Pain de Vie et de Résurrection
Il est indispensable de bien garder en mémoire le déroulement du chapitre 6 de Jean que nous sommes en train de suivre pendant ces 5 dimanches.Au point de départ, et pour la seule fois, Jésus a donné du pain à la foule. Jean nous a convaincus qu'il ne fallait pas parler du "miracle de la multiplication des pains" (expression jamais utilisée dans le Nouveau Testament) mais d'un SIGNE du repas eucharistique. Ensuite il y a eu la traversée houleuse du lac où Jésus s'est révélé à ses disciples comme celui qui ne coule pas dans la mer ( dans la mort), qui sauve du péril et qui dit " C'EST MOI" - exactement comme Dieu se révélant au Buisson ardent. Qui est ce Jésus qui ose s'attribuer le nom de Dieu: "YHWH" ? !!!! Puis a commencé un grand dialogue avec la foule. Jésus a refusé de réitérer le don du pain. "Cherchez plutôt à avoir un autre pain, leur a-t-il, un pain qui donne la vraie Vie". Sans comprendre, les gens ont dit: " Donne-le nous"....Mais ils restaient enfermés dans leurs conceptions utilitaristes. - Alors Jésus a répondu : « C'EST MOI : JE SUIS LE PAIN DE LA VIE. Venez à moi, croyez en moi car je viens du ciel. Je suis la Parole de Dieu: celui qui croit en moi a la Vie divine » . Incompréhension du public ! - Aujourd'hui cette Révélation atteint son point culminant. - Jésus réaffirme : Je suis le Pain de Vie... le Pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l'éternité. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie"Jésus reprend les mêmes expressions mais maintenant il va beaucoup plus loin en précisant ce qu'est ce pain mystérieux: "ma chair pour la vie du monde"!!!Dans le langage biblique, "la chair" désigne l'humanité dans sa faiblesse, ses limites, sa fragilité: Jésus annonce qu'il va se donner. Nous perçons l'allusion: Jésus va être rejeté, haï, condamné et exécuté de façon ignominieuse mais en réalité, il va faire de cette capture un "don de soi". Le châtiment infligé par les hommes sera vécu par lui comme une offrande-pour-ses-disciples. La croix le hissera au sommet de son amour pour nous, les hommes. Donc il donnera la Vie au monde.----- Evidemment cette déclaration inouïe paraît intolérable et provoque sur-le-champ un épouvantable charivari, des hurlements de colère: Les Juifs discutaient violemment entre eux: - Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?????.....En effet, prise au pied de la lettre, la phrase de Jésus évoque le cannibalisme et ne peut que susciter une violente répulsion. Comment comprendre ? Jésus va tenter de s'expliquer. Mais contrairement à ce que nous attendons, il ne met pas un bémol à sa déclaration, il ne cherche pas à faire passer son message comme un symbole, une "façon de parler". Au contraire il continue en insistant sur le côté réel, charnel, choquant. Et de la sorte, il nous donne comme une "théologie de l'Eucharistie" en cinq points qui constitueront notre méditation de la semaine - surtout au moment où la messe ne semble plus du tout comprise par nos contemporains.* Jésus leur dit alors: " Amen, amen, je vous le dis: si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous"L'Eucharistie n'est évidemment pas "anthropophagie" mais communion au "Fils de l'Homme" glorieux et vivant. Elle n'est pas une friandise pour âmes pieuses, un don facultatif pour chrétiens retardés. Jésus ne la suggère pas comme "utile" mais la proclame nécessaire. Elle - seule - donne la VIE ! Un handicapé me disait un jour: " Pour moi la messe n'est pas obligatoire: elle m'est indispensable".Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.La traduction précise serait: "...qui mâche, croque..." ! Les parents juifs apprenaient à leurs enfants qu'il fallait bien "mâcher" les aliments du repas de la Pâque. L'Hostie (qui devrait manifester une certaine consistance) doit donc se mastiquer: aucun risque de faire mal "au petit Jésus"! Le croyant désire bien assimiler, communier au Fils de l'homme, recevoir sa VIE ici et maintenant. Le croyant est un Vivant divinisé. Cela ne lui évitera pas la mort mais le Fils de l'homme glorieux aura la puissance de rendre vie à son corps mortel. L'Eucharistie est réception d'une Vie assez forte pour ressusciter une chair mortelle. Communier, c'est ensemencer son corps d'une Vie qui le dépasse.En effet ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.Nous assimilons les nourritures terrestres, elles deviennent notre chair et notre sang, elles nous redonnent des forces mais elles ne prolongent qu'une existence promise au déclin et à la mort inéluctable. A l'inverse, dans l'Eucharistie, le Christ Seigneur nous approprie à Lui: c'est nous qui "entrons" en lui. Il nous fait "son Corps". Notre vie devient "en Christ", comme dira Paul. En même temps, en l'accueillant en nous, nous devenons son tabernacle, nous devenons des "christophores", des "Porte-Christ". C'est pourquoi il ne faut pas dire à l'enfant: "Tu vas recevoir le petit Jésus... Tu vas faire ta communion" (expressions absurdes) - mais: " Tu vas être accueilli dans le C½ur de Jésus qui t'aime. Tu vas participer à sa communion et donc tu seras en communion avec tous les croyants du monde". De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que moi, je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.La merveilleuse "demeure réciproque l'un dans l'autre" réalise le v½u de l'amour - moi en toi et toi en moi - mais n'isole pas dans une jouissance égoïste. Recevoir l'Eucharistie de Jésus, l'Envoyé du Père, confère d'emblée une mission. L'homme n'est qu'un habitant de la terre parmi les autres: chrétien, "eucharistié par son Seigneur", il devient un envoyé de Dieu parmi les hommes. Il est "missionnaire": il a la charge de laisser le Christ poursuivre, en lui et par lui, sa mission de salut du monde. Il ne s'appartient plus, il doit lui aussi donner sa chair et son sang, donc "se laisser manger" par amour des hommes.Tel est le pain qui descend du ciel; il n'est pas celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts; celui qui mange de ce Pain vivra éternellement.Depuis des siècles, on apprenait dans les synagogues que l'histoire de la sortie d'Egypte suivie de la traversée du désert était un symbole de la marche du peuple de Dieu.A nouveau donc Jésus rappelle le destin des ancêtres: Oui, Dieu les avait libérés de l'esclavage, leur avait fait passer la mer, leur avait donné sa Loi et la manne, les avait conduits à travers le désert... Mais, sauf rares exceptions, aucun d'entre eux n'était parvenu à la terre promise, destination finale du projet de Dieu. Par leurs récriminations, leurs rébellions perpétuelles, ils n'avaient pu aller jusqu'au bout de leur histoire, ils étaient des morts spirituels.Désormais, affirme Jésus, ce que la Loi et la manne n'ont pu réaliser, mon Pain l'accomplira. Celui qui reçoit, dans la foi, le corps et le sang de son Seigneur peut marcher avec assurance: le Fils de l'homme gardera l'homme croyant et le conduira sûrement dans le Royaume éternel. Le Pain de Jésus est le ressort et le gage de l'espérance.Tels furent les enseignements de Jésus, dans la synagogue, à Capharnaüm.Dimanche prochain, nous terminerons la lecture de ce chapitre extraordinaire et nous verrons comment la promesse de l'Eucharistie constitue la pierre d'achoppement fondamentale. Comment accepter pareille révélation ? Jamais un homme n'avait tenu de tels propos. Et pourtant le Pain de Jésus continue à être distribué à travers le monde, à étendre l'Amour de Dieu, en son Fils, dans les hommes croyants et à susciter chez eux un amour inouï..