J'avais un ami, il est mort il y a quelques années déjà, qui avait l'habitude de dire : " Ferme les yeux et tu verras ". Ferme les yeux si tu veux comprendre ce qu'ont vécu les disciples à partir du troisième jour après la mort de Jésus. Ferme les yeux ; n'essaie pas de te représenter la résurrection et, a fortiori, l'ascension comme une séquence de cinéma à la Mel Gibson ou même à la Bergman.
" Jésus ressuscité apparaissait à ses disciples. " Avec l'arrestation de Jésus, les procès bâclés, les tortures, la mort et la mise au tombeau les disciples ont vécu trois journées terribles de désespérance. Dieu semble avoir vraiment abandonné, renié celui qui prétendait venir de lui et parler en son nom. Ensuite, à partir du matin de Pâques, des rencontres multiples, fortuites se succèdent ; des expériences que les disciples se transmettent les uns aux autres et qui entraînent une conviction de plus en plus profonde : " Il est vivant !
Dieu ne l'a pas abandonné. " Jésus reste présent, actif, attentif à tous ceux qu'il a connus auparavant. Alors, ils se rappellent les événements proches ou plus anciens de sa vie ; ils les mettent en relation avec ce que les Anciens ont transmis dans les livres saints entendus chaque sabbat à la synagogue : " il fallait que s'accomplisse ce qu'annonçait l'Ecriture ". En l'espace de quelques jours, on constate dans la vie des disciples, un retournement total et subit de leurs comportements et de leur vision des choses. La plupart s'étaient enfuis et se cachaient, morts de peur. A partir de Pâques, bravant tout obstacle et toute crainte, ils proclamant : Il est Vivant ; ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l'annonçons : Christ est ressuscité, Christ est vivant. En lui, vous aurez la vie.
Le mystère de la Résurrection a comme deux faces : - La résurrection proprement dite : Christ est sorti du tombeau ; il a vaincu la mort ; sur lui la mort n'a plus d'emprise ; il est désormais présent à chacun ; je serai avec vous. - l'autre face : Christ est entré dans la gloire du Père ; il est vivant en Dieu. Cette vie nouvelle il la communique à qui reçoit le message et croit en lui. Résurrection et ascension sont deux facettes d'une unique réalité : Celui qui fut mis à mort est vivant ; il vit désormais en Dieu.. L' ascension est moins un événement qu'on pourrait dater dans l'histoire ; c'est plutôt l'expression, la représentation de cette réalité : il vit en Dieu.
Luc nous a donné deux récits de l' ascension : le plus connu, celui des Actes des Apôtres où il parle de 40 jours. L'autre, finale de son évangile que nous venons d'entendre. Je vous invite, ce soir, demain, à prendre votre bible pour lire avec un peu d'attention le chap. 24 de Luc : le départ de J., l' ascension. semble situé au soir ou au lendemain de Pâques. Vous découvrirez la même chose en lisant l'évangile de Jean. Les 40 jours sont donc moins à entendre en temps réel que comme représentation d'une période symbolique : temps privilégié de rencontres avec le ressuscité, d'expériences qui ont fait entrer les disciples dans une vision nouvelle des choses, et qui ont totalement transformé leurs vies. " De cela nous sommes témoins ".
A partir de là, le message s'est transmis de génération en génération, jusqu'à nous, qu'on pourrait appeler les disciples de deuxième main, tous ceux qui n'ont pas vu et touché, mais qui sont appelés à une expérience proche de celle des disciples : rencontre et certitude de la présence du ressuscité ; partage, avec lui, de la vie de Dieu : eucharistie, prière, le reconnaître dans un autre... Vivre cela, en être témoins. Saint Paul l'exprime dans une formule forte mais aussi un peu hermétique. " Nous le visage dévoilé, nous reflétons la gloire du Seigneur. Ns sommes transformés en cette même image avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur qui est Esprit. " Explication : quand quelqu'un est amoureux, il ne peut pas le cacher ; cela transparaît sur son visage ; ses yeux, sont sourire en sont comme illuminés. Vivre de la conscience et de la présence du Ressuscité dans nos vies ne transparaît pas nécessairement dans nos traits, mais bien dans nos façons de vivre. C'est ce qu'exprime à sa façon Guy Gilbert. Il n'est pas père de l'Eglise ou théologien ; mais il a le génie dire de façon simple des choses non compliquées, et finalement très simples : " Vivre de telle façon qu'à ma seule façon de vivre on pense que c'est impossible que Dieu n'existe pas. " Ferme les yeux et tu verras ! Ferme les yeux et tu vivras.