Baptême du Seigneur

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 4/01/14
Année: 2014-2015

Saint Marc commence son évangile par le baptême de Jésus. Celui-ci est sans doute né 5 ans avant la date traditionnelle et son baptême a dû avoir lieu en l’an 28 : entre les deux événements s’étend donc une longue période d’environ 33 ans. Il est sans doute bien de méditer au préalable sur ce temps qui paraît « vide ».

La vie en Israël est alors extrêmement pénible : le pays est occupé depuis 90 ans par les Romains qui pressurent la population ; les résistants armés se font arrêter et crucifier ; la civilisation hellénistique se répand dans tout l’Empire, avec ses théâtres, ses gymnases, ses jeux de cirque et ses villas modernes.

Dans un minuscule village à l’écart de tout, le jeune Jésus fréquente la synagogue, y fait ses études, apprend l’histoire de son peuple dans les Ecritures et son père lui transmet son métier de charpentier. Jésus mène la vie ordinaire, sans auréole ni miracle, et rien ne le distingue de ses camarades. Le seul événement important qui a dû arriver, c’est le décès de son père. Dans la petite demeure, la maman et son fils mènent une vie difficile, sans confort, sans gaspillage mais l’essentiel est là : l’amour.

Ainsi les hommes mènent une vie ordinaire : il ne se passe rien et les journées se ressemblent toutes. Or il n’y a jamais de temps à perdre : si banale soit-elle, chaque journée nous construit si nous l’assumons. Et peut-être, à certains moments, Dieu nous adressera-t-il un signal de changement. N’anticipons pas l’appel de Dieu : il survient lorsque nous sommes mûrs pour y répondre. Ainsi en fut-il pour le jeune Nazaréen.

Un jour, une rumeur parvient au village : alors qu’il n’y avait plus eu de prophètes depuis des siècles et que Dieu semblait avoir abandonné son peuple, le bruit court qu’un certain Iohanan (Jean), en Judée, annonce un changement imminent : il exhorte les gens et il les plonge dans les eaux du fleuve Jourdain.

Pour Jésus, c’est un appel : accompagné peut-être de l’un ou l’autre voisin, il décide d’aller voir. Le sait-il ? C’est le grand tournant de sa vie. Il ne reviendra plus chez sa mère que pour un bref passage.

Jean-Baptiste proclamait dans le désert: « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

Jean est conscient des limites de son action : à sa parole véhémente, les gens avouent leurs fautes et demandent le baptême. Mais, après, changent-ils de vie ? Depuis Moïse, tous les prophètes ont fait cette expérience : ils dénoncent le mal, les gens promettent de se convertir…mais ils se retrouvent ensuite sous des lois qu’ils ne peuvent mettre en pratique complètement.

Dernier des prophètes, Jean a pressenti la merveille qui va se produire : il sera suivi par un autre tellement différent qu’il y aura entre eux un abîme plus grand encore qu’entre un maître et son esclave. En effet cet autre, « plus puissant », communiquera ce qu’il est seul à pouvoir réaliser : plonger (sens du mot baptême) les hommes dans l’Esprit de Dieu c.à.d. son Souffle, sa Vie.

LE BAPTEME DE JESUS

En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.

Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Une voix vint des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Les 4 évangélistes notent le fait surprenant que Jésus a demandé le baptême à Jean. Il était un simple candidat mais alors que les gens, après le rite, se rhabillaient et s’en retournaient chez eux, Jésus, lui, va faire une expérience personnelle foudroyante que Marc essaie d’évoquer.

La communication de Dieu avec les hommes qui semblait fermée (absence de prophètes) s’ouvre subitement et le Souffle de Dieu investit Jésus. De façon très douce. Comme la colombe qui, après le déluge, était venue vers Noé pour lui apporter le rameau d’olivier : ainsi sur Jésus, en lui et par lui, arrive la paix du monde.

Et Jésus entend : « TU ES MON FILS ». Par cette déclaration solennelle qui proclamait l’investiture d’un nouveau roi (Psaume 2, 7), Jésus reçoit sa vocation : Dieu le comble de son Esprit non pour le rendre « fils » (car il l’est de naissance) mais afin qu’il inaugure sur terre son Royaume. Il est LE FILS BIEN AIME, à un titre exceptionnel et en lui DIEU TROUVE TOUTE SA JOIE – citation d’Isaïe 42, 1.

La suite de l’évangile montrera comment les disciples, peu à peu, et avec beaucoup de difficultés, découvriront cette identité de Jésus en s’ouvrant à sa signification inouïe: Jésus est FILS, ROI, à un titre totalement inédit, communiant à Dieu son PERE dans le Souffle de l’ESPRIT-SAINT.

Bouleversé, Jésus laisse ses voisins repartir en Galilée et, tout seul, il s’enfonce dans la solitude afin de réfléchir à la vocation qu’il vient de recevoir :

Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert et pendant 40 jours, il fut tenté par satan.

Car le don de l’Esprit n’est pas une contrainte : la liberté humaine doit choisir comment le mettre en œuvre. Rejetant les tentations séduisantes mais qui mènent l’humanité à la ruine, Jésus pourra ensuite annoncer le Royaume par la Parole, la pauvreté et l’amour.

LE BAPTÊME CHRÉTIEN

Selon les évangiles, Jésus n’a jamais pratiqué le baptême ; cependant tout de suite, les apôtres marqueront la conversion et l’entrée dans l’Eglise par ce rite. La Pentecôte est le modèle de cette interpellation:

« Le cœur bouleversé d’entendre le discours de Pierre, les gens demandèrent : Que devons-nous faire ? » et Pierre répondit : «  Convertissez-vous et que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Actes 2, 37).

Le rite est complètement transfiguré : effectué « au nom de Jésus » il plonge l’homme dans l’Esprit.

COMPRENDRE NOTRE BAPTEME A PARTIR DE CELUI DE JESUS

Le rite baptismal n’est donc pas la sacralisation de la naissance d’un bébé, une pratique habituelle que l’on se transmet par héritage, un rite familial.

Au commencement il y a d’abord proclamation de la Bonne Nouvelle par un témoin : « Jésus a donné sa vie pour nous pardonner ; il est vivant, il est l’unique Sauveur : faites confiance, croyez ce message». En effet « la foi vient de la prédication qui est l’annonce de la Parole du Christ » (Rom 10, 17)

Si beaucoup se détournent, certains, bouleversés, atteints au cœur, croient : ils se présentent à la communauté chrétienne et ils y sont admis en acceptant le baptême.

Ce rite est donc une décision personnelle comme le dira saint Pierre : «  Le baptême vous sauve maintenant : il n’est pas la purification des souillures du corps mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ; il vous sauve par la Résurrection de Jésus Christ » (1 Pi 3, 21).

Saint Paul, le converti qui a reçu le baptême, explique que le baptême est communion au mystère pascal de Jésus : « Baptisés en Jésus Christ, nous avons été baptisés dans sa mort….Nous avons été ensevelis avec lui afin que, comme le Christ est ressuscité, nous menions une vie nouvelle…Mettez-vous au service de Dieu. Le péché n’aura plus d’empire sur vous puisque vous n’êtes plus sous la loi mais sous la grâce » (Rom 6, 3…).

Le baptême n’est donc pas un coup d’éponge, une amélioration mais une nouvelle naissance, un changement radical de l’être. Il est don de soi-même au Christ vivant et en même temps intégration dans une communauté chrétienne. Celle-ci (la paroisse) se doit donc d’être une famille dont tous les membres forment le Corps du Christ : elle n’est pas une secte fermée sur elle-même mais une communion toujours ouverte, désireuse d’accueillir de nouveaux membres, fêtant leur entrée dans la joie, leur enseignant à vivre selon l’Evangile, et célébrant chaque semaine Jésus Ressuscité qui se donne à tous ses frères comme Pain de Vie et Vin de l’Alliance.

Comme Jésus, le baptisé ne doit pas s’étonner d’être tenté, assailli de doutes. Ni de rencontrer incompréhension, scepticisme, critiques. Ni de connaître des chutes (seul Jésus a résisté)

Le régime de chrétienté s’effrite et disparaît. On ne naît pas chrétien : on le devient. Puissent les adultes qui, de plus en plus nombreux, demandent le baptême, revivifier nos communautés, renforcer notre assurance d’être, par grâce, des enfants de Dieu, et activer notre zèle missionnaire.