6e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Que de bruit fait-on autour de Dieu ! Que de cris en son nom ! Que d'appels à la vengeance, à la condamnation, à la haine ! Il suffit que quelques caricatures malheureuses soient diffusés par les médias, pour qu'un flot de paroles, de plus en plus outrancières se déversent jour après jour.

Où se trouve Dieu finalement, dans quelle parole, dans quelle prise de position ? Qui a raison ? Qui a tort ? Est-ce bien respecter la volonté de Dieu que de s'insurger en son nom, à réclamer punition et condamnation ? La religion devient de plus en plus bien inquiétante avec ses fondamentalismes, chrétiens, musulmans ou autres... Où est Dieu ? Que dit-il ?

Aussitôt que le lépreux est guéri, Jésus le renvoie avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne ! » Jésus sait que ses actes, son message, son identité risquent sans cesse d'être incompris, détournés de leur sens, mal interprétés. Il sait que l'humain désire un dieu à la mesure de ses fantasmes de toute-puissance. Il sait aussi que ceux qui disent agir au nom de Dieu confondent parfois leurs propres désirs avec ceux qu'ils sont sensés servir au mieux.

« Va te montrer aux prêtres », dit Jésus au lépreux. Eux devraient pouvoir comprendre le sens de cette guérison : elle est un témoignage : témoignage de l'action bienveillante et discrète de Dieu. D'un Dieu pris de pitié devant la souffrance humaine, d'un Dieu qui veut le salut et le bonheur de ses enfants, à condition qu'ils le veuillent bien eux-mêmes. « Si tu veux, tu peux me purifier ». « Je le veux, sois purifié ».

Sa purification deviendra un témoignage. Pourquoi ? La lèpre, comme vous le savez, était considérée par les Juifs de l'époque comme une maladie particulièrement honteuse, la marque du péché. Le lépreux est donc une image enlaidie de la condition humaine, il est, pourrait-on presque dire, une caricature de l'humain, voulu à l'image et à la ressemblance de Dieu. Dieu ne supporte pas la caricature, mais pas celle qui le vise lui, mais celle qui nous vise nous : le mépris, la haine, le rejet, l'exclusion, le déni d'amour. Depuis Jésus, Dieu a pris visage d'homme pour montrer, avec la plus grande vérité possible, que la seule image de Dieu est le visage d'un homme et d'une femme : visage où se lit la beauté de la création, la bonté du dessein du créateur, la grandeur du créé. Dieu ne supporte pas qu'on caricature l'humain. Mais sa colère est douceur car elle est compassion : « Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié ». La réaction de Dieu devant la caricature de l'humain n'est pas la haine, la condamnation ou l'incitation à la violence. Elle est tressaillement du c½ur, compassion vraie, tendresse exprimée. Elle est aussi humble et silencieuse : « Ne dis rien à personne ! »

La lèpre qui caricature l'humain et la religion blesse Dieu. Elle devrait nous blesser également. Elle devrait nous inciter à réagir. Mais uniquement avec les armes de la tendresse et de la compassion. Seul l'amour concret, effectif, restaure en chaque humain l'image de Dieu. Ne nous trompons pas de combat : quand nous voulons, à tout prix, défendre les droits de Dieu, en fait, ce sont nos besoins de puissance que nous voulons défendre. Dieu, lui, est vulnérable : il est manifesté tout autant qu'il est caché dans le visage de l'humain. Il n'est caricaturé que par la haine et la violence faite à n'importe lequel visage. Il n'est restauré dans sa beauté que par la compassion et l'amour exprimé à un visage.