Epiphanie

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2013-2014

Eh  bien ! Où est-elle passée ? Où est-elle, cette étoile qui a ébloui les mages et les a poussés à la suivre jusqu'à Jérusalem ? Car, vous l'aurez constaté, le texte nous dit que les mages ont suivi l'étoile et qu'ils l'ont perdue à Jérusalem.  Comment cela peut-il être possible ? Ne me dites pas que c'est à cause de l'éclairage public.  A cette époque, cela n'existe pas.  Non, à mon avis, les mages ont perdu l'étoile parce que celle-ci était obscurcie par l'incroyance des habitants de cette ville.  
Reprenons les choses depuis le début.  Les mages, ce sont ces savants qui scrutaient le ciel en Mésopotamie.  Ce sont eux qui ont développé l'astronomie, c'est-à-dire l'observation des astres.  Ce sont eux aussi qui ont voulu établir un lien entre le cours des astres et le destin de chacun d'entre nous.  Et cette croyance reste bien vivante puisqu'aujourd'hui encore des hommes et des femmes ont recours à l'horoscope et aux prévisions tirées des conjonctions d'astres.  Et c'est donc à travers cette croyance que Dieu a manifesté sa présence.  Dieu se sert de nos petites obsessions, de nos petites manies pour nous parler.  Et c'est là sans doute le première leçon de cet Evangile : accepter ce que notre voisin, notre conjoint, notre confrère nous dit de Dieu, de la vie et des hommes, même si cela nous paraît totalement étranger.  Dieu parle à chacun d'entre nous dans sa propre langue.  Cela pourra être à travers les astres, ou la musique, ou les fleurs, ou même les grosses motos.  Acceptons que Dieu parle à chacun d'entre nous dans sa propre langue.  
Et surtout acceptons d'être réveillés par notre voisin, notre conjoint.  Car c'est bien ce de cela qu'il s'agit dans ce dialogue entre les mages et le roi Hérode.  Première incompréhension : les mages cherchent le roi des  Juifs.  Avouez que ce n'est pas très malin de leur part de poser cette question à Hérode lui-même roi des Juifs.  Et pourtant Hérode ne s'en offusque pas.  Il cherche aussitôt à savoir où naître le Messie.  Vous aurez remarqué le changement de titre.  Les mages cherchent le roi des Juifs.  Hérode cherche le Messie, c'est-à-dire celui qui sera consacré par Dieu pour être le sauveur.  Car Hérode sait bien que lui il n'est pas le sauveur.  Lui, il est peut-être roi, mais c'est de sa propre initiative.  Et ce n'est pas le salut du peuple qu'il recherche, mais son propre pouvoir, son propre confort.  Et c'est là toute la distance qui sépare les mages du roi Hérode.  Les mages ont tout quitté, leur famille, leurs amis, leur bureau, leur confort pour traverser le désert de Syrie, pour marcher à la suite d'une chimère, une étoile dans le ciel, une étoile parmi des centaines et des milliers.  Mais n'est-ce pas là souvent le départ des plus grandes aventures humaines.  On rencontre quelqu'un et on quitte tout pour le suivre, pour vivre avec lui.  C'est ce que Roméo a fait après avoir vu Juliette.  C'est ce que Pierre et Paul et tous les apôtres ont fait après avoir rencontré Jésus.  Oui, pour les mages comme pour les apôtres, Dieu n'est pas simplement quelqu'un de sympathique, c'est la source même de la vie, c'est la personne sans qui la vie n'a plus de sens.  Et c'est pour cela que les mages et les apôtres ont tout quitté, et c'est pour cela qu'Hérode ne pouvait pas comprendre la quête des mages.  Car Hérode est installé dans le confort de ses habitudes.  Dieu n'est plus que la justification de son pouvoir, la justification de son confort.      Et c'est là que se pose assez curieusement le sens de l'accueil.  Accueillir quelqu'un, ce n'est pas simplement lui permettre de vivre comme moi, indépendamment de sa culture, de ses convictions.  Accueillir quelqu'un, c'est lui permettre de m'apporter quelque chose de nouveau, de me déranger dans mes petites convictions.  Les mages auraient dû déranger Hérode et tous les scribes.   Mais Hérode a voulu sauvegarder son pouvoir et les scribes sont retournés à leurs vieux livres.  Et c'est cela sans doute la grande chance que nous avons dans notre église : d'accueillir des frères et des s½urs qui, comme nous, croient en Dieu, mais y croient autrement.  On se plaint souvent de vivre dans un monde sécularisé, mais notre foi, notre pratique religieuse n'est-elle pas elle-même sécularisée ? Dieu est-il pour nous la lumière qui éclaire notre vie et pour laquelle nous serions prêts à tout abandonner ou Dieu n'est-il plus rien d'autre qu'un éclairage d'appoint ?
Profitons de la présence d'hommes et de femmes qui viennent de loin et qui nous demandent où se trouve le vrai Dieu.  Alors nous aussi, comme les mages, nous partirons par un autre chemin.  Nous éviterons la Jérusalem de nos certitudes pour partir à la rencontre du Bien-aimé.