Comme à l'habitude, elles se retrouvaient chaque semaine soit chez l'une, soit chez l'autre et elles discutaient de tout et de rien. Elles étaient amies de longue date. Ce jour-là, la première demanda à l'autre si elle avait enfin décidé et pris ses dispositions. Oui, répondit la seconde, finalement j'ai pris contact avec qui de droit et je leur ai fait savoir que je voulais non seulement être incinérée mais également que mes cendres soient répandues sur le parking du supermarché. Sur le parking du supermarché, s'étonna la première. « Oui, oui, tu as bien entendu, sur le parking du supermarché, comme cela, je suis sûre que mes enfants viendront me rendre visite chaque semaine ». Cette histoire m'a été inspirée suite à une remarque de quelqu'un, qui s'étonnant que le mot « tombeau » apparaissait si souvent dans le récit de l'évangile entendu, sept fois, s'enquit d'aller voir la version originale du texte. En grec, le mot « tombeau » a la même racine que celui de « mémoire ». Il y a bien un lien entre ces deux termes. Le tombeau est par excellence le lieu du mémorial, c'est-à-dire un endroit précis rappelant les personnes qui ne sont plus là. Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont créé de tels lieux afin de mieux se souvenir du temps passé. Ils y viennent et reviennent pour se rappeler non seulement des personnes mais également des événements que ces derniers ont traversés. Des risques existent toutefois : celui de ne rencontrer autrement la personne disparue que dans un tel endroit ou encore celui de s'enfermer dans la nostalgie du moment dépassé à jamais. Dieu le Père n'a sans doute pas souhaité cela pour son humanité. Il ne veut pas que nous regardions en arrière comme si le passage de son Fils n'était qu'un événement historique qui pourrait s'enfermer dans un lieu précis à absolument aller visiter. Non, aujourd'hui, nous nous trouvons encore et toujours face à un tombeau ouvert. La pierre a été enlevée et le monde a basculé. Rien ne sera plus jamais comme avant. Le tombeau est ouvert sur un avenir et sur un ailleurs. Par l'événement de la Résurrection, deux dynamiques s'ouvrent à chacune et chacun de nous. Le tombeau du Christ est d'abord ouvert sur un avenir. Il est vrai que parfois nous nous sentons prisonniers de nos histoires blessées, d'enfermements douloureux, de traversées de souffrance et d'incompréhension face au mystère de la maladie et de son injustice. Jésus vient nous libérer de ces différentes entraves pour que nous puissions apprendre à marcher autrement sur le chemin de la vie. Il attend que nous soyons des hommes et des femmes debout dans ce lieu merveilleux qui est notre c½ur. Sa Résurrection nous ouvre à l'avenir. Ne nous enfermons pas dans une désespérance quoiqu'il puisse nous arriver, Dieu le Fils continue de marcher à nos côtés par le biais de celles et ceux qui se font proches de nous. Il nous délivre de notre passé pour nous faire entrer dans la dimension d'un lendemain à conquérir par les armes de l'amour et de la tendresse. Mais son tombeau est également ouvert sur un ailleurs. Il n'y a pas de mot qui puisse décrire avec précision l'événement de la Résurrection. Nous sommes face à un mystère et nous y entrons en le vivant. Ce mystère éclate dans un profond silence qui ne peut se comprendre qu'en Dieu et notre foi nous convie à l'appréhender à partir de nos propres expériences respectives. Ce tombeau ouvert sur un ailleurs est signe de la mort de la mort. Par la Résurrection du Christ, la mort est morte. Oh, nous en ferons toutes et tous l'expérience mais dans la foi elle n'a plus le dernier mot, elle sera juste un instant où nous passerons de la vie à la vie éternelle. Par cet événement, nous entrons dans une nouvelle dimension de l'histoire de l'humanité. Nous étions des êtres créationnels dans le Père, nous devenons des êtres résurrectionnels dans le Fils. Dès à présent nous participons à notre propre résurrection. Oui, heureux sommes-nous de nous trouver face à un tombeau ouvert : ouvert sur notre avenir et ouvert sur un ailleurs. Chacune et chacun, nous sommes le mémorial vivant de Dieu. Plus rien ne peut nous arrêter. Nos enfermements ont été à jamais libérés. Dieu nous ouvre la voie de la vie. La résurrection n'est pas pour demain. Elle commence dès aujourd'hui, ici sur notre terre. Vivons alors en êtres résurrectionnels, c'est-à-dire en homme et en femme tournés vers l'avenir avec cette conviction intime que par le Fils et dans l'Esprit nous sommes devenus des êtres d'éternité.
Amen