Un seul Ordre : Nous aimer les uns les autres
Au centre même du grand Discours d'adieu de Jésus à ses disciples dans l'évangile de Jean, se dresse l'allégorie de la Vigne : le texte commencé dimanche passé se poursuit aujourd'hui en dévoilant la signification et l'effet de l'image. Au c½ur du monde et de l'histoire, Dieu le Père a planté la Vigne authentique : c'est Jésus son Fils qui "se ramifie" dans une multitude innombrable de "sarments" qui sont ses disciples. Il ne s'agit donc pas d'une "organisation" à faire fonctionner mais d'un corps vivant animé par l'Amour infini de Dieu.
Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour - comme moi j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
On retrouve le célèbre "COMME" déjà vu au verset 4 et dans l'allégorie du Bon Pasteur ( Jn 10, 14-15) : il s'agit de bien plus que d'une simple comparaison. COMME veut aussi dire "PUISQUE ...PARCE QUE...". Jésus, Fils comblé par l'Amour de son Père, a intégralement transmis cet amour aux siens. Lire l'Evangile c'est voir précisément et exactement comment Dieu aime les hommes. Donc un disciple de Jésus n'est pas d'abord quelqu'un qui doit obéir, servir, aimer...mais un enfant qui EST AIME par DIEU SON PERE. Aimé inconditionnellement et intégralement.
Donc la prédication ne doit pas être d'abord (comme elle l'est trop souvent) un appel à l'action mais une révélation. La charité est à recevoir avant d'être donnée. La foi est accueil avant d'être activité.
C'est sans doute parce que nous ne sommes pas bouleversés par cet amour divin qui est allé jusqu'à la croix (pour-nous) que nos paroisses restent inertes. Elles sont passives parce que non émues, non passionnées. Elles ne souffrent pas de mauvaise volonté mais d'être mal ressourcées. En effet un sarment n'a pas à s'efforcer pour faire jaillir du fruit : il doit d'abord et sans cesse rester assoiffé de la sève qui lui vient du cep. Irrigué, il portera du fruit !
Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie.
Se recevant entièrement de son Père et se transmettant tout entier aux siens, indemne de tout égocentrisme et de toute culpabilité, Jésus vivait dans une JOIE perpétuelle. Certes il rencontrait des contradictions, il butait contre la haine de certains, l'indifférence de beaucoup et même l'incompréhension de ses proches mais toujours il correspondait à la Volonté de Dieu :" Je ne fais rien de moi-même...je fais toujours ce qui plaît à mon Père" ( Jn 8, 29). Donc il était lui-même : s'accomplissant en vérité, il était dans la joie qui n'est pas contentement et plaisir mais exultation de l'être achevé. En ne gardant rien pour lui, en révélant aux siens tous les enseignements de son Père, Jésus du coup nous transmet sa joie. Affronts et souffrances ne nous seront pas épargnés mais, à notre tour, nous expérimenterons que la Parole de Dieu apporte avec elle le bonheur de la Bonne Nouvelle.
LE FRUIT UNIQUE ET NECESSAIRE
Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que veut faire son maître. Maintenant je vous appelle mes amis car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure. Alors tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous l'accordera. Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.
Dès le début (évangile de dimanche passé), l'allégorie de la vigne parlait du fruit que devaient donner les sarments : le voici enfin précisé. Voici l'effet direct de la Vigne plantée en CROIX !
o Et la méditation de ces lignes doit être attentive et indéfinie ! -- Quelques points :
Ce fruit se ramène à une seule chose : "vous aimer les uns les autres". En effet le sarment n'est pas seul, il ne peut monopoliser l' amour, il ne peut le vivre qu'en communion avec les autres, ses frères et s½urs. Nous nous communiquons mutuellement les bienfaits de Dieu ! Est-il normal que beaucoup de chrétiens soient serviables, dévoués, engagés dans des ½uvres...en connaissant à peine ceux et celles avec lesquels ils partagent la même foi et la même Eucharistie ?... La conséquence première de la foi (la plus ardue, toujours à reprendre) est de constituer une communauté où les membres, différents les uns des autres, s'aiment vraiment. Un lieu où l'on se connaît, où l'on échange sur les merveilles de la Révélation, où l'on partage joies et peines.
Il est facile de se donner bonne conscience en jetant une maigre aumône à un mendiant inconnu : il serait plus normal et plus urgent de visiter un frère chrétien hospitalisé ou d'offrir sa résidence secondaire à une famille chrétienne qui a été obligée de fuir l'Irak.
Cet amour n'est pas facultatif et aléatoire mais commandé de façon très nette. On ne peut le remplacer par la piété, le décorum, le miracle, les exercices spirituels, les pèlerinages, le luxe liturgique.
Cet amour n'est pas émotif, sentimental, limité : puisqu'il est le don total du Christ en ses fidèles, ceux-ci se devront d'aller aussi loin que lui : donner leur vie pour leurs frères.
Voilà la révélation extraordinaire, entière, que nous avons reçue : elle fait que nous ne sommes plus de vagues croyants qui observent des pratiques sans en connaître le sens, des serviteurs tenus d'obéir à des ordres obscurs mais des "amis", des bien-aimés du Christ Seigneur. Nous sommes introduits dans les secrets de Dieu : que nous en soyons si peu fiers dit assez la médiocrité de notre foi !
Ne nous attribuons pas de mérites : c'est Christ qui nous a choisis. Une Eglise ( ek-klesia) est une assemblée "appelée-hors-de" par son Seigneur : elle n'est pas fondation d'hommes pieux. On ne va pas à l'église parce qu'on en a envie ou parce que la liturgie est bien faite mais pour répondre à un appel. La foi est une "vocation" (appel). L'amour crucifié appelle : quelle tristesse de voir tant de sourds, tant de traîne- savates !
Ce choix et cet amour constituent un "envoi" universel : la vigne du Seigneur doit pousser ses sarments jusqu'aux extrémités du monde pour que toutes les nations découvrent des communautés de disciples qui rayonnent cet amour de Dieu. "Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples" ( Jn 13, 35)
Pour terminer revient le thème essentiel de la "prière" : en effet cette fécondité et cette extension universelle de la Vigne ne seront possibles que par la demande instante. C'est pourquoi les oraisons se font toujours "au nom de notre Seigneur Jésus..." c'est-à-dire par sa force, en tant que nous sommes ses sarments, ses amis. C'est en nous rapprochant du Christ (par la pratique de son commandement) que notre prière sera vraie et aura chance d'être exaucée.
R. Devillers , dominicain Tél. et Fax : 04 / 223 51 3 - Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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