PLONGER LE C¼UR LE PREMIER
A part la fugue de Jésus au temple vers ses 12 ans, rien n'est dit de son temps d'enfance puis de jeunesse. Les temps sont très durs, la puissance romaine est impitoyable et les taxes très lourdes. Joseph apprend à Jésus son métier, il l'emmène peut-être au loin pour travailler sur un grand chantier, comme la ville de Sepphoris en reconstruction. Il constate les avancées de la civilisation païenne même en Israël. La vie est rythmée par le shabbat où tout le village refait ses forces spirituelles. A la synagogue, le peuple chante les vieux psaumes, écoute les lectures du Grand Livre. Trois fois par an, on monte à Jérusalem pour les grandes célébrations où se renforce la cohésion nationale et où brûle le feu de l'espérance car les Prophètes l'ont promis : un jour, viendra le Messie, le Roi « oint » par Dieu qui libérera Israël du joug étranger et instaurera une société de justice et de paix. Impatients, déçus de ne voir rien venir, certains jeunes gens s'engagent derrière un révolutionnaire: toutes les tentatives échouent dans un bain de sang. Un événement très douloureux, dont on ne parle pas, a dû un jour survenir dans la petite famille : le décès de Joseph. Seul dans l'établi, Jésus doit travailler dur pour soutenir sa maman.
A la fin du temps de Noël, il n'est pas vain d'évoquer aujourd'hui ces « années obscures », ce long temps ordinaire où rien ne distingue la vie de Jésus de celle des voisins sauf sans doute la profondeur de ses réflexions et de sa prière. Il vit comme un pauvre, étudie les Ecritures d'Israël, suit la liturgie, s'applique à observer tous les commandements. Que veut Dieu ? Jésus attend son heure.
Nous pensons à nos jeunes qui vivent aujourd'hui dans un tout autre monde : comment les garder dans une ambiance parfois si corrompue, avec cette fièvre acheteuse, cette dictature des modes ? Comment les aider à découvrir l'Evangile ? à grandir dans la foi, à reconnaître la pauvre Eglise tournée en dérision ? Comment les encourager alors qu'ils n'entendent que « sida, chômage des jeunes, guerres, destruction de la planète, drogues et alcools » ? Il est capital qu'ils rencontrent des vrais baptisés !
JESUS CANDIDAT AU BAPTEME DE JEAN
Nazareth, an 28 de notre calendrier. Jésus doit avoir environ 33 ans. Une rumeur se répand : un prophète est apparu là-bas en Judée, il s'appelle Johanan (Jean) et il exhorte à se préparer d'urgence. Jésus fait son petit baluchon, embrasse sa mère (« A bientôt, maman ! ») et il s'en va pour une longue route à pied. Le sait-il ? Sa vie va basculer.
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : « Convertissez-vous : le Règne de Dieu s'est approché ! »....Jérusalem, toute la Judée se rendaient près de lui : ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés (................). Alors Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain, et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui. Jean voulait l'en empêcher et disait : « C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi !? ». Mais Jésus lui répondit : « Pour le moment, laisse-moi faire ; c'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste. » Alors Jean le laisse faire.
Annoncer la venue du Royaume de Dieu : quoi de plus attirant ? Des groupes ne cessent de répondre à l'appel de cet ascète qui, comme l'évangile de Jean le précise, s'est installé sur la rive orientale du fleuve Jourdain (ce que l'archéologie confirme). Les pèlerins sont donc obligés de passer d'abord le gué, de sortir de la terre d'Israël, pour rejoindre Jean sur l'autre rive, là où jadis les Hébreux sortis d'Egypte sont arrivés et où Moïse est mort. Jean semble donc faire entendre que la première entrée en terre promise par les ancêtres n'a guère réussi et que le véritable, le seul problème, n'est pas de changer de pays mais de SE CONVERTIR. Le Royaume de Dieu n'est pas de ce côté-ci ni de l'autre mais on y entre en changeant d'esprit et de conduite. D'ailleurs on ne décide pas cet acte de soi-même : il faut rejoindre Jean et c'est lui qui baptise, qui plonge les candidats dans l'eau. Le baptême est donc une « pâque », un passage, une option en vue d'un changement de vie.
Jésus s'installe près de Jean, écoute ses prédications et enfin lui demande le passage. Jean qui sait que Jésus est l'autre « plus fort que lui et qui viendra baptiser dans l'Esprit », s'effraie et refuse : « C'est toi qui devrais me baptiser !! » Mais Jésus l'assure : à la suite du peuple, il doit passer par ce geste pour « s'ajuster » à la Volonté de son Père.
LE BAPTEME DE JESUS
Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau ; voici que les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour. »
Jésus est descendu dans l'eau, en s'engageant de tout son âme et, en remontant, il fait une expérience bouleversante : il est investi par la puissance de l'Esprit de Dieu qui se pose sur lui comme la colombe qui, à la fin du déluge, apportait le rameau de la paix. Et il perçoit la voix de son Père. Jadis Dieu avait appelé Israël « mon fils premier-né » sorti d'Egypte (Ex 4, 22) : maintenant ce Fils n'est plus une nation mais un homme qui est comblé de la plénitude de l'Amour de son Père.
Le baptême, ce n'est pas savoir ce< que l'on doit faire : c'est se savoir toujours mieux aimé de Dieu. Qui doute de l'amour de Dieu restera enfermé dans son moi.
LE BAPTEME CHRETIEN
Le baptême de Jean-Baptiste est transfiguré et devient donc le baptême chrétien.
Tout de suite, au lendemain de la Pentecôte, Pierre annoncera le Christ ressuscité et aux foules demandant ce qu'il faut faire, il répondra : « Convertissez-vous : que chacun reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Ac 2, 38). L'Eglise reprend le rite initial : il s'agit d'une décision libre, la réponse à un appel.
Ce rite aura un sens infiniment plus profond que celui du Baptiste et saint Paul fera comprendre aux chrétiens leur suréminente dignité : « Nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés (plongés)....Nous avons été ensevelis afin que, comme le Christ est ressuscité, nous menions, nous aussi, une vie nouvelle » (Rom 6, 4).
Au pharisien Nicodème qui cherchait à gagner le ciel par l'observance de toutes les lois, Jésus dira : «Je te le dis, nul, s'il ne naît d'eau et d'Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jean 3, 3-5). Le baptême n'est pas une amélioration mais une création, une renaissance, un renouveau total de l'être.
Le baptême n'est pas un rite privé ni même familial : il est entrée dans l'Eglise qui est la communauté du Christ total, Jésus et ses membres. Tout baptisé doit être intégré dans la communauté chrétienne locale et il en a tous les droits et devoirs afin d'y exercer ses responsabilités.
Le baptême donne la Sainteté de Dieu, la dignité inaliénable de fils et fille de Dieu mais il ne confère pas la perfection : la vie en Christ oblige au combat incessant contre les forces du mal, elle n'évite pas toutes les chutes mais jamais le Père ne cessera de dire : « Tu es mon fils ». Le baptisé est remis debout et poursuit son chemin en toute confiance.
La coutume se répand de ne plus baptiser les nouveau-nés et de laisser à l'enfant la liberté de choix quand le temps viendra. Il importe donc que les parents témoignent de la vie chrétienne et sachent expliquer la grandeur de l'Evangile et la nécessité du baptême, que la paroisse aide à faire mûrir la décision, manifeste sa joie d'accueillir un nouveau membre, célèbre son baptême avec exultation, l'intègre en lui permettant de déployer ses talents, le soutienne sur sa route. Nous préparons-nous à cette ouverture ? Alors les convertis de demain apporteront un sang nouveau, secoueront nos apathies et nous aideront à être une communion de vie, une cellule du Corps du Christ, un peuple prophétique.
Baptême du Seigneur, année A
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps de Noël
- Année liturgique : A
- Année: 2013-2014