Epiphanie du Seigneur

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 4/01/14
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Depuis la nuit des temps, les étoiles ont fasciné le regard et le cœur des humains. Elles sont souvent le symbole de notre destin. Elles nous confrontent à notre avenir, que certains astrologues se plaisent à prédire… Depuis toujours —peu importe les raisons d’ailleurs— les étoiles ont eu une place privilégiée dans l'imaginaire des hommes…

Et chez beaucoup de nos contemporains, à des degrés divers, il y a comme un mage païen, qui sommeille, qui croit «à sa bonne étoile», qui éprouve ce besoin de sécurité, celle d'une présence céleste qui donnerait des réponses, et fournirait des certitudes : bref, un Dieu dans les étoiles, à lire comme un horoscope ! Un dieu sidérant en quelque sorte ! Sidérer vient du latin siderari et signifie subir l’influence des astres. Un dieu sidérant serait comme une énigme à déchiffrer, une bonne étoile qui offrirait des réponses à l’humain.

Etre sidéré par Dieu, comme on peut être sidéré par une personne, c’est ne voir, ou n’espérer en lui que de la lumière, de l’éclat, de la brillance..

Voilà la figure d’un Dieu qui pourrait certes nous rassurer, mais qui ne se trouve pas à contempler dans la crèche. Aujourd'hui, le Christ se donne au monde sans éclat, et devient l’étoile pour nos vies, dans une humanité assumée, dans une humanité désirée.

Voilà le chemin risqué qu’ont emprunté les mages ! Ils ont su quitter la ‘sidération’ d’un Dieu qui se lit dans les étoiles pour découvrir un autre visage de Dieu, en creusant, en eux, leur désir de Dieu.

Désirer —de-siderare— c’est justement quitter les étoiles, avoir les pieds sur terre. Quitter la fascination, qui est toujours un refus de la distance, pour découvrir le vrai désir, qui accepte que l’autre nous échappe. Désirer quelqu’un, c’est tout l’inverse de vouloir se l’approprier. C’est le vouloir comme autre, comme sujet, comme une personne qui nous échappe.
Désirer Dieu, c’est également accepter qu’il nous échappe. Désirer Dieu, c’est accepté d’être amené dans des endroits insoupçonnés et inattendus. Et tel est bien le chemin du vrai désir : quitter l’idéalisation, ne pas voir l’autre comme une étoile à imiter, mais se nourrir de la différence. Accepter l’autre tel qu’il est et pas tel que nous voulons qu’il soit. Le chemin des mages quitte donc la sidération d’un dieu énigme, pour nous révéler un dieu qui se laisse découvrir dans le mystère de l’humain…

Le chemin est vrai pour Dieu, comme il est vrai dans nos rencontres.
La rencontre en vérité est toujours un chemin qui accueille la différence et accepte de se laisser dérouter. C’est le chemin de ceux qui viennent du pays de la sagesse. C’est une quête qui part de ce que nous sommes —de nos superstitions peut-être, de nos rites un peu païens même, peu importe— mais qui ose aller au-delà, une quête qui veut creuser ce désir de rencontre,
cette ouverture à d’autres cultures, d’autres horizons, cette ouverture à l’autre tel qu’il se donne, tout simplement.
Désirer l’autre, quel qu’il soit, c’est le désirer comme autre. L’autre ne nous confronte pas à nos manques, mais nous révèle ce que nous avons, ce que nous pouvons donner.

Désirer l’autre, ne pas être dans la sidération, la fascination, c’est se réjouir de ce qu’il est, c’est voir ce qu’il peut toujours offrir ! Ce n’est pas voir en l’autre une menace ou en faire une étoile, une star, un concurrent. Dans ce cas, la violence n’est jamais loin ! Et c’est d’ailleurs ce que nous raconte l’histoire d’Hérode. Confronté au désir des mages de rencontrer leur roi, Hérode sent monter secrètement en lui le désir de s’approprier l’objet du désir de l’autre et de le détruire !

Tout autre est le chemin des mages proposé par l’Evangile. Ils ont été capables de quitter leurs images, leurs idéaux pour transformer leur désir. Ils ont été capables de cette transformation intérieure parce qu’ils avaient au fond d’eux ce désir de Dieu, ce désir de l’autre, cette capacité d’être transformé par une rencontre.

Alors, en ce début d’année, prenons ce chemin des mages, laissons-nous surprendre par la nouveauté d’une histoire inattendue. Faisons l’exercice ! Quels sont nos rêves, nos superstitions qui nous empêchent d’avancer ?
Quels sont ces inaccessibles étoiles qui nous éloignent de ce que nous sommes réellement ? Lorsque l’étoile s’arrête, lorsque nous avons l’impression de stagner, la crèche nous ouvre toujours un nouveau chemin d’enfantement et d’intériorité. Car Dieu réside dans notre humanité. Il y a désormais toutes ces étoiles intérieures à suivre dans nos rencontres,
pour découvrir dans chacun et chacune d’entre nous
un Dieu résidant dans notre humanité,
un Dieu désirant cette humanité. Amen.