La magnifique allégorie de la Vigne, plantée au centre du grand discours d'adieu de Jésus -son testament -, nous révélait la stupéfiante union de Jésus Seigneur avec les siens : " Je suis la Vigne et vous, les sarments...". Jésus n'est pas qu'un maître spirituel enseignant des disciples, un pasteur guidant ses ouailles : il vit actuellement et se prolonge en ceux et celles qui sont comme "branchés" en Lui.
L'insistance portait sur l'absolue nécessité d'adhérer au Christ, condition indispensable pour réaliser le projet du Père : porter du fruit. Quel fruit ? Rien n'en était dit. La réponse va être donnée dans la suite du texte qui est lu aujourd'hui.
Mais au préalable, trois versets (9 à 11), placés comme en charnière entre les deux volets du diptyque donnent, en clair, un enseignement capital :
9. Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés.
Demeurez dans mon amour.
Les soucis d'organisation, de cérémonies, de prescriptions morales risquent toujours de le faire oublier : tout l'Evangile est une question d'amour. Dieu aime, Dieu n'est qu'amour, il est Père de Jésus et celui-ci nous assure qu'il n'a voulu, n'a fait qu'une chose : transmettre intégralement cet amour aux siens. La foi, c'est accueillir, dans notre pauvre corps, le torrent infini de l'Amour divin. Jésus n'imite pas son Père : il aime "comme lui" c'est-à-dire par Lui, à cause de lui. Le Père est source, Jésus est le médiateur qui ne retient rien pour lui.
10. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour - comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
Au plan biologique, chacun est inséré définitivement à sa place dans son arbre généalogique ; au niveau de la foi, l'homme peut ou non demeurer irrigué par l'amour de Jésus. Unique façon d'être sûr de sa foi : pratiquer l'Evangile, être fidèle aux commandements de Jésus autant que lui l'a été au dessein de son Père. Il nous faut résister à la tentation d'inventer notre religion ou de l'adapter à nos mesures, nous remettre sans cesse en question devant l'Evangile qui nous précise exactement les sentiers de la fidélité.
11. Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie.
Si dures que paraissent certaines prescriptions de l'Evangile, Jésus ne parle que pour mettre les siens dans la vérité, donc pour les combler d'une joie inaltérable, la sienne, celle de baigner dans la vérité, d'exister dans la confiance, de réaliser sa vocation d'homme.
L' UNIQUE FRUIT DE LA VIGNE
Avertis de la grandeur de la foi, irrigués par la sève de l'amour du Père, en communion de vie avec notre Seigneur Jésus, nous pouvons alors entendre l'obligation de fructifier :
Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure. Alors tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous l'accordera.
Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.
Le pluriel du verset 10 se concentre dans un singulier : non un conseil, une suggestion mais un ordre unique répété à l'entrée et à la fin du paragraphe : VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES. Exigence dans la logique de l'image de la vigne : comment les sarments pourraient-ils continuer à vivre s'ils ne demeurent pas attachés les uns aux autres ?
Remarquez que Jésus ne dit pas d'aimer les autres ! Certes il est bien, il est louable de mener une existence honnête, de rendre service aux voisins, de défendre les droits de l'homme, de prendre part à une ½uvre philanthropique...Mais tout cela, les païens le font aussi !
Ce qui doit manifester la vérité et l'efficacité du projet de Dieu, c'est que l'on voie des hommes et des femmes que tout sépare (rang social, condition culturelle, couleur de peau, nationalité, âge...) et qui pourtant sont rassemblés en une véritable communion. Trop souvent les chrétiens s'offrent une poignée de main, s'imaginent généreux par un geste en faveur d'une ¼uvre...sans que cela les prive en rien...et continuent imperturbablement à s'ignorer les uns les autres. En paroisse, si la communion à l'Hostie ne réalise pas la communion réelle entre membres, elle est hypocrite.
Les jeunes savent que beaucoup de chrétiens sont dévoués, gentils, serviables...néanmoins ils ne nous rejoignent pas. Dans un monde terriblement dur, d'égoïsme exacerbé, de compétitivité implacable, de familles décomposées, de violence larvée, ils se demandent si quelque part une fraternité est possible. Ils connaissent les ¼uvres ( l'abbé Pierre mais aussi les restos du c½ur de Coluche, St Vincent de Paul mais aussi Oxfam et Médecins sans frontières...) mais mal accueillis par la société, anxieux devant un avenir incertain, désemparés parce que éduqués sans repères, ils sont en quête d'espaces d'accueil - tels que leur en présentent les cellules de l'Arche ou de Taizé.
Là il est moins question de faire que d'être et d'être-ensemble.
Là on est appelé non à dépanner des inconnus mais à "donner sa vie pour ses amis" à l'exemple de Jésus.
Là on ne s'enferme pas dans une secte close mais on se sait partie d'une Vigne, d'une Eglise aux dimensions du monde, et on communique avec les frères et s½urs lointains.
Là on sait que l'on est institué pour aller et fructifier et que pour réaliser ce dessein divin, il importe de prier, de demander sans cesse que le Père soutienne sa Vigne, la défende et promeuve son extension universelle
Demeurer sarment, adhérer au Christ : LA FOI
Nous aimer les uns les autres : LA CHARITE.
Obéir au commandement : LA JOIE
Pour être une vigne en perpétuel développement : L'ESPERANCE.
Au c½ur de son testament, le Seigneur nous a dit l'essentiel.