5ème dimanche ordinaire B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 8/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

DE LA SYNAGOGUE A L’EGLISE ; DU SHABBAT AU DIMANCHE

En rencontrant aujourd’hui la (fameuse !) belle-mère de Pierre, nous pourrions débattre du mariage ou célibat des apôtres… puis des prêtres. Il y a autre chose bien plus important à faire : méditer la chronologie des événements de cette journée inaugurale de Jésus dans l’évangile de Marc pour comprendre notre façon chrétienne de vivre le temps. Top chrono :

SHABBAT MATIN

Dimanche passé, Marc nous a raconté le coup d’éclat de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm. Sa prédication était absolument différente de celle des scribes : au lieu d’être un commentaire savant et pieux des Ecritures, elle frappait comme la foudre, pénétrait dans le cœur du pécheur le plus endurci et en éradiquait l’esprit mauvais. Stupéfaite, l’assemblée était abasourdie par « cet enseignement nouveau ». Continuons.

SHABBAT MIDI

En quittant la synagogue de Capharnaüm, Jésus, accompagné de Jacques et Jean, alla dans la maison de Simon et André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.

A la sortie de cet office du matin, Jésus est invité chez Simon : ainsi les 4 premiers pêcheurs qu’il a appelés récemment se retrouvent dans cette maison qui va devenir le centre de rayonnement de Jésus en Galilée. La belle-mère de Simon, infectée par une mauvaise fièvre, est couchée sur son lit, allongée comme dans la posture de la mort.

Ici pas de cri de refus d’un esprit impur qui voudrait garder sa proie et pas d’exorcisme violent mais confiance et intercession. On prie Jésus d’intervenir, on le conduit à la malade : le simple contact suffit et Jésus « la fait lever » - or c’est le verbe qui sera employé pour désigner la résurrection de Jésus.

D’un coup la guérison est effectuée et la femme est capable « de les servir » - comprenons : la maîtresse de maison peut accueillir le groupe et préparer le repas. Mais « servir », plus profondément, désigne aussi et surtout la disponibilité à obéir au Seigneur, à faire sa volonté, à l’aimer de tout son cœur.

LE LENDEMAIN = 1er JOUR DE LA SEMAINE

Evidemment la nouvelle de l’événement du matin à la synagogue s’est répandue dans la petite ville : un nouveau guérisseur est apparu en puissance ! Au cours du shabbat, tout travail est interdit, même le transfert des malades mais, au crépuscule, dès qu’apparaissent les premières étoiles, commence le premier jour de la semaine suivante (puisque le shabbat est le 7ème jour qui termine la semaine précédente). C’est pourquoi des groupes se pressent vers la maison où l’on sait que Jésus a été accueilli.

Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte.

Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient qui il était.

Amusé, Marc gonfle l’affluence : « la ville entière» converge vers la maison de Pierre. Pleins d’espoir, les gens amènent les malades et handicapés et Jésus, de façon toute naturelle, sans gestes ni pratiques spectaculaires, opère guérisons et exorcismes. Qui donc est-il pour posséder une telle maîtrise ?

Comme le possédé du matin à la synagogue, les esprits mauvais débusquent la personnalité profonde de Jésus et ils révèlent qui il est : le Saint, le Consacré, le Messie de Dieu. Il n’est pas qu’un simple guérisseur, plus puissant et efficace que les autres : il est l’envoyé de Dieu qui vient détruire l’emprise diabolique sur l’homme pour instaurer le Règne de Dieu. Mais Jésus leur interdit de dévoiler son titre : non qu’il le récuse mais parce que « Messie » est compris dans le peuple comme un roi redoutable qui allumera la révolution et rétablira la grandeur nationale.

1er JOUR DE LA SEMAINE : LA NUIT

Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.

La nuit est tombée, les gens sont retournés chez eux et chez Pierre, tous se sont endormis. Tous sauf Jésus qui, sans bruit, se lève et sort. Tout seul sous les étoiles, dans la nuit, IL PRIE. Après le travail près des hommes et des malades, dans le grand silence, il se tourne vers son Père : celui-ci lui a donné sa vocation au baptême, à présent que dois-je faire ? Car le Messie n’est pas un automate dans les mains de Dieu : l’Esprit qu’il partage avec Lui le rend libre. A son écoute, il doit décider de l’avenir.

SUITE : A L’AUBE

Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

La maison se réveille : stupeur ! Jésus a disparu ! Bouleversés, les disciples se lancent à sa recherche et enfin le trouvent : « Il y a déjà beaucoup de gens devant la maison et ils t’attendent ». Mais Jésus refuse de revenir à la maison : dans sa prière, il a compris qu’il ne devait pas s’installer quelque part pour accueillir ceux qui viennent à lui. Le monde l’attend, c’est à lui d’aller à sa rencontre pour lui annoncer la Bonne Nouvelle. « C’est pour cela que je suis sorti ».

LES JOURS SUIVANTS

Et il parcourait toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les esprits mauvais.

Jésus est un marcheur, un héraut toujours en mouvement, il fréquente les synagogues pour y proclamer un « enseignement nouveau » et pour libérer tous les hommes des aliénations qui les emprisonnent.

CONCLUSION

Une lecture superficielle voit simplement dans ce texte une suite de miracles. La chronologie notée par Marc révèle trois déplacements radicaux qui fondent le rythme de vie de l’Eglise.

UN ENSEIGNEMENT NOUVEAU.      Jésus n’est pas plus éloquent que les scribes et il ne tonitrue pas. La nouveauté de sa Parole réside dans le fait qu’elle réalise ce qu’elle énonce. Elle est tellement authentique qu’elle fouaille le cœur humain, descend dans ses profondeurs pour en éradiquer les maux que nous voulons y dissimuler. Notre aliénation profonde en effet est diabolique au sens où « diable » signifie séparateur, diviseur. La Bonne Nouvelle, c’est que, en acceptant cette Parole, nous sommes exorcisés, pardonnés du péché, donc unifiés, libérés. Si l’Evangile n’était qu’un enseignement de choses permises et défendues, il ne serait pas une « Bonne Nouvelle ».

UN LIEU NOUVEAU.       En Israël, chaque semaine se terminait par l’assemblée du peuple dans la synagogue : on lisait et commentait quelques pages des Ecritures et on chantait la gloire de Dieu. Mais on y invitera de moins en moins Jésus jugé subversif et blasphémateur et on en interdira l’entrée plus tard à ses disciples. C’est pourquoi ceux-ci se réuniront dans leurs maisons particulières pour y partager le Pain de l’Eucharistie dans l’allégresse. Ces « maisons de Pierre » toutefois ne devront pas se fermer sur elles-mêmes : dans la prière, elles comprendront qu’elles doivent demeurer ouvertes afin que les disciples, entraînés par le Souffle de l’Esprit, se dispersent et proclament la Bonne Nouvelle de Jésus dans toutes les nations jusqu’à la fin du monde.

UNE SEMAINE NOUVELLE.      Israël a apporté au monde le rythme hebdomadaire : 6 jours de travail culminant dans un jour de repos. Mais Jésus sera crucifié le 6ème jour et le lendemain, shabbat, sera son repos total, sa disparition dans la mort. A l’aube, premier jour de la semaine suivante, il réapparaîtra à ses disciples : c’est pourquoi ils l’appelleront « Jour du Seigneur » - en français « dimanche » - au cours duquel les disciples se rassemblent pour être guéris et remis debout par une « Parole nouvelle ».

*****     Notre vie chrétienne est ainsi rythmée par la semaine : ouverte par la célébration de l’Eucharistie où l’assemblée se laisse libérer par une « Parole neuve », intercède pour les malades, se met « au service »du Seigneur et « sort » en mission vers les hommes.