« Moi, je n’aime pas ce garçon » disait Monsieur Beulemans dans le fameux vaudeville bruxellois traitant du mariage de sa fille. En méditant l’évangile de ce jour, j’imagine bien Zébédée, le père de Jacques et de Jean, se dire le même type de phrase au moment où il voit ses deux fils tout quitter pour suivre un inconnu. C’est vraisemblablement tout son business familial qui a été mit en difficulté. Une lecture littérale d’un tel récit peut nous conduire à une attitude très radicalisée. Tout quitter instantanément pour se mettre au service d’un nouvel idéal de vie. Toutefois l’actualité récente nous montre à quel point la radicalisation peut conduire à des attitudes néfastes et profondément dangereuses pour les personnes elles-mêmes mais aussi pour toutes celles qui n’adhéreraient pas à leur cause. C’est pourquoi, il est fondamental de dénoncer le fait que toute radicalisation est une instrumentalisation de la foi au nom d’une cause nettement moins noble. Et il n’y a pas lieu de pointer une religion plutôt qu’une autre. L’histoire de notre propre église a également été parfois teintée de radicalisation et ce, durant de nombreuses années.
Mais alors comment répondre à l’appel de Dieu donné à tout être humain sans pour autant tomber dans une forme de radicalisation qui nous éloigne du Seigneur. Tout d’abord en acceptant que notre Père révélé en son Fils par l’Esprit nous appelle avant tout à la Vie. Tous nos choix, toutes nos attitudes, tous nos faits et gestes doivent s’inscrire dans la perspective de la Vie, c’est-à-dire dans notre participation à la construction du royaume de Dieu par les armes de la miséricorde. Celle-ci enveloppe les notions de bienveillance, d’empathie, de compassion, de tendresse, d’amour, de pardon et de réconciliation. La miséricorde divine est l’option fondamentale de notre Dieu pour la vie, pour toute vie, pour tout retour à la Vie. Répondre ainsi à l’appel de Dieu, c’est accepter de remettre de la vie dans la Vie et par conséquent de refuser toutes les formes de mort qui peuvent surgir à l’occasion de choix erronés, voire mauvais. Pour ce faire, nous devons accepter que jamais nous ne posséderons la Vérité. Nous la cherchons. La quête de la vérité nous anime et nous libère mais elle est toujours au-delà de nous. Puissions-nous ne jamais oublier ce que disait Mamie Rose à Oscar dans le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt : « les questions les plus intéressantes restent des questions. Seules les questions sans intérêt ont une réponse certaine ». La foi, la Vie, Dieu font partie du registre des questions intéressantes. Nous n’aurons jamais dans cette vie-ci la réponse à celles-ci. Nous cherchons à comprendre. Nous avançons à notre rythme. Mais pour nous, dans la foi, la Vérité est en Dieu. Pour ce faire, nous avons à prendre exemple sur Pierre qui tombant à genoux, dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Pierre a sans doute saisi que pour répondre à l’appel de Dieu, il fallait vivre l’expérience de l’humilité. En effet, devenir humble, nous permet de ne plus craindre le dévoilement de nos propres imperfections. Devenir humble, nous convie à accepter l’inconnaissance que nous avons de nous-mêmes. Devenir humble, nous autorise à vivre avec nos failles intérieures. Se reconnaître « humble » face à Dieu nous permet de le regarder en toute confiance. Et c’est ce qui lui permet alors de dire à chacune et chacun de nous : « sois sans crainte ». Puissions-nous entendre ces mots que le Christ nous adresse aujourd’hui encore : « n’aie pas peur, ce n’est que moi, je suis tout humain, tout divin comme toi aussi tu es appelé à le devenir. Ne crains pas, je ne suis pas un Dieu qui juge et condamne. Je suis un Dieu miséricordieux, un Dieu d’amour et de tendresse qui t’accompagne sur ton propre chemin de vie. Je suis là à tes côtés, je ne te laisserai jamais tomber. Viens et suis-moi, tout fragile puisses-tu être. Cela m’importe peu puisque c’est dans ta propre fragilité que se révèle ta beauté. Sois sans crainte, je t’accompagne sur ton chemin tel que tu es. N’aie pas peur, mon ami, je ne suis que Dieu et je t’aime ».
Amen