LE TESTAMENT DE JESUS EN NOTRE FAVEUR
Chaque année, au 7ème dimanche de Pâques, entre Ascension et Pentecôte, nous lisons une partie du sublime chapitre 17 de Jean : aujourd'hui voici la finale de cette solennelle et dernière prière de Jésus, à la dernière cène, juste avant d'aller à la mort.
Les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « (.... ) Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là,
mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi..... ».
D'abord Jésus a prié pour lui-même, puis pour ses disciples tout proches : il a demandé à son Père de les garder dans l'unité et de les protéger contre la haine du monde. A présent sa prière s'élargit aux dimensions du monde et de l'histoire. Car son amour pour les hommes à sauver est tel qu'il se prolonge dans la succession des générations de disciples qui se suivront. L'évangélisation sera universelle et permanente puisque l'événement unique de la mort/résurrection de Jésus est porteur de vie pour tout être humain. En tout lieu et en tout temps. C'est lui que la parole et la vie de tout disciple devront proclamer.
L'Eglise n'existe pas pour elle-même mais pour appeler à croire en Jésus, Fils du Père. Elle ne sera pas toujours fidèle mais la prière de Jésus la portera et la redressera toujours.
Si tu pries mal, n'oublie jamais que ton Seigneur prie pour toi.
Que tous, ils soient UN, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.
Qu'ils soient UN en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée,
pour qu'ils soient UN comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.
Que leur UNITE soit parfaite ;
ainsi le monde saura que tu m'as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.
Au fur et à mesure que la mission franchira des frontières, rencontrera des cultures différentes et traversera les siècles, elle aura à assumer une extraordinaire diversité : de langues, de liturgies, de théologies, de morales, d'arts et de philosophies. La tentation permanente ne sera pas la colère, l'impureté, la vanité mais la séparation. Tragédie des divisions entre tous ceux qui professent qu'ils croient en Jésus glorifié par la croix et qui refusent de demeurer ensemble - alors que la croix a eu pour but l'unité des croyants ! « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (13, 34 ; répété en 15, 12 et 17). Tout de suite, dès la première génération chrétienne, cette force centrifuge, ce désir de certains d'imposer leur vision aux autres, a fait des ravages. Paul ne cessera de supplier ses communautés de rester unies ; la lettre aux Hébreux exhortera à « ne pas déserter nos assemblées » (10, 25) ; Jean dit sa douleur parce que certains « sont sortis » (1 Jn 2, 19) ; Pierre exhorte à l'unité (1 Pi 1, 22 ; 3, 8 ; ...). La scission fut le premier drame de l'Eglise - elle l'est encore.
L'unité des chrétiens n'est pas monolithique : la mission n'a pas pour but d'encaserner, de faire des clones. Jésus ne dit pas « Qu'ils soient un » mais «... un comme toi et moi nous sommes un ». « Comme » ne signale pas seulement une comparaison mais dit la cause, la source de l'unité des chrétiens : c'est l'unité du Père et du Fils qui permet et provoque celle des croyants. Ayant un caractère infini, elle ne se réalisera pas en eux de façon unique mais se diffractera de manières indéfinies. Personne ne sera « Jésus le Fils » mais chacun devra, à sa façon, être « fils dans le Fils » dans l'unité.
La puissance de désintégration qui travaille l'humanité est telle que l'unité des disciples sera un événement extraordinaire, au point qu'elle constituera toujours le grand signe d'appel au monde. Car tel est le but ultime de la glorification du Fils : la paix, l'union entre les êtres humains.
Donc le travail, immense, de retrouvailles de disciples différents est primordial. Interrogeons-nous : quelles « différences » sont compatibles avec une « UNITE » réelle ?
Lorsque les pièces de puzzle acceptent leurs places respectives, elles forment une unité.
Travail immense et d'une importance capitale pour l'avenir du monde. Si, au lieu de se cramponner dans un patriotisme chauvin, les communautés chrétiennes de France et d'Allemagne avaient refusé de hurler les slogans guerriers, si elles avaient dit : « Nous sommes, tous, UN en Christ : nous ne pouvons nous tirer dessus », peut-être n'y aurait-il pas eu ces deux épouvantables carnages de 14-18 et 39-45.
Nous ne savons pas assez ce qui faisait l'absolue certitude de Jésus : sa Pâque, sa prière et son ordre d'amour mutuel des chrétiens ne se réduisent pas à former des gens pieux et inoffensifs mais les placent au c½ur même de l'enjeu de l'avenir du monde. Place dangereuse mais où vient la VIE.
Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi,
et qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée,
parce que tu m'as aimé avant même la création du monde.
« Je veux » : quelle audace de prier de la sorte ! Alors qu'il a si souvent souffert de leur balourdise, de leurs conceptions erronées, de leurs mesquineries, alors qu'il sait même que, dans quelques heures, ils vont l'abandonner, Jésus aime ses disciples. Pas peu. De l'amour même que son Père a pour lui. Parce qu'ils sont un cadeau du Père, il ne peut donc les laisser tomber. L'amitié ne serait rien si elle ne se voulait éternelle. Aussi, Père, laisse-les venir me rejoindre afin qu'éternellement nous soyons UN, ensemble, sans plus aucun risque de trahison. Paul, dans sa première lettre, communiquait son espérance : « Nous serons enlevés...et nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thess 4, 17). Plus tard, en prison, pressentant son exécution prochaine, écrivait : « J'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ » (Phil 1, 23)
Père juste, le monde ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu,
et ils ont reconnu, eux aussi, que tu m'as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore,
pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux. »
Le Père est « juste » non parce qu'il tient un compte précis et impartial de nos défauts et qualités mais parce qu'il veut nous justifier, nous rendre justes.
Le « monde », pour Jean, désigne non l'humanité tout entière mais le mur, les ténèbres qui refusent la Parole de Dieu. C'est à ce monde que Jésus envoie ses disciples : il n'a pas encore reconnu l'identité de Jésus mais tout sera fait pour qu'il s'ouvre enfin à la Lumière du salut.
Les « disciples », eux, ont accueilli la révélation du Père par le Fils et ils continueront à la recevoir grâce à la prière de Jésus qui les portera, grâce à l'Esprit qui leur fera ressouvenir de tout ce qu'il a dit (14, 26) et grâce à l'évangile de Jean qui demeurera le témoignage authentique de cet enseignement.
L'Eglise n'aura jamais fini d'entrer dans le mystère infini de Dieu.
Cette connaissance transmise ne se limite pas à des idées, des croyances, de la théologie : elle apporte l'amour du Père pour le Fils et, du coup, le Fils sera toujours en eux.
Au c½ur de la communauté croyante et UNE, bat l'amour du Père.
La grande prière de Jésus s'achève sur AMOUR-AIMER comme avait commencé le récit de cette soirée:
« Avant la fête de la pâque, Jésus, sachant que son HEURE était venue, l'heure de passer de ce monde à son Père, lui qui avait AIMÉ les siens qui sont dans le monde, les AIMA jusqu'à l'extrême » (13, 1)
La prière est complète. Aussi Jean enchaîne : « Ayant ainsi parlé, Jésus sortit avec ses disciples au-delà du torrent du Cédron. Il y avait là un jardin » (18, 1) où ses ennemis vont l'arrêter et le tuer. Mais la croix sera désormais l'Arbre de Vie d'un paradis paradoxal où rôdent les tueurs mais où se constitue la communauté de l'Amour du Père pour le Fils ... pour l'Unité des disciples ... pour le salut du monde.
Il est toujours l'HEURE de SE LAISSER AIMER, d'AIMER et de PRIER LES UNS POUR LES AUTRES.