Jésus ne manque d’humour noir. Il promet la paix à ses disciples alors que lui-même est menacé de mort. Et regardez dans l’église comment il nous est présenté : en croix. Comment un torturé peut-il nous offrir la paix ? Et comment les disciples peuvent-ils connaître la paix alors qu’ils seront tous rejetés par leurs proches et finalement mis à mort par les païens ? De quelle paix parle-t-on ?
Quand on parle de paix, on pense tout d‘abord à l’absence de guerre. Et pourtant ce n’est pas assez. On a connu la guerre froide qui est une période sans conflit armé, mais de graves tensions. Et on connaît cela dans certaines familles, dans certaines communautés : il n’y a pas de conflit ouvert, mais il y règne une tension lourde et pénible, des silences étouffants. La paix, c’est beaucoup plus que l’absence de guerre. Mais que dit la Bible ?
En hébreu, le mot paix se dit shalom. Il y a un curieux passage de l’Ancien Testament où le mot paix est utilisé trois fois. C’est quand le roi David invite son général Uri. Il lui demande comment va la shalom de Joab, le chef de l’armée, comment va la shalom de l’armée et la shalom de la guerre. C’est curieux : David demande comment va la shalom de la guerre. C’est parce que le mot shalom implique une idée de plénitude. La shalom, c’est ce sentiment de bien-être profond, de certitude intérieure qui nous permet d’affronter les difficultés avec sérénité. Cela ne supprime pas les problèmes, cela permet de les dépasser.
La shalom de Jésus pendant sa vie terrestre, c’est cette certitude qu’il a d’être aimé par son Père et d’être soutenu par lui. Voilà pourquoi il affronte la mort avec calme. Voilà pourquoi il peut donner sa paix à ses apôtres. C’est cette certitude d’être porté par l’amour du Père. Et les apôtres, et chacun d’entre nous, nous pouvons recevoir cette paix. Ce n’est pas une paix que l’on se donne à soi-même. C’est une paix que l’on reçoit de quelqu’un d’autre, comme la confiance en soi. J’ai confiance en moi parce que quelqu’un me fait confiance et, grâce à cela, je peux affronter les difficultés de la vie. Et cette confiance me permet de vivre dans la paix.
C’est pour cela que le geste de paix que nous échangeons à la fin de la messe est plein de richesse. Ce n’est pas seulement un geste d’amitié ou de sympathie, ni simplement un geste de réconciliation après une dispute. C’est la transmission de l’amour et de la confiance que Dieu me fait et que je transmets à mon voisin. C’est la raison pour laquelle, dans le rite dominicain, le prêtre embrasse tout d’abord le calice avant de souhaiter la paix à l’assemblée. Il veut montrer ainsi qu’il reçoit l’amour du Christ et qu’il le transmet à tout le monde.
Nous aussi, plongeons dans cette tendresse divine qui nous donnera cette paix qui a porté Jésus durant sa vie terrestre et qui a lancé les apôtres sur les routes du monde.