Toutes les enquêtes sur la vie de l'Eglise en Europe occidentale confirment la baisse des chiffres de la pratique religieuse. De plus en plus de parents ne demandent plus le baptême de leur nouveau-né : " Il choisira lui-même quand il sera grand" disent-ils. Faut-il s'alarmer de cette évolution ? Non, car si dans notre société sécularisée, la croyance religieuse ne va plus de soi et ne se transmet plus de façon héréditaire et sociologique, par contre de plus en plus d'adultes initient une recherche personnelle de Dieu et entament une longue période de catéchuménat afin de pouvoir entrer dans l'Eglise par le baptême. La fête du baptême du Christ nous incite à réfléchir à ce fondement essentiel de notre vie chrétienne.
LE BAPTEME DE JEAN
Depuis des siècles, Israël souffrait de l'occupation par des nations païennes et Dieu se taisait. Or tout à coup surgit un jeune prophète, JEAN, qui s'installe à un endroit clef du territoire : sur la rive orientale du fleuve Jourdain, à la frontière. Il presse les gens de se convertir d'urgence car Dieu, clame-t-il, va venir instaurer son Règne. Certains confessent leurs péchés et se font baptiser dans le fleuve. Mais Jean, conscient de son impuissance, promet l'arrivée d'un autre, plus grand que lui, qui baptisera dans l'Esprit Saint et le feu ! Un jour, parmi les candidats, un homme de même apparence que les autres, se présente.
Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui. Jean voulait l'en empêcher et disait : " C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi !???". Mais Jésus lui répondit : " Pour le moment, laisse-moi faire : c'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste". Alors Jean le laisse faire.
Quel paradoxe : celui devant qui Jean était prêt à s'agenouiller accepte humblement de se faire baptiser par lui ! C'est le contraire qui devrait se produire ! Mais il le faut, c'est "juste" : c'est-à-dire c'est ainsi précisément que doit s'accomplir le projet de Dieu. Jésus est partie intégrante de l'humanité, il est membre d'un peuple pécheur, il vit à fond cette solidarité et, comme les autres, il accepte de se dévêtir, de descendre dans l'eau en signe de purification.
LE BAPTEME DE JESUS
Mais immédiatement c'est le choc : Dieu l'interpelle
Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau : voici que les cieux s'ouvrirent et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux une voix disait : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé : en lui j'ai mis tout mon amour".
L'antiquité imaginait le ciel comme une voûte solide au-dessus de laquelle se trouvait la sphère de Dieu, inaccessible car, depuis toujours, à cause de nos péchés, le ciel était fermé et personne ne pouvait accéder à l'intimité divine. Avec Jésus, la porte s'ouvre : la communication avec Dieu redevient possible.
St Marc précisait que Jésus faisait une expérience privée (Dieu lui disait : "TU es mon fils..."), St Matthieu, lui, modifie : " Celui-ci est..." sans doute pour que chaque chrétien baptisé prenne conscience qu'il ne lit pas le récit d'un fait passé mais qu'il participe d'une certaine manière à cette même révélation de son être et de sa mission.
1) L' Esprit, la Puissance de Dieu descend sur lui, l'investit tout entier dans un mouvement analogue à celui d'une colombe.
Dans le récit de la création, on disait que le Souffle de Dieu "planait" sur le chaos pour y susciter la vie. Le baptême est donc perçu comme une re-création. Dieu ne change pas l'être humain ni ne l'améliore : il le RE-FAIT. Le baptême est une NOUVELLE NAISSANCE.
La colombe rappelle aussi celle qui, un brin d'olivier au bec, était venue annoncer à Noé la fin du cataclysme du déluge. Ainsi l'eau du baptême noie tout le mal en nous et nous apporte la Bonne Nouvelle de l'Alliance : dans "l'arche de l'Eglise", nous sommes sauvés.
2) Et le Père dit à Jésus (puis à chacun de nous) trois paroles d'une importance capitale :
"Celui-ci est mon Fils..." : par ces mots du psaume 2 , Dieu confère à Jésus son investiture royale. Descendant de David, il devient effectivement ROI du monde.
"...Fils bien-aimé" : dans la bible, cette qualification est donnée à Isaac lorsque son père Abraham, croyant plaire à Dieu, l'emmène pour un sacrifice que Dieu évidemment refuse. Jésus est donc le nouvel Isaac qui sera envoyé au supplice non certes par son Père mais par les hommes qui le haïssent. Il est "chéri" de Dieu parce qu'il fait de sa mort un don d'amour aux hommes. Le baptisé doit donc s'attendre à être contesté, méjugé, persécuté.
"En lui j'ai mis mon amour" : c'est ce que disait Dieu jadis en promettant la venue de quelqu'un qui allait le servir avec le maximum de perfection : ce "Serviteur de Dieu" serait rempli d'Esprit, humble, non-violent, apportant la paix au monde entier mais agneau broyé par la souffrance, il se ferait sacrifice pour le pardon de l'humanité (cf Isaïe 42, 1 ; 49, 1.6 ; 53, 7.10...)
La désignation de Jésus est donc prégnante d'une extrême signification : infiniment supérieur à Jean-Baptiste et à tous les prophètes, il est LE FILS, celui qui sert Dieu avec une fidélité absolue ; Il sera condamné à mort, il souffrira horriblement mais il apportera ainsi le pardon, le salut, la Vie non seulement à Israël mais à tous les peuples - ce que Jean-Baptiste était bien incapable de donner.
LE BAPTEME DU CHRETIEN
Depuis ses débuts, l'Eglise a demandé aux hommes de passer par le baptême. A la Pentecôte, St Pierre proclame la Bonne Nouvelle et il exhorte : " Convertissez-vous ; que chacun de vous reçoive le baptême au NOM DE JESUS CHRIST pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint Esprit" ( Actes des Apôtres 2, 37). Le baptême n'est pas une bénédiction de bébé : il est l'appel de Dieu qui nous comble de son Esprit, nous re-crée en ses enfants bien-aimés, nous pousse à donner notre vie pour nos frères afin que le Règne de Dieu s'étende à toutes les nations de la terre. Nouvelle naissance, vocation royale, intégration dans le Corps du Christ, sacrifice d'amour pour la paix, constitution du peuple de Dieu : jamais nous ne pourrons épuiser les richesses de ce sacrement. Ce n'est pas la morale qui nous sauve mais la foi au Christ manifestée et conclue dans notre baptême.