Dites, vous les dominicains, vous ne pensez pas qu'il serait bientôt temps d'organiser un petit week-end retraite pour aider vos paroissiens et paroissiennes à mieux prier ou tout simplement à nous apprendre à prier. Nous avons l'impression d'être fort éloigné de ce que Dieu attend véritablement de nous. Surtout lorsque nous nous mettons à lire des livres de spiritualité écrits par Jean de la Croix, Thérèse d'Avilla ou encore Ignace de Loyola. De grands spirituels, il est vrai mais qui sont profondément marqués par le siècle dans lequel ils ont vécu. Pour avoir lu ces auteurs, je reconnais avoir quelques difficultés à entrer dans une telle démarche qui me semble souvent un véritable parcours du combattant. Un peu comme si Dieu ne pouvait s'atteindre qu'au sommet d'une haute montagne qu'il faut gravir lentement et qui demande de nombreux efforts.
Des écoles de prière, au sein de notre église, il y en a beaucoup. C'est à chacune et chacun de nous de trouver celle qui correspond le mieux à notre personnalité. Certains apprécieront d'ailleurs les auteurs que je viens de citer. D'autres culpabiliseront parce qu'ils n'arrivent pas à atteindre un tel degré de spiritualité. D'autres encore, et j'en fais partie, estiment que la prière est beaucoup plus simple que ce que prétendent certains maîtres spirituels. Et l'évangile de ce jour semble leur donner raison.
Dans cette prière du Christ, acte d'intimité par excellence entre lui et son père, Jésus parle tout simplement. Il émet un ensemble de souhaits, d'abord pour ses amis puis pour tous ceux et celles qui se laisseront atteindre par leurs paroles les conduisant vers le Fils. Ce Fils qui les amènera en toute confiance vers le Père puisqu'ils ne font qu'un au sein de cette Trinité. Mais l'unité dont parle le Christ n'est pas une fusion dans laquelle nous nous sentons prisonniers, incapables de nous délier, une fusion idyllique dans laquelle nous ne pouvons plus respirer mais simplement étouffer. Non l'unité divine est d'abord et avant tout la rencontre de deux personnes uniques au sein de la divinité : le Père et le Fils. L'unité véritable n'est possible que s'il y a acceptation et reconnaissance de la différence, de l'altérité. Un plus un n'égalera jamais un mais toujours un plus un. C'est parce que deux créatures sont uniques, à ce point différentes, que la rencontre est possible. Mais n'exaltons cependant pas cette différence. Il est vrai que la différence pour être rencontrée, reconnue et surtout pour qu'elle ne fasse pas peur, exige qu'elle se vive au c½ur d'une certaine ressemblance, d'une certaine similitude.
En effet, si nous sommes trop différents les uns les autres, il n'y aura pas entre nous de points d'ancrage qui nous permettra de nous rencontrer. La différence est donc importante mais au c½ur de ressemblances. Ressemblance à laquelle nous sommes conviés, rappelle le premier récit de la Création dans le Livre de la Genèse. Nous sommes sur terre pour acquérir cette ressemblance puisque nous avons déjà reçu l'image divine. Cette acquisition ne passe pas par une recette toute faite, elle est tributaire des nos histoires personnelles mais également de la manière dont nous répondons à l'invitation de la foi. Et cette foi, nous y répondons par nos actes mais également par tous ces temps que nous prenons pour vivre de la vie divine c'est-à-dire par la prière. Prier, c'est parler à Dieu, souvent de soi d'abord : de ce qui nous préoccupe, de ce qui nous encombre. C'est également nous réjouir de la beauté de la vie, de moments merveilleux qui nous sont donnés à vivre. Prier c'est aussi demander comme le Christ le fait tout au long de l'extrait d'évangile que nous avons entendu aujourd'hui. La prière est parole. Mais pour que cette parole soit vraie, la prière est d'abord silence en nous. Un silence tout intérieur, un peu comme si nous éteignions notre lumière intérieure pour entrer au plus profond de ce que nous sommes, là où réside la lueur divine. Silence en soi pour mieux rencontrer l'autre, l'écouter dans son silence à lui. Là nous entrons dans le domaine de l'indicible, de l'inexprimable tant cette émotion est personnelle. Vient alors le temps du monologue où nous posons en Dieu tout ce qui nous préoccupe ou nous réjouit. La prière, ce n'est pas plus compliqué que cela, c'est simplement avoir un désir défait de tout ce que nous sommes pour rencontrer en nous ce Dieu qui est Père, Fils et Esprit. Et c'est vraiment en nous que cela se passe.
Amen.