L'évangile de ce jour est composé de trois petits tableaux.
Dans le premier, nous voyons Jésus, accompagné de deux de ses plus proches disciples, se rendre dans la maison de celui qui deviendra le plus important d'entre eux. Nous pouvons déjà y distinguer vaguement une image de l'Eglise. L'Eglise peut donc être malade de l'intérieur et avoir besoin du Christ pour la remettre d'aplomb. Qu'elle ne l'oublie pas ! Le mot grec (traduit ici par « il la fit se lever ») est le même mot que celui qui sera utilisé pour exprimer la résurrection du Christ à la fin de l'évangile. Ainsi le mot « résurrection » est déjà lancé dès les tout premiers versets du premier chapitre. Un des signes de la santé retrouvée est que cette Eglise se (re)mette à « servir ». Le terme grec « diakonia » deviendra dans le vocabulaire de l'Eglise primitive le terme technique pour signifier le souci de l'humble service.
Avec le deuxième tableau, on change de décor. « Le soir venu, après le coucher du soleil... » et je continue en glosant :...« au crépuscule de cet ancien monde, malade et possédé par des esprits mauvais », ce monde se presse à la porte de l'Eglise et en attend une guérison. A l'exemple du Christ et par lui, la mission de l'Eglise, sa diaconie, sera de « guérir », de remettre d'aplomb à son tour les personnes qui s'adressent à elle dans leur mal-être, de corps ou d'esprit. Plus particulièrement ces derniers, tourmentés spirituellement, peuvent avoir compris, avant les autres, la qualité salutaire du message et de l'action du Christ. Pour respecter le cheminement de chacun, il vaut peut-être mieux que la révélation du Salut de Dieu ne se fasse que progressivement, à la mesure de ce que les gens peuvent entendre (comme le dit la formule thomiste). C'est sans doute cela la leçon de ce fameux « secret messianique », curieusement imposé aux « esprits impurs ».
Troisième tableau. Au lendemain de cette évangélisation que nous pourrions croire réussie, n'oublions pas, comme Eglise, que nous ne possédons pas Dieu, qu'il nous échappe toujours, qu'il est toujours au-devant de nous et que c'est quelque part dans la prière que nous pourrons vraiment le rejoindre, bien plus que dans l'efficacité de notre mission. L'Eglise elle-même doit toujours se remettre à la recherche, d'autant plus qu'elle est sollicitée. A l'aube de ce jour nouveau qui se lève pour l'histoire du Salut et préparée par cette rupture et ce recentrement par la prière, l'Eglise doit repartir en mission, proclamant l'Evangile à tout vent, dans les lieux prévus mais aussi les lieux non prévus, comme nous le fera découvrir la suite de l'évangile.
Deux décennies plus tard, un apôtre, Paul, a pris au sérieux cette mission de proclamation à tout vent. C'est devenu pour lui une force irrésistible dont il ne compte retirer ni récompense ni mérite. Au contraire, il en récoltera bien des souffrances dont la moindre ne sera pas, comme ici, les constantes critiques sur sa mission elle-même. Mais peu importe car Paul sait que la plus plénière des récompenses n'est pas de celles que l'on s'arroge soi-même ou que l'on pourrait attendre des hommes ; la plus belle des récompenses sera celle donnée par Dieu et, celle-là, Paul en est assurée.
Cette assurance n'est pas celle de Job. Peu de textes disent la souffrance avec des mots aussi justes, aussi poignants et dramatiques. Toute la souffrance de la condition humaine peut s'y retrouver. On sait que la dynamique du livre est d'évacuer comme non-pertinentes les explications traditionnelles à la souffrance. Cependant, même si chez Job la souffrance est un cri, presqu'une révolte, ce cri est adressé à Dieu. Ce cri, nous les apôtres, nous les serviteurs de l'Evangile, nous devrions l'entendre et nous mettre en état de mission pour soulager ce mal-être de la condition humaine, du mal-être qui est peut-être au-dedans de nous, et retrouver la paix, non pas une paix artificielle mais une paix qui, malgré les blessures, nous remettent debout.
5e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Sélis Claude
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012