6e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

N'AYEZ PAS PEUR : CROYEZ

Le temps pascal, entre Pâques et Pentecôte, doit être nourri par la méditation approfondie et priante du grand discours d'adieu de Jésus à ses disciples (Jean, chapitres 14 à 17) : c'est là que nous comprenons de mieux en mieux le mystère que nous vivons dans la foi.
Pour l'extrait proclamé ce jour, commençons la lecture avec le verset précédent.

L'Apôtre Jude dit à Jésus : « Seigneur comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et non pas au monde ? ».
Grosse question en effet. Pourquoi croyons-nous, nous, et pas les autres ? Pourquoi Jésus et l'Evangile sont-ils, pour nous, « manifestement » vrais alors que, jusque dans nos familles, des multitudes d'hommes de bonne volonté ne croient pas ? La question taraudait déjà les premiers chrétiens.

Jésus répondit : « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole : mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m'aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père qui m'a envoyé ».
Tout commence donc par la découverte, l'admiration pour la personne de Jésus. Autant en effet l'Eglise a toujours mérité des critiques, autant la personnalité de Jésus continue de fasciner par son humanité profonde, son rayonnement, son amour sans faille, sa miséricorde. Mais il ne suffit pas de l'admirer, encore faut-il se mettre à vivre comme il l'a enseigné dans l'Evangile.
La foi est  changement de vie, application à mettre en pratique ce que Jésus a dit, en reconnaissant que sa Parole est vraiment la Parole de Dieu, c.à.d. celle qui doit commander l'existence.
Celui qui est fidèle, qui n'est pas seulement « un pratiquant de cérémonies » mais un pratiquant en actes, est aimé de Dieu. Il ne porte pas d'auréole, a encore son caractère et ses défauts mais peut croire qu'il est un temple car le Père et Jésus, son Fils, demeurent en lui. Paul l'avait déjà écrit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? » (1 Cor 3, 16). Jean le répète aux premiers chrétiens qui ne fréquentaient plus ni synagogues ni temples païens et qui ne construisaient pas d'églises : ne cherche pas d'abord Dieu dans un lieu sacré, ne te fatigue pas en longs pèlerinages, n'attends ni extases mystiques ni perfection morale : le Père et le Fils « demeurent en toi ». L'Eucharistie renforce sans cesse cette union.

PROMESSE DE L'ESPRIT ENSEIGNANT

Je vous dis tout cela pendant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera tout, il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit.
Les apôtres pouvaient être inquiets : Jésus nous a beaucoup enseigné pendant tout le temps où nous l'avons accompagné mais il n'a rien écrit, nous n'avons pas pris note et notre mémoire est fragile. Comment savoir que nous pratiquerons sa Parole si elle est oubliée ? Peu avant Jésus avait consolé les siens en leur promettant la venue de l'Esprit « qui restera avec vous toujours » (14, 15-17) et il l'appelait déjà « Paraclet », décalque d'un mot grec qui se traduit en latin par « ad-vocatus » et donne le français « avocat, défenseur ». Tant que Jésus était là, il protégeait les siens : disparu à leurs yeux, il sera remplacé par une présence intérieure, l'Esprit-Saint et celui-ci défendra et enseignera les croyants.
Il ne leur donnera pas un autre message (attention aux fausses « spiritualités » !) mais il actualisera la Parole dite par Jésus. Dans son livre, Jean en donne deux exemples.

----  Lorsque Jésus chassa les animaux du temple et qu'on lui demanda la raison de son comportement, il fit une réponse énigmatique : « Détruisez ce temple : je le rebâtirai en 3 jours ». Jean commente : « Lorsqu'il se leva d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait ainsi parlé et ils crurent » (Jn 2, 19-22).
---   A l'entrée des Rameaux, Jésus monta sur un ânon. Jean ajoute : « Au premier moment ses disciples ne comprirent pas ce qui arrivait, mais lorsque Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent que cela avait été écrit à son sujet (dans le prophète Zach 9, 9) » (Jn 12, 16).
Donc d'une part une parole, de l'autre un acte de Jésus sont restés énigmatiques pour les témoins : mais après la résurrection-glorification, l'Esprit a fait comprendre leur signification aux disciples et c'est ainsi qu'ils ont pu croire : par la cohérence des Ecritures. Il en va de même pour nous. Il est bien d'écouter des homélies, de lire des livres chrétiens, de suivre des cours de théologie mais rien ne remplace l'expérience personnelle : la foi s'éclaire et se développe lorsque, faisant retour sur des événements, les joignant à des paroles de Jésus, nous demandons l'Esprit de Pâques qui, enfin, fait comprendre des faits anciens, éclaire des textes bibliques et les événements de nos vies.
Notre grand maître intérieur, c'est l'Esprit-Saint. Il faut passer de l'extériorité superficielle à l'intériorité profonde. Tant de gens ont vu, entendu, touché Jésus...sans résultat.

LA PAIX ET LA JOIE

« C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. »
Le discours de ce chapitre 14 se termine comme il a commencé : Jésus dissipe la panique qui commence à étreindre les disciples (quelle soirée !  : le lavement des pieds, la sortie de Judas, l'annonce de la mort de Jésus, l'ordre de s'aimer les uns les autres !!). Chassez votre frayeur et laissez-vous combler de ma paix.

« SHALOM » : objet de toutes les aspirations mondiales, de tous les discours politiques ! Si souvent hélas utopie, ruse et mensonge. Le monde aspire à la paix, en parle souvent, en rêve ... mais en fait ? Les serments sont trahis, les traités bafoués, l'armistice temporaire, la tranquillité réservée à des privilégiés et refusée aux masses. Et même quand on habite un pays en paix, que d'anxiété, de dépressions, de déchirements, d'inquiétudes !
Jésus précise : MA PAIX. Elle n'est pas qu'un beau mot : elle imprègne celui qui est habité par le Père, le Fils et l'Esprit. Les apôtres, surpris et émerveillés, feront vite l'expérience que même au milieu des tracas, des moqueries, des coups, des persécutions, l'âme croyante connaît une paix profonde que rien ne peut lui enlever (16, 22 ; cf. Ac 5, 1). Ne soyez pas bouleversés. La foi est confiance  radicale, inébranlable.

Vous avez entendu ce que je vous ai dit : « Je m'en vais et je reviens vers vous ». Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi lorsqu'elles arriveront, vous croirez ».

Pierre et les autres ne nourriront pas la nostalgie de ce beau temps où ils cheminaient avec Jésus dans les campagnes de Galilée. Le bonheur de croire ne réside pas dans la vision de Jésus mais dans la certitude d'être habité par lui, en Esprit. Et cette foi est joie profonde pour les disciples, joie de savoir que Jésus, qui avait connu l'atrocité, l'horreur, la croix, était enfin éternellement heureux dans l'intimité de son Père.

Enfin, ultime raison de garder paix et confiance : « Jésus l'avait dit ».
Il parlait du Royaume - et il était là, autrement que dans nos rêves, mais tellement plus extraordinaire.
Il annonçait échecs, souffrances, mépris, persécutions - et nous les subissons.
Il nous promettait une paix indicible - et nous la ressentons.
Il nous assurait de la présence d'un Défenseur, d'un Enseignant - et l'Esprit est là.
Il nous disait la Parole de Dieu - et elle demeure vivante, actuelle.
Il nous faisait prendre conscience de notre grandeur d'être « temple de Dieu » - et nous le sommes.

Oui NOUS CROYONS. Non par habitude, par peur, par goût du sacré. Mais parce que nous voyons que ce que Jésus a dit et fait est vrai. Pour nous, c'est « manifeste » (14, 21)
La mémoire nous le confirme. Et la vie selon son Evangile nous remplit de paix et de confiance.