Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1998-1999

Jn 20, 1-9

Jésus Fils de Dieu, mais quel Fils exemplaire ? Sans que son Père céleste ne le lui demande, il range sa « chambre tombale » : la pierre est roulée, les bandelettes et le linceul sont pliés et mis à leur place. Voilà le Fils rêvé que tant de parents auraient aimé avoir, je crois. Tout est en ordre, tout semble clair et pourtant un seul verra et croira. Je nous propose de nous arrêter un instant sur le rôle de Jean. De nous arrêter et de nous reposer.

En effet, l'évangile de ce soir est un évangile fatigant, épuisant, surtout en cette fin de week-end. Ils n'arrêtent pas de courir : d'abord Marie-Madeleine, ensuite Pierre et Jean. Je suis déjà essoufflé à leur place rien qu'en lisant cet épisode. Jean, plus jeune, arrive le premier, c'est vrai mais il n'entre pas. Pierre le suit, entre directement dans le tombeau et ne comprend pas. Comment aurait-il pu d'ailleurs.

Pour comprendre la résurrection, pour saisir un tel mystère, tout comme Jean, il faut s'arrêter. Il faut prendre le temps. Un peu comme si cette histoire d'il y a bientôt deux mille était encore et toujours notre histoire aujourd'hui. Nous aussi nous n'arrêtons pas de courir, nous sommes pris tout le temps au risque de nous faire dépasser tant par les événements que par nous-mêmes. Tout va tellement vite, que je n'ai même pas vu le Carême passé, nous confiais l'un de ceux qui a préparé cette célébration. C'est dingue, alors que le Carême était cette occasion qui nous avait été donnée pour revenir à l'essentiel, pour reprendre un peu de temps pour vivre du bonheur, voilà que, pour certains d'entre nous, nous sommes passés à côté. Heureusement, il n'y a pas lieu d'attendre un an, cette quête, cette conquête de l'essentiel, nous pouvons la vivre à chaque instant de notre vie. Mais pour se faire, il faut être capable de s'arrêter. Or de cela, nous en avons parfois peur. Pourquoi ? Peur de croire que nous ne pourrons pas tout faire. Peur peut-être de découvrir le non sens d'un ensemble de choses que nous faisons, comme si je prenais le risque de prendre conscience que je ne fais pas grand chose de ma vie, que je la gaspille. Peur aussi d'être face à nous-mêmes et de se poser les vraies questions. Etre capable de s'arrêter, c'est donc sans doute oser être confronté avec soi-même pour pouvoir contempler ce que nous sommes et ce qui nous fait vivre. Mais comme le fait remarquer l'évangile de ce soir, cela n'est pas suffisant. C'est tout simplement la première partie de la démarche. Pour comprendre, pour tenter de saisir une partie du mystère de la résurrection, de la vie, il faut d'abord s'arrêter, faire le vide.

Vient ensuite une seconde étape, sans doute la plus essentielle, celle du désir de comprendre. Ma démarche n'est pas seulement intellectuelle, elle prend sa source dans le désir. Il faut d'abord désirer comprendre avant de comprendre. Si je veux être à même de réaliser un exercice de maths, de physique ou pire encore de chimie, il faut que naisse en moi d'abord le désir de le faire. Tant que le désir n'y est pas, je n'y arriverai pas et je ne comprendrai pas. Tant pour les maths, le physique ou la chimie, il n'y a pour le moment aucun danger pour que ce désir soit en moi, soyez rassurés. A partir de cet exemple, je crois pouvoir affirmer que pour désirer comprendre, il faut d'abord désirer. Ce qui nous fait continuer, ce qui nous fait avancer, ce qui permet à Jean de comprendre le mystère du tombeau vide, c'est le désir, c'est-à-dire l'amour. Après s'être arrêté, après avoir laissé Pierre entrer le premier, Jean trouve en lui la source du sens, le fondement de l'essentiel. C'est au coeur de son propre coeur qu'il trouve l'amour nécessaire pour entrer dans cette dynamique du chemin de foi qui lui permet soudainement de comprendre ce qui le dépasse totalement. Ce que Jean nous fait découvrir ce soir c'est que même notre raison doit être guidée par les sentiments de l'amour pour que nous puissions saisir ce qui donne sens à notre vie. Sans amour, nous ne sommes que des cymbales retentissantes, chante saint Paul dans son hymne. Il nous faut une dose d'amour pour comprendre la résurrection, il nous faut toujours autant cette dose pour continuer à vivre du Ressuscité. Cet amour se vit en nous, ainsi qu'au coeur des relations que nous avons les uns avec les autres, ainsi qu'avec le Tout-Autre. Prenons alors le temps de nous arrêter, de nous arrêter pour aimer.

Amen.