Baptême du Seigneur, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Auriez-vous baptisé Jésus ? Toute la question est là ! Il n'a pas besoin du baptême d'eau de Jean. C'est nous qui avons besoin du baptême d'Esprit. Accepter d'inverser les rôles, c'est déjà tout fausser. Ce qui est mal parti finira mal. Cherchons à en mesurer les conséquences, pour Jésus et pour nous qui suivons son chemin.

Jésus ne se moque-t-il pas de nous ? Nous attendons un Messie, un leader, un chef et voici qu'il incline sa tête pour se laisser baptiser. Nous attendons un initiateur et il se laisse initier. Nous attendons le règne de Dieu et non pas son abdication. Jean Baptiste aurait dû dire non et préciser le cahier des charges. « Ne descends pas dans l'eau, ne te salis pas dans cette boue, ne te mêle pas à la foule, prends-en la tête, emmène-les ailleurs. » Nous n'avons pas besoin d'un pauvre de plus, un pécheur de plus, une victime de plus. Autrement dit : « Descends de la croix et nous croirons en toi ! »

Si, dès le début, nous ne comprenons pas la logique de Jésus, si nous ne voulons pas passer par là où il est passé, nous ne pouvons pas être ses disciples. Nous faisons obstacle. « Arrière Satan ! » dit-il un jour à Pierre. Dostoïevsky y revient dans la légende du grand inquisiteur : « Nous avons corrigé ton ½uvre ! » corrigé ou perverti ? La tentation est toujours là !

On a dit que le christianisme est « la religion de la sortie de la religion ». Cela finit par être vrai. Le plus étonnant est qu'il ait fallu si longtemps. Les résistances cléricales et religieuses, qui ne sont pas concentrées exclusivement parmi les ecclésiastiques, loin de là, ont réussi à freiner le mouvement. Tant que l'Eglise était puissante, le Christ était redouté. Mais au bout de vingt siècles, les choses ont décanté et la liberté de Jésus à l'égard des procédures et des hiérarchies devient de plus en plus évidente. La religion, dans le christianisme, est-elle comme le sucre qui enrobe les médicaments ? Le principe actif diffuse lentement et la mondialisation nous montre mieux l'originalité discrète des valeurs chrétiennes. Nous considérons comme acquits les droits de l'homme, la liberté d'expression, la démocratie mais cela va-t-il de soi en d'autres univers culturels ? La culture européenne a été profondément influencée par l'Evangile. Comment évoluera-t-elle maintenant ? Pourra-t-on éteindre le feu que Jésus est venu allumer ? La question est posée.

Certains aimeraient en rester au sucre. L'Evangile proclamé en latin, les chants et le décorum, l'encens et les ors, masquent l'âpreté de la Parole. Mais quand l'Evangile est traduit et vécu simplement, alors les masques tombent. Ce n'est plus de l'esthétique mais un choix crucial qui nous est proposé. Lequel ? Nous le voyons chez Jésus de Nazareth dans sa curieuse manie de renverser les priorités. Je vous invite à les analyser.

Jésus a une manière bien à lui de tout mettre sens dessus dessous, le ciel sur la terre et la terre au ciel. L'Evangile nous dit aujourd'hui que les cieux s'ouvrent. La présence de Dieu se manifeste où l'on ne s'y attend pas.

Jésus veut se faire baptiser par Jean comme tout le monde plutôt que prendre ce que nous pensons être sa place pour baptiser lui-même. Cette submersion est une subversion, elle n'est pas une soumission. Elle est une plongée dans la condition humaine commune et ordinaire y compris au plan spirituel. Jésus se met au rang des pécheurs. Il s'assied à leur table pour partager leur repas. Les pharisiens sont scandalisés mais c'est ainsi que Matthieu est appelé, Zachée et bien d'autres avec eux. Il y a une place pour tout le monde ! Les saints se recrutent parmi les pécheurs. Prostituées et publicains sont premiers dans le Royaume des Cieux. Le Fils de l'Homme est venu pour les malades et non pas pour les bien-portants. La logique de Jésus n'est pas celle de la quantité : un vaut plus que cent. Sa priorité, ce sont les faibles et ceux qui n'ont pas d'avenir « il est venu pour ceux qui sont perdus ». Le règlement est fait pour l'homme et non pas l'homme pour le règlement. Lui qui est Juif, il demande à boire à une Samaritaine, de l'eau de sa cruche, impure selon sa Loi, mais c'est pour faire jaillir en elle l'eau vive, à la source de son c½ur.

Tout est vraiment renversé. Un pécheur qui se convertit provoque plus de joie qu'une multitude de pratiquants. Les premiers sont derniers et les derniers, premiers. Qui veut être grand doit se faire petit. Quand les disciples se demandent lequel d'entre eux détient l'autorité, il leur montre un enfant. Il est le maître et lave les pieds. Il vient pour que les aveugles voient et que ceux qui prétendent voir soient aveuglés. Le ciel nous tombe sur la tête ! Tout est mis sens dessus dessous !