7e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Ce soir-là, Jésus partage avec ses disciples un repas qu'il sait le dernier : dans quelques heures, il sera arrêté et mis à mort. Il livre aux siens, inconscients, son testament mais à quoi bon prolonger le discours, ajouter des explications, répéter les mêmes choses ? Ce dont ces hommes ont besoin, ce n'est pas seulement de leçon mais de force. Car s'il importe de recevoir des révélations, encore faut-il pouvoir les mettre en pratique. A l'homme, c'est impossible.

Aussi Jésus se met-il en prière. Tous ces liens d'affection qu'il a noués avec ses amis, il faut les relier à leur source : le PERE.

A nous aujourd'hui, au lendemain de l'Ascension, de méditer cette longue prière de Jésus du chapitre 17 de Saint Jean dont la liturgie nous fait entendre la section centrale.

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi :

" ....PERE SAINT : garde mes disciples dans la fidélité à ton Nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient UN, comme nous-mêmes.

Quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton Nom que tu m'as donné. J'ai veillé sur eux et aucun d'eux ne s'est perdu - sauf celui qui s'en va à sa perte, de sorte que l'Ecriture est accomplie..."

La prière est scandée par l'invocation au PERE - ici PERE SAINT : juxtaposition paradoxale de la transcendance indicible (Saint) et de l'intimité la plus tendre (Père). Proximité et respect, affection et adoration.

Jésus, le Bon Pasteur a toujours gardé ses brebis dans la paix, aucune ne s'est perdue, sauf une malheureuse qui a quitté la communauté. Judas en effet s'est levé et est sorti dans la nuit pour prévenir les autorités. Car la foi n'est jamais une prison. L'amour de Jésus nous laisse tellement libres...que nous pouvons le lâcher et le trahir.

A présent qu'il va disparaître à leurs yeux, Jésus confie les siens au Père : c'est en vivant "au nom du Père", c'est-à-dire à se sachant "enfants du même Père", qu'ils pourront demeurer unis. Jésus ne prie ni pour leur santé, ni pour l'amélioration de leur tempérament, ni pour la réussite de leurs travaux : mais uniquement pour leur UNITE. A quoi servirait tout le reste s'ils ne demeurent pas ensemble ? Divers mais unis. On n'est pas dans l'Eglise pour faire son numéro individuel.

Seule la grâce de la confiance dans le Père peut permettre aux hommes, tellement différents les uns des autres, de demeurer en communion. C'est en reconnaissant chaque "autre" comme "fils du même Père" que le croyant résiste à la terrible force centrifuge qui nous éloigne et parfois nous dresse les uns contre les autres. On a vu naguère comment une "république de camarades" décidés à construire des "lendemains qui chantent" a basculé dans l'abîme.

LA SPIRITUALITÉ DU DON.

On est frappé par la répétition du verbe DONNER (rien moins que 17 fois dans ce chapitre !). Jésus est pauvre : intact de tout amour-propre, il ne s'attribue aucun mérite dans les initiatives et les réalisations de sa mission. Il a tout reçu de son Père : l'½uvre à accomplir, le Nom à garder, le pouvoir sur toute chair, les Paroles, les disciples.... Jésus ne fait pas : il reçoit son être, ses enseignements, ses actes. C'est pour cela qu'il a veillé scrupuleusement à ne dévier en rien, à obéir en Fils, à ne faire que la Volonté de son Père. C'est pour cela qu'il ne capte rien, n'accumule jamais : ce qu'il a reçu gratuitement, il le donne par grâce à son tour. Richesse de la vraie pauvreté. Transparence.

LE DON D'UNE PAROLE : JOIE ET HAINE

Maintenant que je viens à Toi, je parle ainsi, en ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie, et qu'ils en soient comblés.

Je leur ai fait don de ta Parole, et le monde les a pris en haine parce qu'ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. Je ne demande pas que tu les retires du monde mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde comme moi, je ne suis pas du monde.

Dans aucun évangile, on ne voit Jésus ponctuer ses enseignements à la manière des prophètes : "ORACLE DU SEIGNEUR". Il n'est pas porte-parole occasionnel : il est cette PAROLE DE DIEU, il est le VERBE, le LOGOS fait chair et venu dans le monde.

Cette Parole, elle va continuer à retentir dans les disciples grâce à l'Esprit "qui leur fera souvenir de tout ce que Jésus leur a dit" (14, 26) et grâce à l'Evangile de Jean qui l'a transmise. A ceux qui demeurent à son écoute et surtout qui l'observent et vivent à sa lumière, grande et inaltérable joie sera donnée : joie d'être dans la Vérité.

Mais ils souffriront beaucoup car la fidélité à cette Parole les démarquera des styles de vie imposés par "le monde". On sait l'ambivalence de ce mot chez Jean qui a écrit : " Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils, non pas pour condamner le monde mais pour que le monde soit sauvé par Lui" (3, 16) mais qui ici dénonce "le monde" comme la puissance fermée à la grâce, rebelle à Dieu, durcie dans la haine, et derrière laquelle se profile l'inquiétante figure du MAUVAIS. Tout au long de l'histoire, les disciples de Jésus ont été la cible des sarcasmes, l'objet des critiques et même de la haine meurtrière. Jamais comme au XXème siècle, l'Eglise n'a connu autant de martyrs.

Et pourtant les disciples n'ont pas à fuir le monde mais au contraire à s'y enfouir en priant pour demeurer fidèles :

" NOTRE PERE ...mais délivre-nous du Mauvais".

Malheur à qui chercherait à se protéger par ses seuls moyens !

SAINTETÉ ET MISSION

Consacre-les par la Vérité : ta Parole est Vérité.

De même que tu m'as envoyé dans le monde,

moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.

Et pour eux je me consacre moi-même afin qu'ils soient eux aussi consacrés par la Vérité.

Que le Père SAINT daigne SANCTIFIER les disciples : c'est sa Parole, qui est VERITE, qui accomplira cette ½uvre. Elle le pourra parce que Jésus se sanctifie, se consacre lui-même, s'offre par amour de son Père et des siens.

Cette sainteté, effet du choix de Dieu, n'est nullement un privilège qui met à part : au contraire elle confère une responsabilité suprême : l'élection est pour la mission.

Et cet envoi dans le monde ne sera jamais une entreprise de l'Eglise, une décision prise par quelques spécialistes. Il y a comme une "coulée continue" : du Père au Fils dans ses disciples vers le monde à sauver.

éternelle. A nous d'écouter cette prière et de lui obéir.

Et que ceux qui ont une certaine responsabilité sur d'autres (parents, chefs, dirigeants, prêtres, supérieures...) Prions-nous ? Le Seigneur, lui, prie pour nous. Notre vie est suspendue à son amour, à sa sollicitude assument cette supplication de Jésus à l'endroit de ceux et celles "que Dieu leur a donnés".