6e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Quelle est la différence entre un historien et un évangéliste ? Le premier se livre à une enquête sérieuse afin de rapporter avec la plus grande exactitude les événements de telle époque, les réalisations de tel roi, les exploits de tel grand personnage. Il transporte son lecteur dans le passé, lui donne l'impression d'être là, lui prouve que tout s'est réellement produit comme il l'a écrit. On en reste au niveau de l'information, de la curiosité, de l'érudition.

L'évangéliste, lui, opère le mouvement inverse : dans sa foi en Jésus ressuscité, il ne cherche pas à reconstituer les circonstances du passé. Au contraire, il veut montrer au lecteur que le Jésus du passé est le SEIGNEUR D'AUJOURD'HUI qui peut le rejoindre dans son existence. La Bonne Nouvelle ne consiste pas à savoir des faits anciens mais à actualiser et vivre l'Evangile au présent.

Ainsi en ce dimanche, saint Marc, en nous racontant la guérison du lépreux, ne nous fournit aucun détail : où ça s'est-il produit ? quel jour ? comment s'appelait ce malade ? ...Marc sait que les précisions les plus détaillées ne pourraient convertir le sceptique. Il rédige son récit pour que je me rende compte que c'est moi le lépreux et que le Seigneur peut et veut me guérir aujourd'hui si je l'implore.

Un lépreux vient trouver Jésus, il tombe à ses genoux et le supplie : " Si tu le veux, tu peux me purifier !". Pris de pitié devant cet homme, Jésus étend la main, le touche et lui dit : " Je le veux, sois purifié". A l'instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : " Attention ! ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage". Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle de sorte qu'il n'était plus possible à Jésus d'entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d'éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui".

LÈPRE ET PÉCHÉ

Dans l'antiquité, on appelait lèpre non seulement la maladie de ce nom mais toute infection dermatologique grave et il était courant de la comparer au péché. En effet on remarque entre les deux de grandes similitudes.


L'infection commence sans qu'on y prête grande attention : petit bouton anodin, tache indolore. Peu à peu la tache s'agrandit, le mal infecte les alentours. On se dit que ça va passer. Le voisin vous rassure : il a eu la même chose et il en est sorti. Le chatouillement ou la souffrance s'aiguisent : on se rend chez le pharmacien, chez un guérisseur, on applique un remède sans résultat. Puis un autre tout aussi inefficace. Après un temps, on prend conscience : le mal est plus grave qu'on ne pensait, la purulence s'est aggravée, la pourriture apparaît. On consulte un spécialiste. Pire encore, le mal se répand, risque de se communiquer à l'entourage. Devant le danger de la contagion, la société vous rejette à l'écart, vous êtes exclu, vous devenez un paria, un marginal.
De la même façon, le péché débute souvent par une pensée, une action sans guère d'importance. On pressent vaguement que l'on n'agit pas bien mais, on ne fait pas beaucoup de mal, c'est pour rire, les autres en font autant.... Cependant l'infraction devient habitude : ce que l'on a fait à l'occasion, on le réitère et petit à petit cela devient une habitude, une accoutumance. Un jour vient où l'on en prend conscience : on voudrait se corriger, revenir en arrière, se débarrasser de ce penchant. Peine perdue : en dépit des bonnes résolutions, on cède et on rechute encore et encore. On est prisonnier. Ainsi l'âme se corrompt, comme rongée d'une lèpre sournoise : elle devient impure, souillée et la volonté est devenue impuissante à endiguer le flux des tentations. Et peu à peu, parce que vous êtes devenu insupportable, les autres vous mettent à l'écart, vous refusent leur compagnie, vous rejettent avec mépris, parfois vous enferment parce que vous êtes devenu dangereux.

 

QU'EST-CE QUE LE PÉCHÉ ?

En hébreu, un des mots pour nommer le péché signifie "rater la cible, manquer le but" (comme un archer, un tireur) Sur la ligne du temps qui lui est imparti, chacun de nous, grâce à ses actions, s'accomplit en marchant vers son but, Dieu. S'il agit contrairement à son perfectionnement, il "rate sa cible", il dévie de son terme, il bascule dans une ornière, il prend un mauvais chemin. Du coup, en ne cherchant plus Dieu, il s'abîme lui-même et il se retranche des autres. Le péché est en même temps écartement de Dieu, déshumanisation personnelle et isolement, perte de communauté, "ex-communion".

JESUS CHRIST SAUVEUR

Le lépreux du récit était un homme très malheureux, il souffrait de sa défiguration, de sa mise à l'écart, de l'effroi qu'il provoquait chez les autres, il avait sans doute tout tenté pour guérir de son mal affreux. Et voilà qu'il entend parler de Jésus : il le cherche, il le rencontre sur la route, il crie, il supplie : " Si tu veux, tu peux me purifier !". Nous-mêmes, souffrons-nous de l'état pitoyable où le péché nous a mis ? Ne restons-nous pas aveugles sur la gravité de nos failles, et même vaguement complice du mal que nous avons commis ? Ou sommes-nous découragés, persuadés que nous ne pourrons jamais en sortir ? L'horreur du plus grand crime n'équivaudra jamais à l'immensité de l 'amour du Christ manifesté au Golgotha. Depuis ce jour, nul désespoir n'est définitif.

Tout pécheur-lépreux peut contaminer ses proches car ils sont portés à l'imiter. Mais lorsqu'il touche le Christ (par la foi), c'est la pureté de celui-ci qui est la plus forte et qui vainc son impureté. " JE LE VEUX : SOIS PURIFIE. La volonté de Dieu n'est pas de châtier mais de pardonner. Si hideux soit le crime. Si nombreuses les rechutes. Un mot suffit ! Alors la joie est telle qu'elle ne peut se taire : malgré la défense, l'homme s'encourt partout dans l'allégresse de partager son nouveau bonheur. Comme Jésus, à son tour, IL PROCLAME, il devient missionnaire, apôtre.

SAINT PAUL LE PECHEUR PARDONNE

Longtemps, en parfait pharisien, Paul était convaincu d'être pur : à force de luttes et de sacrifices, il construisait sa statue, il peaufinait sa perfection. Jusqu'au jour où le Christ lui révéla sa faute : il se rendit compte qu'il demeurait esclave du péché. " Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ?"(Rom 7, 24) . Mais il découvrit le Christ. Ou plutôt le Christ vint à sa rencontre et au lieu de le punir, il s'adressa à lui avec tendresse et, en un instant, lui donna la pureté qu'il avait en vain cherché à acquérir dans l' obéissance à des lois et l'observance des rites. Alors, fou de joie, il put s'écrier : " Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur !(Rom 7,25)...Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé (Rom 5, 20)...Maintenant il n'y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. Car la loi de l'Esprit qui donne vie en Jésus Christ m'a libéré de la loi du péché et de la mort" (Rom 8, 1). Et Paul devint le plus intrépide des Apôtres : il fallait le dire à tout le monde !!!!