7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Pirson Pierre
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

L'histoire est connue. On pourrait la résumer ainsi. Jésus guérit un paralysé en disant : « tes péchés sont pardonnés ».

Si on prend la peine d'y prêter un peu attention, des questions surgissent :
-   Y aurait-il un lien entre péché et paralysie, maladie, handicap ?
-   Jésus semble ignorer le sens de la démarche du paralysé et de ses compagnons ; ils ne sont pas venus à confesse !
-   Plus fondamentalement : en quoi ce petit fait divers vieux de 2000 ans nous concerne-t-il ?

Y a-t-il un lien entre maladie, ou tout autre malheur et péché : Dieu nous punit ! Cette idée nous scandalise. A juste titre. Même s'il nous arrive de dire ou de penser : « Il ne l'a pas volé ; c'est bien fait pour lui ! » Ou encore « Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu ? ». Le « malheur-punition » est comme ancré dans la conscience collective des hommes ; on retrouve cette idée dans l'Ancien testament et dans d'autres cultures et religions. Mais Jésus la refuse catégoriquement. Un jour on lui a demandé : « Cet aveugle : qui a péché pour qu'il soit né aveugle ? Lui ou ses parents ? - Ni l'un ni l'autre répond Jésus ; mais pour que les ½uvres de Dieu se manifestent en lui. »

Jésus réalise ce qu'Isaïe avait annoncé, ce qu'une folle espérance des hommes avait imaginé : « Ne te souviens plus du passé ; je fais un monde nouveau ; par tes fautes, tu m'avais fatigué. Mais moi, oui, moi je pardonne tes péchés, à cause de moi-même ; et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. »

Le péché ! parlons-en donc, même si certains évitent le mot ou la notion, « politiquement incorrect » ! Permettez-moi de parler crû en reprenant un mot entendu il y a quelques jours. « Avant, faire l'amour, c'était un péché ; maintenant plus. » C'est en partie vrai ; mais il faudrait beaucoup nuancer. Et il est évident qu'aujourd'hui encore, dans ce domaine, certains éprouvent parfois remords et amertume.

Sans entrer dans de grandes définitions, on pourrait dire qu'il y a péché lorsque, pas seulement dans le domaine de la sexualité, mais aussi du travail, de la famille, de notre vie spirituelle, de nos relations, etc., il y a péché lorsque, au fond de moi-même, à la suite d'actes, de pensées, d'engagements non tenus, de négligences... j'éprouve une certaine honte de ce qui s'est passé, j'espère que personne ne le saura. Alors, face à moi-même, je reconnais : oui, je ne suis pas fier ; je suis un salaud ! Alors, je me sens mal dans ma peau. Le péché qui m'habite est comme une paralysie, un blocage qui me limite, me ronge. La paralysie n'est pas conséquence, punition du péché ; elle en est un symbole, une image très réelle, comme la lèpre, la surdité, la cécité. Alors aussi, face à Dieu, je peux dire « Oui, j'ai péché ; ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. »

Il est vrai que cela peut entraîner parfois mauvaise conscience, sentiment de culpabilité. Mais ces dérives possibles ne devraient pas occulter la réalité profonde : le mal (mystère !) habite le c½ur de l'homme. Seul Dieu peut nous en délivrer, guérir cette paralysie. C'est pour cela que Jésus est venu ; nous remettre debout, nous libérer, nous rendre la joie de vivre.

Le pardon n'est pas automatique ; il suppose une prise de conscience, une reconnaissance de ma situation. « Oui, j'ai péché ; ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait ; prends pitié de moi, pécheur. » Demander pardon est souvent difficile ; en vérité nous sommes paralysés ! Voyez la résistance des enfants, crispés, butés (« tu veux demander pardon ? ») avant de murmurer, dans un flot de larmes, « pardon » ; alors jaillissent la joie, le sourire, la libération.

« Ne te souviens plus du passé ; je fais un monde nouveau ; par tes fautes, tu m'avais fatigué. Mais moi, oui, moi je te pardonne, à cause de moi-même, et je ne veux plus me souvenir de tes péchés. » Paroles de Dieu dans Isaïe ; paroles que papas et mamans connaissent bien si on remplace péché par bêtise ; d'ailleurs, c'est souvent la même chose ; ne dit-on pas : « j'ai fait une grosse bêtise » ? Notre vie est jalonnée d'une multitude de pardons, demandés et donnés. Les petits 'pardon, excuse-moi' de politesse ; ils ne sont jamais inutiles. D'autres, déjà plus difficiles, désamorcent une tension naissante : « Excuse-moi ; je me suis trompé ; j'ai parlé trop vite » ; ils demandent humilité et courage, mais arrondissent les angles et rendent la vie aimable. D'autres encore, qu'on ne demande qu'après une lutte intérieure ; et sans garantie d'être tout de suite entendu ; mais qu'il faut alors avoir la force d'âme et l'intelligence de redemander. Si nous n'avons pas l'habitude des petits pardons de politesse, demandés et donnés, les gros pardons en seront plus difficiles.

Ainsi du pardon de Dieu. Il y a une multitude de démarches ou de chemins de pardon et de réconciliation. Chaque fois que je dis 'Seigneur, prends pitié ; pardonne-nous nos offenses ; Mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs', je reçois le pardon de Dieu. La demande de pardon au cours de la messe est déjà plus réfléchie ; et le pardon, la guérison, la libération nous touchent davantage ; elle nous prépare à recevoir « le sang répandu pour le pardon des péchés ». Enfin, il y a la demande plus personnelle, dans le dialogue de la confession. Ces différentes démarches s'appellent l'une l'autre ; aucune n'est exclusive et ne rend les autres inutiles.

La foule s'était rassemblée dans la maison. Et Jésus annonçait la Parole. « Moi je te pardonne, à cause de moi-même ; et je ne veux plus me souvenir de tes péchés ; mon fils, ma fille, tes péchés sont pardonnés » Le fait divers d'il y a deux mille ans, la bonne nouvelle nous est offerte aujourd'hui. Amen.