15 août 2009, Le c½ur de l'été. La ville est presque déserte, les embouteillages réduits. Beaucoup de gens sont partis. Ailleurs...
Mais « pourquoi, demande le poète, pourquoi ce nomadisme, circonscrit, il est vrai, des sociétés averties? »[1] Que sont-ils allés chercher ailleurs ? Un autre rythme ? La vraie vie [2]? Le repos ? L'oubli ? Un autre espace-temps ? Un autre monde, une autre nature, un autre cosmos ? Un autre souffle ? Ou bien eux-mêmes, tout simplement, avec l'altérité en miroir, car « je est un autre » ? N'ayant aucun moyen de connaître l'au-delà, vont-ils s'y familiariser auprès de l'éternité des sites historiques et des musées ? Les artistes pointent ce qui se joue en nous confusément. Leur sensibilité exacerbée nous révèle ce qui se cache implicitement dans nos errances et nos hésitations. Ils désignent quelque chose, une logique cachée, une philosophie, pourquoi pas aussi une théologie qui se sait pas mais qui se cherche : une raison, une parole, une révélation ? L'ailleurs... Il y a beaucoup d'ailleurs, beaucoup de formes d'ailleurs possibles. Vers quel ailleurs sommes-nous aimantés, comme des oiseaux migrateurs ? Qui d'entre nous peut dire en toute assurance qu'il sache parfaitement où il va ? Peut-être sait-il d'où il vient et, comme Barak Obama, peut-il reconnaître après coup : « I was operating mainly on impulse, like a salmon swimming blindly upstream toward the site of his own conception »[3]. Prodigieuse lucidité, n'est-il pas vrai, que de reconnaître ses propres hésitations, et percevoir dans le cours de sa vie, comme un sens inné qui le guide, malgré tout, vers quelque chose d'essentiel, où se manifestera sa raison d'être et de progresser, depuis sa conception jusqu'à son plein accomplissement. Ce qui est vrai pour un être humain particulier, par exemple le président américain, ne l'est-il pas aussi pour l'ensemble de l'humanité ? La vie comme un chemin à parcourir, un projet à réaliser en s'adaptant jour après jour, un fleuve à visiter, en nageant à contre courant, car il ne s'agit pas de se laisser aller au fil de l'eau mais d'affronter les difficultés comme autant d'occasions de se muscler et de se structurer. Mais où est donc le fleuve ? Nous ne sommes pas des saumons sauvages. Il n'y a pas de fleuve ni de chemin tracé. Comme dit le poète espagnol [4]« Caminante, no hay camino, se hace camino al andar ». Le chemin se fait en marchant. Il n'y a pas de livre, où tout soit écrit, à l'avance et défini. « A partir d'ici, écrit Jean de la Croix, il n'y a plus de chemin ». Où allons-nous alors ? Et qu'est-ce qui nous pousse à y aller ? Cette question, l'humanité n'a jamais cessé de se la poser. Bien avant d'inventer le moteur à explosion, bien avant d'identifier un virus, bien avant de marcher sur la lune. Que sera cet ailleurs recherché, espéré, attendu ? A quoi ressemblera-t-il? Et nous, comment serons-nous ? Qu'en sera-t-il de notre esprit, de notre souffle, de notre c½ur, de nos affections, de nos pensées ? Qu'en sera-t-il de notre corps ? Quel rapport y aura-t-il entre ce que je vis de plus intense et la matière même qui me permet de le réaliser ? Quelle sera la date ou l'heure du grand départ ? Le prix à payer ? Un aller sans retour ? Des réductions ? La durée du voyage ? Que peut-on emporter ? Trajet direct où par étapes ? Certains parlent de tunnel lumineux, c'est paradoxal. Une naissance à vivre ? Faut-il avoir peur ? Devant la question de l'au-delà, le christianisme n'est pas bavard. De toutes les religions, il est probablement celui qui est le plus discret. Aucune carte de l'au-delà, aucune photo sur Internet, aucun témoignage de revenants. Pas d'assurance-vie éternelle, pas d'agence de voyage pour « la vie après la vie ». Pas d'explications mais quelques grandes affirmations. Tout se joue maintenant comme germe de l'après. Tout se joue dans la relation que nous avons avec les autres, en particulier les plus faibles, ceux qui ont besoin de nous. La bonne nouvelle que nous portons est celle de la Résurrection de Jésus le crucifié. *** Marie, la mère de Jésus n'a pas été martyrisée. Mais la « vierge des douleurs » a été associée étroitement au destin de son fils. Pour elle, l'histoire n'a pas retenu pour elle de tombeau. Où est-elle allée ? Qu'est devenu son corps ? La foi des chrétiens depuis toujours, sans bien comprendre comment, mais de manière poétique comme s'expriment toutes les intuitions qui ne peuvent être démontrées, celle de l'amour en particulier, la foi des chrétiens a tout de suite perçu que Marie était associée à la Résurrection de son fils au point d'être intégralement auprès de lui. Le mot « résurrection » n'est cependant pas prononcé, par égard pour nos frères orthodoxes qui parlent de « dormition » et non pas de « mort ». Le mot « assomption » est donc utilisé, qui se rapproche de l' « ascension ». Une femme est « auprès de Dieu » et si l'on imagine celui-ci « en haut », elle est « montée » auprès de Lui. Marie nous précède sur nos chemins, elle est, avec son fils, cet ailleurs ou cet autrement vers lequel nous allons tous. Elle représente l'humanité en son devenir, l'humanité saisie par la résurrection de Jésus. C'est par elle qu'il est entré dans notre histoire, c'est par lui qu'elle sort de notre histoire et prend corps de gloire. Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Cette femme, c'est l'humanité accomplie, revêtue de la lumière de Dieu. Toute la création la contemple et lui sert de parure : le soleil, la lune et les étoiles soulignent sa beauté. C'est l'Eglise transfigurée, c'est Marie, en tout premier lieu, la petite fille d'Israël, qui a cru à la promesse, qui a conçu le Fils de Dieu, qui est toujours à ses côtés, au pied de la croix et maintenant dans l'accomplissement de sa résurrection.