« Range ta chambre, tu as vu ce capharnaüm ». Qui d'entre nous n'a pas entendu ou prononcé ce type d'injonction. Et voilà, qu'au fil des ans, la ville de Capharnaüm est devenue synonyme d'un lieu qui renferme beaucoup d'objets en désordre. Elle même, du temps de Jésus, était un véritable carrefour de races multiples, de nationalités, de migrants de toutes sortes. Un vrai bazar et c'est à cet endroit précis que le Christ établit son lieu de refuge. C'est toujours vers elle qu'il reviendra, c'est-à-dire au c½ur de la vie trépidante et bouillonnante. Là, où les gens vivent.
Une pièce peut donner le vertige tellement, elle est remplie de bric-à-brac. Une ville peut donner le vertige tellement la vie grouille et semble ne jamais s'arrêter. Mais également un être humain peut donner le vertige tellement il est encombré d'un ensemble de pensées ou d'activités. La vie peut parfois prendre à ce point le dessus que nous nous oublions tellement il y a à faire. Faire, faire et toujours faire, telle semble être la devise de notre société. Mais à force de toujours chercher à faire, ne risquons-nous pas à un moment donner d'oublier d'être. Combien d'hommes et de femmes, arrivés à l'âge de la retraite, ne se sont-ils pas sentis perdus car ils n'avaient plus rien à faire et pouvaient alors être frappés d'un sentiment d'inutilité, voire d'inexistence. Il y a tout un apprentissage d'une nouvelle forme de vie à découvrir pour mieux se réjouir d'offrir de nous-mêmes aux autres. Toutes et tous, nous avons besoin de faire quelque chose. Avec la force de l'âge, la maladie, la perte d'un emploi, nous pouvons parfois être envahis de cette impression que nous n'apporterons plus rien aux autres tellement nous avons le sentiment que nos actions sont réduites, peu éclatantes. Détrompons-nous car quelle que soit notre situation, où que nous en soyons dans nos existences, assis, debout ou couchés, nous pouvons toujours être signe d'espérance et de confiance lors de chacune de nos rencontres. En effet, c'est dans la fragilité, dans la brise légère que Dieu notre Père aime se révéler à nous. Combien de gestes simples, vécus dans la douceur et la tendresse, ne vont-ils pas marquer notre c½ur à jamais. Nos vies se conjuguent dans l'amour au rythme de nos saisons. Dieu ne nous attend jamais dans le merveilleux ou l'extraordinaire. Il est plutôt à nos côtés dans le quotidien de nos existences, là où la vie se vit tout simplement. Il suffit parfois d'un petit rien, mais ici, même un rien est déjà quelque chose qui peut devenir un rayon de chaleur, un fragment de bonheur, une expression de douceur. Jusqu'à notre dernier souffle, nous pouvons être des passeurs de vie, mieux encore des passeurs de vie éternelle lorsque nos gestes, nos paroles, nos regards trouvent leur fondement en Dieu. Notre « faire », toutes nos actions permettent ainsi de participer à la construction du Royaume. Et Jésus ne se prive d'ailleurs pas de faire des choses. Ses journées sont parsemées de rencontres et d'actions diverses, nous raconte l'évangéliste Marc. Tout comme le Christ, les actes que nous posons sont l'expression des êtres que nous sommes entrain de devenir. Toutefois, lorsque nos vies se conjuguent uniquement par ces dernières, nous risquons de nous perdre et de vivre un sentiment de capharnaüm intérieur tellement nous sommes encombrés par un faire qui nous éloigne de notre être. Nous devenons des êtres alités au seuil de nos âmes. Et le Fils de Dieu vient tout en douceur au plus intime de nous-même. Comme avec la belle-mère de Simon-Pierre, Il ne dit pas un mot, pas une parole. Il nous prend tout tendrement la main et nous invite à nous relever. C'est dans la douceur de cet acte que le Christ nous ressuscite à nous-même. C'est vrai, dans la vie, il suffit parfois d'un regard, d'un sourire pour retrouver les forces nécessaires et avancer debout sur nos routes humaines. Le Fils de Dieu vient à son tour nous relever pour que nous puissions à nouveau le servir dans l'attention que nous nous portons les uns aux autres. Pour ce faire, il est bon de pouvoir de temps à autre sortir de nous-mêmes pour nous ressourcer dans l'événement de la prière. Alors et alors seulement pour pourrons partir ailleurs, c'est-à-dire parcourir nos Vies mais cette fois avec cette conviction intime que nous avons d'abord et avant tout une bonne nouvelle à annoncer et que celle-ci se réalise dans la manière dont nous vivons nos vies tout en douceur et tout en tendresse délestés de tout ce qui nous encombre pour revenir cette fois à jamais à l'essentiel : une vie d'amour.
Amen.