Commémoration des défunts : le 2 novembre 2008
Il était une fois, une pauvre petite fille qui marchait pieds nus dans la rue un jour où il faisait effroyablement froid. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes. Mais, par cet affreux temps, personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait pitié. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue. Harassée, elle s'assied et se blottit dans une encoignure entre deux maisons, tirant à elle ses petits pieds ; mais elle grelotte et frissonne. Elle n'ose rentrer chez elle car elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait. Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts ? C'est ce qu'elle fit. Il lui sembla tout à coup qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement : le poêle disparut, et l'enfant restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé. Elle frotta une seconde allumette : elle vit une table couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes et puis plus rien : la flamme s'était également éteinte. L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un splendide arbre de Noël. Sur ses branches, brillaient mille bougies de couleurs et l'allumette s'éteint une fois encore. L'arbre semble alors monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles : il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre. « Voilà quelqu'un qui va mourir » se dit la petite. Sa vieille grand-mère, décédée il y a peu, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette : une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère. Grand-mère, s'écria-t-elle, emmène-moi. Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir sa bonne grand-mère le plus longtemps possible. Le lendemain matin, des passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite ; elle semblait sourire alors qu'elle était morte de froid et tenait dans sa petite main les restes brûlés d'un paquet d'allumettes. En fait, durant cette nuit-là, lorsque la dernière allumette s'est éteinte, la grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin : c'était devant le trône de Dieu. Lorsque nous aussi nous sommes confrontés à l'expérience de la mort d'un être aimé, nous sommes un peu comme ces passants du conte d'Andersen. Nous restons sur cette terre. Nous ne savons rien de ce qu'il est advenu de la personne qui nous a quittée. Il nous reste alors l'espérance qu'elle est partie elle aussi se tenir devant le trône de Dieu. Notre foi en Jésus Christ ressuscité nous permet ainsi de croire que la mort n'est qu'une instant, que nous la traversons. Nous passons de la vie à la vie éternelle, c'est-à-dire la vie en présence de Dieu. Par sa mort et sa résurrection, le Fils de Dieu a fait de chacune et chacun de nous des êtres résurrectionnels, des êtres appelés à partager dans la foi cette nouvelle dimension de notre existence où la mort est à jamais vaincue et où la Vie aura toujours le dernier mot. Toutefois, nous dit le Christ ce matin, nous ne pouvons nous contenter de cette espérance. Nous sommes invités à rester en tenue de service. La vie terrestre n'est pas une simple salle d'attente en vue d'une entrée dans la vie éternelle. Non la vie terrestre est déjà le temps du Royaume des Cieux. Nous sommes le Ciel de la Terre. Nous sommes les mains de Dieu sur notre terre. Etre en tenue de service, c'est accepter de vivre sa vie pétri de l'évangile. Le Père nous appelle à une vie tournée non seulement vers Lui mais également vers celles et ceux de qui nous nous faisons proches. Il nous demande une vie de service, c'est-à-dire une vie offerte à la tendresse et à l'amour d'amitié partout où nous passons. La mort devient ainsi une invitation permanente à vivre pleinement sa vie. Oui, toutes et tous, nous sommes mortels mais également résurrectionnels, appelés à la vie divine. Cette dernière commence dès maintenant. Soyons ces serviteurs, soutenus par le souffle de l'Esprit-Saint, et efforçons-nous d'être de véritables semeurs d'espérance partout où nous sommes, confiants en ce Dieu qui nous accueillera toutes et tous dans la plénitude de son amour comme il l'a déjà fait avec tous ceux et celles que nous avons aimés et qui vivent dès à présent par-delà la vie éternelle. Que cette espérance nourrisse notre prière ainsi que le souvenir de toutes ces personnes que nous avons aimées et qui font la richesse de ce que nous sommes devenus aujourd'hui. Oui, nos morts sont devenus les grands vivants de notre c½ur puisqu'ils vivent éternellement en Dieu.
Amen