Et si cette histoire nous arrivait aujourd'hui. Imaginez-vous un instant au bord d'une rivière. Et voilà qu'au moment où un homme sort de l'eau, des cieux vous entendiez une voix proclamant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toute ma confiance. Diverses réactions sont possibles : la peur d'abord, ensuite certains chercheraient à trouver la supercherie, le truc, les haut-parleurs, (un de ceux qui a préparé cette célébration entrerait dans l'eau pour que cela lui arrive aussi (il avait oublié que Jésus était Fils unique)), ou encore la fuite face à un tel mystère. Après l'étonnement, certains d'entre nous accepteront peut-être une telle déclaration en provenance des cieux. Honnêtement, je dois reconnaître que je ne ferais sans doute pas partie de leur groupe ; mon scepticisme étant bien accroché. Peur, suspicion, doute, sentiments qui nous traverseraient face à un tel événement aujourd'hui alors que, lorsque nous lisons le texte de l'évangile que nous venons d'entendre, nous le recevons sans trop de difficulté. Cela s'est passé de la sorte et puis voilà. C'est merveilleux, c'est également énigmatique mais c'est tout à fait possible puisque Dieu est Dieu. Hésitation si aujourd'hui ; conviction parce que cela s'est produit hier. Pourquoi une telle différence ? Sans doute, pouvons-nous affirmer : la foi se reçoit par révélation, elle se vit et se confirme par la contagion. Permettez-moi de reprendre cette dernière phrase. La foi se reçoit par révélation, elle se vit et se confirme par la contagion. D'abord, la foi se reçoit par révélation. Comme Jésus, nous aussi, lors de notre baptême, et ce quelle soit notre confession chrétienne, nous avons reçu l'Esprit de Dieu. Cet Esprit, dans sa discrétion et son silence, depuis cet instant, croyons-nous, nous façonne et nous construit. C'est cet Esprit qui nous fait croire que tout cela s'est réellement passé comme l'évangéliste nous le rapporte. Par Lui, nous lisons le baptême de Jésus avec les yeux des croyants. C'est une croyance, une espérance et non une certitude. La foi ne peut pas se prouver. Par le baptême nous entrons dans une dynamique de vie, dans une dynamique divine. L'Esprit de Dieu, reçu au baptême, nous pousse et nous conduit à aller à la rencontre du Fils Jésus. Et ce dernier, nous ramène toujours au Père. Il ne se complaît pas dans sa divinité, il invite à ce retour incessant vers le Père. Jésus, Fils de Dieu, né dans une crèche, reconnu comme tel par des bergers et des mages et puis oublié des siens pendant une trentaine d'années. Il est maintenant à même de commencer sa mission , celle qui nous ouvre une voie de salut, un chemin de bonheur. Mais pour mener à bien une telle tâche, il fallait qu'il se donne et se découvre comme Fils de Dieu. Jésus n'avait pas besoin du baptême de Jean comme tel. Son baptême était important parce qu'il était lieu de révélation, d'une autre forme d'épiphanie. Et pourtant, souvent, notre foi ne peut se contenter de la révélation. Pour se vivre, se confirmer et grandir, elle a besoin de contagion. Notre foi n'est pas seulement lieu d'une relation privilégiée et personnelle entre soi et le divin. Elle se nourrit également de la rencontre avec celles et ceux qui nous entourent. Notre foi doit être contagieuse au point d'en devenir l'une des plus grandes et merveilleuses épidémies de l'humanité. Dieu attend de nous des êtres en chemin et heureux de vivre parce qu'ils trouvent au plus profond d'eux-mêmes les échos de leur raison d'être. Notre foi ne peut s'emprisonner, elle nous a été donnée comme un flambeau à passer, à partager. C'est la manière dont nous la vivons, c'est le bonheur que nous en retirons qui nous rend crédible et qui nous permet de devenir contagieux les uns pour les autres. C'est tout simplement cela inviter l'autre à entrer dans l'eau. Dans la foi, la contagion n'est pas un mal, mais une nécessité. Ne craignons pas de contaminer celles et ceux que nous croisons sur nos chemins. Si la foi nous fait vivre et nous rend heureux, notre contagion sera douce et agréable. Révélation et contagion, deux dynamiques de notre baptême. L'une nous est donnée, l'autre, nous en sommes responsables. Par la contagion, la foi n'est pas un symptôme mais un syndrome de bonheur. Ne l'oublions jamais. Amen.
Baptême du Seigneur, année A
- Auteur: Cochinaux Philippe
- Temps liturgique: Temps de Noël
- Année liturgique : A
- Année: 1998-1999