, sont bien autre chose qu'un talisman. Elles sont le témoignage d'un amour fou de Dieu. Souhaitons qu'à cette lumière "nos oeuvres soient reconnues comme les oeuvres de Dieu".