5e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Mc 1:29-39

La fête de saint Paul, dimanche passé, ne nous a pas permis d'écouter la phrase capitale que Marc place en exergue à la vie de Jésus et qui définit le c½ur de sa mission telle qu'il va l'accomplir jusqu'à sa mort : "Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Evangile de Dieu : " Le temps est accompli et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous et croyez à l'Evangile".

L'ancien charpentier de Nazareth revient dans sa région qu'il va sillonner comme le héraut de la Bonne Nouvelle. Jusqu'alors les prophètes prédisaient une intervention de Dieu pour un futur indécis : aujourd'hui Jésus proclame que, au cadran de l'histoire, le moment est venu. Désigné comme Fils-Roi après son baptême, investi par la force de l'Esprit-Saint, Jésus inaugure ici et maintenant le Royaume de Dieu sur terre. Voilà "la Bonne Nouvelle" absolue, indépassable. Elle doit se dire. L'Evangile n'est pas d'abord un livre mais un cri, l'annonce d'un événement qui provoque une explosion de joie puisqu'il porte l'homme à son accomplissement Ce règne de Dieu ne s'enclot pas dans des frontières ni ne s'impose par la violence : il se propose. Que tout homme écoute l'appel et se décide librement. Au lieu d'attendre un changement de monde, qu'il se laisse changer lui-même, qu'il fasse confiance à Jésus et modifie sa mentalité, qu'il subvertisse radicalement sa façon de voir et sa manière de vivre. Le Règne de Dieu n'est pas l'indépendance nationale, la victoire sur les ennemis, la santé, la gloire, la réussite, la fin du mal, ni encore moins la domination de l'Eglise : il est l'accueil, le don total de soi au Père, la vie de fils de Dieu sur le modèle de Jésus, au souffle de l'Esprit dans l'Eglise.

L' ENSEIGNEMENT DE JESUS

Après cette PROCLAMATION initiale - qui ne peut jamais être remplacée ou supposée connue et qui doit toujours retentir comme pour la première fois -, vient la seconde sorte de prédication, l'ENSEIGNEMENT : il faut expliquer en quoi consiste la "conversion". Aussi, sans tarder, comme d'habitude, Marc montre Jésus en train d'exercer cette oeuvre ( = le texte de ce jour).

Accompagné de ses disciples, Jésus arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rend à la synagogue et là il enseigne.

La Galilée est une province où se côtoient les deux mondes, juif et païen ; Capharnaüm est une petite ville au bord nord-ouest du lac, au carrefour des routes internationales avec un bureau de douane. C'est là que Jésus établit son centre à partir duquel il rayonnera dans la région. En bon Juif pratiquant, Jésus, chaque 7ème jour, se rend à la synagogue où a lieu le grand office liturgique de la semaine : lectures de la Torah et chant des psaumes. Le responsable lui cède la parole et "JESUS ENSEIGNE".

Remarquons qu'il ne s'adresse pas à des païens mais à ses compatriotes croyants : c'est à eux d'abord qu'il faut révéler que maintenant les Ecritures s'accomplissent. Au lieu de vitupérer contre les m½urs dissolues et la corruption des païens (ce qu'il ne fait jamais), Jésus interpelle les croyants. Qu'ils ne s'assoupissent pas dans le ronron liturgique : la conversion n'est jamais accomplie une fois pour toutes. Il faut sans cesse "enseigner" les pratiquants. Curieusement Marc ne rapporte pas le discours de Jésus : ce qui compte, ce n'est pas le contenu mais son style, son mode d'enseigner :

"On était frappé par son enseignement car il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes".

Les scribes faisaient de longues études et expliquaient les Ecritures en s'appuyant sans cesse sur des citations : "Jérémie a dit ceci...Mon Maître racontait cela...Les anciens interprétaient de cette façon...". Jésus, lui, qui n'est ni prêtre, ni lévite, ni docteur de la Loi, n'argumente pas à partir des autres. Son "autorité" ne signifie pas qu'il crie, qu'il fait des effets de manche, qu'il menace avec violence : sa simple parole porte en elle sa force. Alors que les orateurs utilisent des méthodes de rhétorique, fignolent des figures de style, cherchent des "trucs" pour plaire et convaincre, Jésus, lui, PARLE tout simplement. Et sa PAROLE est vraie car il n'y a aucune distance entre ce qu'il est, ce qu'il vit, ce qu'il pense et ce qu'il dit. Cette adéquation, cette vérité de l'être interpelle. Rempli de l'Esprit reçu après son baptême, Jésus n'a nul besoin de références. Il dit la Parole de Dieu "qui est vivante et énergique, plus tranchante qu'un glaive à deux tranchants" ( Hébreux 4, 12).

UNE PAROLE QUI AGIT

Or il y avait là un homme tourmenté par un esprit mauvais qui se mit à crier : "Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : Le Saint , le Saint de Dieu !" Jésus l'interpelle vivement : "Silence ! Sors de cet homme !" L'esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.

Dans l'Antiquité, les maux étaient souvent attribués à la présence de "démons", d'"esprits impurs" càd. opposés à la Sainteté divine. Il y a donc chez cet homme (aux apparences convenables sans doute) un refus secret et tenace de la Volonté divine. Il est possédé, donc esclave et les "enseignements" des scribes ont toujours échoué à le délivrer. Aujourd'hui, la Parole de Jésus est tellement prégnante de la force de l'Esprit qu'elle atteint cet ennemi caché dans le c½ur de l'homme. Immédiatement le démon se sent menacé et, extrêmement lucide, il discerne tout de suite la personnalité de ce nouveau prédicateur : ce Jésus de Nazareth n'est rien moins que le Saint de Dieu, càd. le Messie, celui qui vient mettre fin aux puissances qui aliènent l'homme, "le plus fort" qu'annonçait Jean-Baptiste, celui qui exorcise l'homme pour le rendre à lui-même.

Jésus lui intime le silence. Pourquoi ? Parce qu'il ne faut pas divulguer maintenant que Jésus est le Messie car ce titre est entendu dans le peuple comme un chef de guerre qui anéantira tous les ennemis d'Israël. Certes Jésus est bien le Christ, le Messie, le Saint de Dieu mais dans un sens radicalement autre - que l'Evangile va peu à peu expliciter.

Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : " Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais et ils obéissent". Sa renommée se répandit dans toute la Galilée.

L'auditoire est sidéré : on était habitué à entendre des sermons incolores et insipides, des discours savants, des morceaux d'éloquence...qui suscitaient admiration ou bâillements mais ne changeaient rien. A présent lorsque Jésus entre dans une "synagogue" (une assemblée), le démon doit en sortir. Voici venu le Sauveur, le Libérateur, le seul capable de libérer l'homme de son esclavage intérieur. Car notre aliénation n'est pas d'abord psychique ou sociale mais spirituelle.

Le récent synode des évêques vient de rappeler l'importance capitale de la PAROLE DE DIEU, la nécessité primordiale de l'évangélisation. Nous déployons en vain des efforts gigantesques pour la catéchèse, les sacrements, les institutions, la morale chrétienne... : tout cela demeure souvent inefficace parce qu'on présuppose (à tort) que l'Evangile a été écouté et reçu. Il faut sans cesse, au préalable, annoncer, proclamer la Bonne Nouvelle. ENSEIGNER. - Le synode s'est plaint de la fréquente médiocrité des prédications, de la non pertinence des homélies. Comment laissons-nous le Christ s'exprimer ? "C'est le Christ qui parle tandis qu'on lit dans l'Eglise les Ecritures" ( Concile Vatican II - Liturgie § 7). Pourquoi les artistes et les acteurs préparent-ils mieux leurs textes que nous, prêtres et lecteurs, dans nos églises ?.....