6e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Si certains doutent encore que le temps pascal est un moment merveilleux de l'année liturgique, puis-je les inviter à méditer les textes que nous venons d'entendre.  Toutes et tous, nous sommes nés pour aimer et être aimé.  Toutefois, ne nous leurrons pas.  Notre langue française est bien pauvre quand il s'agit d'utiliser ce verbe.  En effet, il n'y a pas une définition de l'amour qui convient à tout un chacun.  C'est à nous d'inventer notre manière d'aimer dans les liens que nous tissons.  Verbe d'autant plus paradoxal que tout adverbe même positif qui lui est joint, en diminue son intensité.  « Je t'aime beaucoup » dit tellement moins que « je t'aime ».  Et pour encore accroitre notre perplexité, en français, nous n'en avons qu'un seul verbe pour « aimer ».  Or, dans le texte original grec des lectures que nous venons d'entendre, il y a bien deux verbes distincts.  Il est fondamental de saisir leur portée car nous risquerions de nous enfermer dans une certaine désespérance lorsque nous prenons conscience que nous ne sommes pas à même d'aimer tout le monde avec la même intensité et qu'il y a, sur cette terre, des personnes avec qui nous ne sommes pas spécialement toujours en sympathie.  Heureusement pour nous alors, lorsque le Christ nous demande de « nous aimer les uns les autres », nous ne sommes pas dans le domaine des sentiments.  L'amour d'agapè s'inscrit d'abord et avant tout dans le respect.  Nous sommes donc conviés à nous respecter les uns les autres, c'est-à-dire à reconnaître en chaque être humain cette part divine qui vit en lui.  Respecter celles et ceux de qui nous nous faisons proche, c'est leur souhaiter de trouver, de retrouver en eux le meilleur d'eux-mêmes ; c'est toujours chercher à leur vouloir du bien alors qu'ils auront parfois pu nous blesser.  Cet amour-là est à la portée de tous.  Il est le fondement nécessaire à toute forme de relation.  Et ce commandement d'amour de respect nous demande une prise de conscience et un acte de la volonté.  En effet, nous avons à toujours veiller à chercher à ce que le respect soit le ciment de nos relations et ce, même par delà les différences qui nous caractérisent.  L'amour de respect est le socle à partir duquel toutes les autres manières d'aimer peuvent se décliner. 
D'où, dans l'évangile que nous venons d'entendre, il nous est proposé de vivre une autre facette du verbe aimer.  Cette fois, nous nous situons au niveau de notre c½ur.  Nous sommes envahis par de nobles sentiments d'amitié qui, au fil des rencontres, se sont confirmés, enrichis et ont ainsi donné naissance à une conjugaison nouvelle, celle d'un présent toujours  renaissant. Quoi de plus normal puisque, avec l'être aimé d'amour et d'amitié, nous sommes sur la même longueur d'ondes, celle du c½ur. Au long des années écoulées, s'est construit un lien dans une proximité plus réelle que la distance, dans une présence plus forte que l'absence. Nous avons ainsi appris à rester ouvert à l'altérité de l'autre. Nous nous sommes découverts plus vivants, plus forts, reconnus dans notre singularité.  Nous nous sommes enrichis l'un de l'autre parce qu'il n'y a pas « de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », nous dit le Christ. A ce niveau précis, nous avons découvert, dans la fidélité des sentiments partagés, que l'amitié était une vertu car elle se vit de sincérité et se nourrit dans la vérité. Ces rencontres-là sont toujours teintées d'une sensibilité à la faiblesse de l'autre, à sa fragilité ou à sa vulnérabilité, une forme de tendresse enluminée de compassion.  La tendresse, ce sont finalement deux faiblesses qui se reconnaissent mutuellement et entrent en résonance. Ici, la sensibilité acquiert une dimension nouvelle, celle d'être capable d'être touché par l'autre, tout autant vulnérable et proche que je puis l'être.  La sensibilité nous a conduit à une proximité où la présence importe plus que les projets, où l'être engage plus que l'agir.  Ce qui nous bouleverse dans l'amour d'amitié, c'est cette acceptation de la beauté d'une fragilité fondamentale, mieux encore cette manière unique, absolument inédite, d'être et de se livrer. Pour ce faire, il nous suffit de ne jamais considérer l'autre comme un terrain conquis, mais toujours comme une terre promise. Rien ne nous est dû.  Nous n'avons  aucun droit sur son amour.  L'amour d'amitié est un cadeau tellement immérité que jamais rassasiés, nous ne souhaitons qu'une chose : en recevoir plus encore. Alors, avec de tels commandements d'amour, en Dieu, il n'y a donc plus de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin.

Amen