C'est fou ce que le temps passe vite. Même parfois trop vite. Dire que la semaine passée, nous étions toujours à la crèche nous joignant aux mages venus rencontrer Dieu nouveau-né. Et voilà qu'en quelques jours, nous avons traversé le temps, environ trente ans. Le temps nécessaire pour passer de l'Epiphanie au Baptême de Jésus.
Il y a eu toutes ces années dont nous ne savons pour ainsi dire rien : une fuite en Egypte, une visite au temple de Jérusalem quand l'enfant avait douze ans puis silence radio sur toute la ligne et voilà qu'il réapparaît aujourd'hui, prêt à commencer une nouvelle étape de sa vie. Dieu était né à la crèche et il est re-né dans l'événement de son baptême lorsque Dieu lui annonce : " c'est toi mon fils bien aimé ; en toi, j'ai mis tout mon amour ".
Une différence existe cependant entre le baptême du Christ et le nôtre : Jésus a effectivement attendu de nombreuses années avant de vivre son baptême alors que pour la majorité d'entre nous, nous sommes un peu comme Obélix, le compagnon d'Astérix, tous deux nés d'ailleurs le même jour comme nous avons pu le découvrir dans leur dernier album sorti il y a quelques semaines. Oui, nous sommes un peu comme Obélix, car, en ce qui concerne le baptême, nous sommes tombés dedans quand nous étions petits. Pour beaucoup, nous n'avons pas choisi d'être baptisés, c'était la décision de nos parents. Mais notre présence en ce lieu est signe de la ratification de cette décision. Par cet acte, nous tenons à montrer que nous avons décidé de traverser notre vie différemment.
Par notre baptême, toutes et tous nous sommes porteurs et donneurs de vie là où nous sommes, avec tout ce que nous avons reçu. Le baptême nous a rendu vivants dans la vie, c'est-à-dire que nous désirons renoncer à tout ce qui pourrait l'abîmer voire l'éliminer. Je pense à la haine, au racisme, à la vengeance, à l'injustice, au mensonge et à bien d'autres choses encore qui nous détournent de notre finalité et nous entraîne vers une vie mortifère.
Il est vrai, comme le dit l'humoriste, la vie est une maladie mortelle, incurable. Triste perception de la vie alors que notre baptême nous convie à vivre une vie vivante, c'est-à-dire une vie qui conduit au bonheur. Tel est le sens du salut proposé à tout être humain dans les mots de saint Paul : " La grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes ". Jésus vient nous sauver, il est le Sauveur. Le Sauveur et non le Sauveteur.
C'est ce que certains théologiens ou liturgistes n'ont toujours pas compris lorsque nous trouvons aujourd'hui encore dans notre rituel de baptême des phrases telles " pour nous libérer du pouvoir de Satan... ; pour que l'homme arraché aux ténèbres... ; ou encore, ces enfants rachetés du péché originel ". Quelle conception négative de la vie à l'image des visages de ces théologiens au regard triste tellement ils portent le poids du monde sur leurs épaules. Ils ont tout simplement oublié que cela avait déjà été fait il y a deux mille ans et que grâce à la résurrection du Christ, nous pouvons maintenant vivre une vie vivante et non plus une vie mortifère. La vie vivante nous est offerte par un Sauveur.
Oui, le Christ est venu nous sauver, c'est-à-dire nous montrer un chemin de vie, un chemin d'amour et de bonheur, un chemin de réalisation de chaque être humain pour que tout homme, toute femme, tout enfant puisse pleinement participer à la grande aventure du salut de Dieu. Par le baptême, nous sommes renouvelés dans l'Esprit Saint, c'est-à-dire que nous sommes renés en Dieu à la vie. Dans notre pays, il y a quelques années lorsque nous voulions décrire des gens peu ou mal éduqués, nous les appelions des " ronny ".
Aujourd'hui, les chrétiens du monde entier pourraient être dénommés des " rené ". Tel serait notre second prénom qui s'adjoindrait à celui que nous avons reçu à notre naissance. Comme si nous avions tous un prénom composé. Même si cela peut faire sourire, toutes et tous par notre baptême nous sommes des re-nés en puissance. Mais des re-nés à la vie, des re-nés à la beauté de l'existence, des re-nés à l'aventure divine. Voilà ce que notre Sauveur est venu nous offrir. Grâce à cette renaissance nous possédons dans l'espérance l'héritage de la vie éternelle.
Quel optimisme dans le plan de Dieu pour sa création entière ! Quittons alors ces images négatives de la foi et laissons la grâce divine faire son ½uvre en nous pour que les effets de notre baptême se lisent dans la lumière souriante de nos yeux. Nous sommes donc chacune et chacun devant un choix : vivre une vie mortifère en quête d'un Sauveteur ou vivre une vie vivante à la suite du Sauveur. Notre baptême ne nous laisse cependant pas la possibilité de choisir. Dieu nous appelle à vivre la vie. Ne dit-il pas : " je suis venu pour que vous ayez la vie, la vie en abondance " ?
Amen.