Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C

SE LAISSER PRENDRE

On explique la fête de ce jour en disant : « Marie est montée au ciel corps et âme ». L'Eglise a beau affirmer qu'il s'agit d'un « dogme », il est probable que, pour la majorité, cette affirmation n'est guère crédible ou, s'ils l'acceptent, ils ne voient pas en quoi elle les concerne. Or un dogme n'est pas un coup de massue asséné sur la raison humaine : il ne parle que s'il révèle quelque chose de notre vie. Le 15 août serait-il seulement, avec ses grandes processions spectaculaires, la résurgence du culte de la déesse-mère que l'on connaît dans beaucoup de religions ?...

ÊTRE ASSUMÉE

Marie a accueilli sur terre son Fils venu du ciel et Lui accueille au ciel sa mère avec tous ses disciples.D'abord Marie n'est pas « montée » : elle a été « assumée » c.à.d. prise-avec. Son Fils Jésus, parce que Fils de Dieu, a pu effectuer son « Ascension »près de son Père  et il pouvait dire : « Je monte vers mon Père » (Jn 20, 17). Il est intéressant de remarquer que, si le Nouveau Testament ne parle pas de « l'Assomption de Marie », il parle de celle des disciples : en commençant ses adieux, Jésus les réconfortait: «  Croyez en moi. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures...Lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous « prendrai-avec moi » si bien que là où je suis vous serez vous aussi » (Jn 14, 3). Et dans sa prière finale, il dit : «  Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient eux aussi avec moi pour qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée » (Jn 17, 24). Marie a accueilli sur terre son Fils venu du ciel : il accueille au ciel sa mère avec tous ses disciples.
Confesser l'Assomption de Marie, c'est croire que l'humanité n'est pas enfermée dans « la sphère terrestre », qu'elle s'accomplit dans un passage au Père qu'elle est incapable de réaliser par elle-même car ni ascèse ni mystique, ni politique ni science ne peuvent introduire dans le Royaume de Dieu.
C'est également s'engager à vivre dès maintenant à son exemple dans l'amour, un amour vrai qui s'abaisse, qui « descend » dans le service pour se laisser « monter » dans la Gloire.
Ensuite c'est espérer être « pris par » l'Esprit non dans l'espace des planètes mais dans « la Maison du Père », c.à.d. dans une communion et une paix où tous les humains se reconnaissent comme enfants du même Père.

CORPS ET ÂME

A Ephèse, en Asie Mineure, où dit-on, Marie aurait fini sa vie avec saint Jean, on montre le tombeau de Marie. Est-il authentique ? En tout cas il est vide comme celui de Jésus à Jérusalem. Pas de vestiges, pas de reliques : Marie, selon une très antique tradition, a disparu totalement.
Déjà, dans la Première Alliance, Moïse avait disparu sans laisser aucune trace ; et Elie, mieux encore, avait, dit-on, été enlevé au ciel dans un char de feu. Le grand maître de la Torah et le prince des prophètes n'ont pas de sépulture ; de sorte, dit la tradition juive, qu'ils ne peuvent devenir des buts de pèlerinage, source d'une vénération qui risquerait d'être idolâtrique. Leur personnalité s'efface devant leur ½uvre car c'est ce qu'ils ont fait et écrit qui importe et qui demeure vivant.
Ainsi les premiers chrétiens n'ont pas gardé trace de Marie : sa grandeur unique était ce qu'elle avait vécu, ce que les évangiles disaient d'elle. La dévotion à son endroit ne consistait pas à se rendre sur les lieux précis de son existence passée mais à croire en sa présence actuelle, au sein de l'Eglise. En effet la dernière fois où les Ecritures parlent d'elle, c'est pour signaler sa présence au cénacle où elle priait en compagnie des apôtres et des autres femmes dans l'attente de l'Esprit promis par son Fils (Ac 1, 14). Luc ne dit rien de « son enlèvement » ultérieur. Marie est en prière pour que nous suivions son chemin.

« Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les épreuves, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la Patrie bienheureuse »
(Vatican II- L'Eglise - § 62)
La fête de l'Assomption souligne la grandeur du corps : celui-ci n'est pas que l'enveloppe de l'âme, la dépouille que l'on peut abandonner à sa destruction comme on le croit en certaines religions où le cadavre est brûlé sur un bûcher tandis que l'âme, croit-on, poursuit sa recherche de la vérité.
Le christianisme, contre toutes les critiques qui courent, a le culte du corps. Le sommet de l'Amour de Dieu n'est-il pas que son Verbe ait pris un corps humain et se soit « incarné » ? La grandeur de Marie n'est-elle pas d'avoir donné corps à Celui qui était Esprit ? Le sommet de la haine des hommes n'est-elle pas d'avoir crucifié un corps ? Jésus n'a pas proclamé un message pour âmes pieuses, il a toujours montré de la compassion pour tous ces corps blessés par la maladie ou abîmés par un handicap. Jamais il n'a parlé de résignation, sans cesse il a cherché la guérison.
Le corps enlevé au ciel n'est pas un prodige à expliquer : c'est la façon d'affirmer que le corps qui doit retourner à la poussière (Gen 3, 19) peut, par grâce, devenir lumière.

LA VISITEUSE

Un cosmonaute lancé dans l'espace s'éloigne de plus en plus de la terre : au contraire, lorsque Marie, à la suite de son Fils, est « enlevée au ciel », elle se rapproche des hommes. Car le ciel de Dieu n'est pas dans les étoiles mais dans les c½urs qui aiment. Devenue Mère des croyants (« Voici ton fils ; voici ta mère » : Jn 19, 26), elle compatit à leurs souffrances, elle répond à leurs appels. L'Evangile de ce jour nous le prouve : à peine avait-elle reçu l'Annonciation qu'elle s'encourait chez sa cousine plus âgée. Non pour se vanter de sa supériorité ni contrôler la réalité du message reçu de l'ange mais pour servir sa parente dans ses dernières semaines. Marie est celle qui vient à nous non pour nous écraser de ses privilèges mais pour nous aider à accomplir notre propre vocation.

CHANT AVEC MARIE

Aussi en ce jour de fête, nous reprenons son grand cantique : le MAGNIFICAT (qui devrait terminer chacune de nos journées, comme c'est le cas dans tous les monastères).
Dieu est magnifique parce qu'il a choisi cette jeune fille pauvre d'un pays humilié et parce qu'il a accompli pour elle des merveilles.
Et cet amour poursuivra son ½uvre toujours de la même manière : il désintègre les complots de ceux qui se liguent pour faire le mal, il bouscule ceux qui se hissent sur les trônes de l'orgueil, il dépouille ceux qui amassent avec cupidité. Mais il relève les humiliés, comme il a relevé le crucifié honni du Golgotha ; et il comble en surabondance ceux que l'on avait exploités et piétinés.
« Mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur » : que la joie de Marie rejaillisse aujourd'hui dans nos c½urs.
ANNONCIATION. Que nous devenions une Eglise qui ose, comme la jeune Marie, écouter et accueillir une Parole qui la dérange mais qui lui apporte une Vie qu'elle ne peut se donner.
Une Eglise qui cesse de se cramponner à un passé dépassé car « rien n'est impossible à Dieu ».
VISITATION.  Une Eglise qui a le courage de sortir, de partir à l'aventure, « en hâte », pour aller visiter tous ceux qui attendent une présence et un réconfort.
Certains baptisés la quitteront peut-être par peur de l'aventure, en critiquant ses audaces. Le monde se moquera de ce « petit troupeau » qui refuse de tomber dans ses pièges et ses mensonges. Mais cette communauté fragile et sans puissance se souvient du moment où Elisabeth et Marie s'étreignaient, emportées par la Joie de Dieu. Loin des foules hystériques des cirques romains, loin des temples d'ivoire et d'or et des palais dégoulinant de vanité et de débauche, ces deux pauvres femmes portaient l'avenir du monde.
Oui Marie : « Heureuse toi qui as cru que la Parole de Dieu s'accomplira ».
Heureux sommes-nous aujourd'hui d'acclamer ta Gloire, prélude de la nôtre.
Aide-nous à vivre selon ton exemple : que, comme toi, « nous nous laissions prendre par Dieu ».