Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2000-2001

Connaissez-vous le nouveau manon du fameux chocolatier belge, fondé il y a déjà plus de cent cinquant ans ? C'est un manon de chocolat noir, fourré à la mousse de chocolat, sur une petite plaque de chocolat blanc. Pour tout vous dire, il est absolument délicieux. Trois types de chocolat pour faire une délicieuse praline. Trois en un. Trois ingrédients pour faire un tout, mais trois ingrédients séparés et malgré tout, trois en un. Contrairement à ce que nous aurions pu imaginer, ce type de raisonnement ne nous aide malheureusement pas beaucoup pour comprendre le mystère de la Trinité. Tout simplement parce que ce mystère, cette révélation défie toutes les mathématiques. Cette équation de trois égale un est impossible à réaliser sauf si ce n'est dans la Trinité. Ce n'est donc pas avec les armes de la raison, de la curiosité mal placée que nous pouvons entrer dans la compréhension de cette fête d'aujourd'hui. En effet, croire en un Dieu trois et un se comprend uniquement dans l'expérience que nous en faisons.

Notre Dieu est à la fois unique et pluriel. En lui, il constitue sa propre famille. Dieu ne peut seulement être un car si Dieu est amour et un, il doit d'abord s'aimer lui-même ; vous imaginez le narcissisme divin dépassant de loin tous les narcissismes dominicains et ce depuis la fondation de notre Ordre. Impossible. Dieu ne peut se nourrir de ce type d'amour. Dieu est amour, à l'image de l'amour que nous pouvons éprouver les uns pour les autres. Avec comme nuance, le fait que l'amour divin n'est pas un feu mais une fournaise qui ne peut être un véritable foyer d'amour que s'il existe un échange entre des personnes. Dieu le Père ne peut se complaire en lui-même. Il a besoin du Fils et de l'Esprit pour vivre l'amour qu'il a en lui. Nous n'arriverons jamais à tout comprendre tant le mystère est grand et pourtant nous devons tenter de dévoiler un coin de ce voile. Comme le disait le philosophe Pascal : « je crois parce que je ne comprends pas ». Je ne comprends pas alors j'essaye de croire ce mystère que nous contemplerons toutes et tous dans la foi au soir de notre vie. En attendant ce jour, nous n'avons que notre petite terre au c½ur de cet univers pour entrer dans ce mystère par l'expérience que nous en faisons.

Certains ont prétendu que le Père s'était révélé dans l'Ancien Testament, le Fils dans l'évangile et l'Esprit Saint dans la vie de l'Eglise. Cette manière de voir ne me paraît pas respecter la Trinité. Elles n'est pas une suite de séquences dans le temps à écarteler. La Révélation de la divinité a été de tout temps et elle a toujours été celle du Père, du Fils et de l'Esprit. Par l'expérience, la Trinité, est un mystère à scruter, à découvrir pour en vivre. Elle n'est pas une dynamique théologique enfermée dans la tour d'ivoire de certains penseurs. Elle se donne à vivre dans notre expérience quotidienne et en fonction de nos états d'âme et de nos moments de vie. Dieu s'offre à nous aujourd'hui encore. Il ne nous écrase pas de sa divinité pour nous montrer à quel point nous sommes petits face à lui. Dieu nous prend tellement au sérieux qu'il s'est fait l'un des nôtres pour nous montrer le chemin d'accès à sa propre divinité. Nous sommes conviés, en suivant l'enseignement de Jésus, de découvrir dans l'amour qu'il est le seul chemin permettant à l'homme et la femme de s'épanouir, de se réaliser. Le chemin de Dieu le Fils est une autoroute du bonheur. Et sur celle-ci, il n'y a jamais d'excès de vitesse puisque tout se vit dans l'amour de l'autre au nom du Tout-Autre. Dieu le Père envoie son Fils, pour donner un visage humain à sa divinité. Il est un Dieu qui a pris le temps de venir en notre monde par amour. C'est dans l'expérience de notre rencontre avec Dieu le Fils que nous comprenons un peu mieux le mystère du Père puisque Jésus ne se suffit jamais à lui-même et ramène toujours tout à son Père. Non content, de son passage historique, Dieu le Père ne veut pas nous laisser orphelin de sa divinité filiale. Il répand alors son Esprit sur notre monde. Ce dernier se découvre et se vit également dans l'expérience de nos vies. L'Esprit de Dieu est toujours à l'½uvre dans notre monde mais il se laisse découvrir dans le silence de la vie, avec les yeux de la foi en accompagnant tous nos gestes de tendresse et de solidarité, en soutenant nos larmes et nos désespoirs. L'Esprit de Dieu, c'est l'expérience divine au quotidien, même si nous avons parfois l'impression qu'absence est un de ses prénoms. C'est ce même Esprit qui par le baptême nous pousse par des petits clins d'½il, tout en douceur, à partir, repartir à la rencontre du Fils. Par son Fils et dans l'Esprit, nous redécouvrons ainsi le visage de Dieu le Père. Il est ce Dieu créateur, plein d'amour, qui se révèle et se dévoile dans tous les actes d'amour que nous posons. Il attend de nous d'être heureux, de poursuivre notre marche incessante vers notre accomplissement. Il est Dieu de finesse qui espère la réalisation de sa création. En fait, Dieu désire tout simplement que nous vivions intensément. De la sorte nous deviendrons trinitaires d'instinct puisque nos actes seront marqués du sceau de sa présence. Dieu, trois et un, un mystère qui se découvre par nos expériences personnelles et qui se rencontre en fonction de nos chemins. Tantôt, il est Père, tantôt il est Fils, tantôt il est Esprit. Mais quoiqu'il en soit, toujours il est Dieu. Amen.