Il y a quelques années, à Bruxelles, un projet chrétien de développement d’un lieu de vie semi- communautaire a vu le jour. Quelques personnes avaient voulu tenter cette aventure de vie.
Au cours de la première et deuxième année, fus mis en place quelques règles de vie commune. Pour les nouveaux participants cela semblait aller de soi. Cela leur semblait participer positivement de la bonne marche de ce nouveau mode de vie.
Tout semblait donc aller pour le mieux, jusqu’au moment où, au cours de la deuxième évaluation annuelle, les membres de ce béguinage moderne ont pris conscience que, pour que ce lieu devienne plus qu’un lieu de simple partage minimal, pour que ce lieu devienne lieu de solidarité véritable, lieu de grandissement spirituel et humain, un engagement d’une toute autre profondeur devenait nécessaire : à savoir un engagement du cœur qui dépasse la surface des règles du bien-vivre en commun. Ils commencèrent à prendre conscience de la nécessité d’un engagement fait de volonté d’écoute de l’autre, de respect dans les échanges, de prières, de volonté de servir, de prier et de construire ensemble. Un engagement du cœur profond donc, qui demandait un lent mûrissement. Les règles émises ne devaient certes pas être abolies mais elles devaient, pour être vie pour chacun et pour la communauté, s’approfondir de tout un cheminement de l’être.
Dans le discours de feu de Jésus à ces disciples qui constitue la trame de l’évangile d’aujourd’hui, il s’agit aussi de dépasser les règles strictes et nombreuses pour engager progressivement la totalité du cœur et de l’être.
Cependant ces paroles de Jésus semblent si exigeantes au premier regard, qu’elles peuvent effrayer et même rebuter.
Pouvons-nous cependant les relire avec un œil positif, comme une bonne nouvelle donc.
« Je ne suis pas venu abolir mais accomplir la loi» dit-il à ces disciples, et donc aussi à nous aujourd’hui qui faisons cet effort particulier de tenter de comprendre.
Tout au long de l’évolution d’Israël, Dieu eut une pédagogie progressive. Tout d’abord, La loi donnée par Dieu à Moïse fut faite de simples balises qui disaient le minimum à faire pour qu’un groupe d’hominidés commence à devenir communauté humaine.
Ensuite, à travers les prophètes, Dieu affina progressivement cette Loi et commença à faire appel avec force et insistance au cœur endormi des humains, là où git la profondeur du Royaume, notre être véritable.
Enfin vint Jésus, qui s’inscrivit également dans cette progression : il n’abolit pas tout ce chemin d’apprentissage qui avait servi d’ossature à l’homme pour devenir humain, mais il lui donna une toute autre dimension.
Aujourd’hui encore, à travers ces paroles si fortes, Il nous appelle à aller toujours plus profondément dans le cœur, là où git la sagesse et l’amour.
Ce chemin déconcertant nécessite un long cheminement difficile !
Par sa phrase « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » Jésus nous hausse d’emblée au niveau du cœur.
En effet, pour devenir Vie véritable, vie du Royaume toutes ces règles externes de vie commune, toutes les règles de moralité, de bienséance, de bien-pensance, doivent être profondément imprégnées de cet amour de Dieu qui habite notre cœur profond.
Jésus continue :
« Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens ………Eh bien moi je vous dis:
1) Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement 2) Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère dans son cœur »
Il met ici face à face, la loi ancienne qui ne régit plus bien souvent que les comportements externes et d’un autre côté ce cœur profond qui meut l’être humain. Le Royaume ne concerne pas nos comportements externes seuls, mais bien les mouvements de ce cœur. C’est la transformation de celui-ci qui changera notre être profond.
Par ses paroles si intenses, Jésus crie au cœur humain endormi : réveille-toi, grandit, vient, marche, vit, sort de tes carcans, découvre ta vérité, ne reste pas dans l’obscurité Saches que tu es habité, que tu es profondément sensible et vivant. Et puis Il nous exhorte à ouvrir ce cœur vivant et sensible afin de voir combien l’autre est aussi vivant et sensible et est donc digne de respect.
Ainsi les membres du béguinage, de l’exemple de départ, ont commencé à réaliser qu’il ne suffisait pas de règles externes de comportements, même si celles-ci régulent nos relations et sont donc nécessaires à toute vie sociale. Ils ont entrevu que si le cœur ne s’engage pas, si la vision de l’autre ne change pas, si chacun est juste enfoncé dans les règles comme dans un petit carcan contraignant mais somme toute confortable, chaque cœur mourra d’étouffement et la communauté aussi.
Ne nous trompons pas, ces paroles si intenses sont de feu et d’amour, pas d’écrasement.
Ces paroles nous montrent à quel point Jésus le Christ, parole du Père, croit en nous, en nos capacités à aller au plus loin de nous-même, sinon prendrait-Il la peine de venir jusqu’à nous encore et encore pour nous exhorter ?