Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2013-2014

A LA RECHERCHE DE SIGNES VERS LA LUMIERE

Si déjà Noël et Pâques ont perdu leur caractéristique chrétienne, qu'en est-il de l'Epiphanie que nous fêtons ce jour ? Le moment où l'on dispose dans la crèche les personnages couronnés, où l'on envisage de jeter le sapin qui se déplume et de ranger les guirlandes, et surtout où l'on déguste le « gâteau des rois ». Mais plutôt que de tempêter contre la paganisation de notre société, redécouvrons l'enjeu majeur de cette fête de la mission et de l'accueil des païens.

LES SIGNES DU COSMOS

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
Ils n'étaient ni rois ni magiciens et ils ne s'appelaient pas Melchior, Gaspard et Eden Hasard. Ils étudiaient les mouvements des étoiles afin d'y percevoir les messages des dieux, dresser les horoscopes et prédire l'avenir. Profession lucrative puisque leur descendance prospère encore comme on le voit dans nos librairies en ce tournant de l'année : « que va-t-il survenir ? Serais-je heureux ? Quels chiffres jouer pour gagner au Lotto ?... »
Inutile de calculer pour savoir si l'étoile mystérieuse correspond au passage d'une comète et ainsi connaître l'année de l'événement. La nature fait signe,  chaque découverte, chaque lumière nouvelle ouvre à une recherche plus poussée. Nos mages acceptent d'arrêter leurs observations célestes pour se mettre en route, pour chercher le souverain qui pourrait guider l'humanité. Car le sens de la vie n'est pas donné dans les astres. Le grand livre de la nature renvoie vers un petit livre, les signes des étoiles renvoient aux signes des Ecritures juives.

LES SIGNES ECRITS DE LA BIBLE

En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
' Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ;
car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple '.
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui ». Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Les pyramides d'Egypte, le Parthénon d'Athènes, le Panthéon de Rome sont des signes des dieux et marquent des espaces sacrés. En Israël, la trace de Dieu n'est pas une construction, un monument mais un Livre qui dit l'essentiel : que Dieu est unique, que l'histoire a un sens et qu'elle ne peut être sauvée que par le Messie, celui que Dieu oint de la force de l'Esprit pour libérer les hommes de la prison du mal et les conduire à la lumière. La Bible est le livre de l'espérance des hommes.
Les mages parviennent à Jérusalem et questionnent les spécialistes des Ecritures. Effectivement un ancien mage païen, Balaam, avait jadis prédit (Nombres 24, 17) :
« Oracle de Balaam, l'homme à l'½il ouvert, celui qui écoute les paroles de Dieu.
Je le vois mais ce n'est pas pour maintenant : D'Israël monte UNE ETOILE, surgit un sceptre »
Et le prophète Michée a précisé son lieu de naissance : Bethléem (Michée 5, 1)
Ainsi le signe cosmique et le signe biblique concordent. Mais alors que les mages païens décident d'aller au bout de leur quête et de se rendre au lieu indiqué, les scribes refusent de se déranger. Car, hélas, on peut connaître très bien les Ecritures, les enseigner...et ne pas suivre leurs indications. On peut espérer la venue du Messie mais toujours pour plus tard, dans une échéance jamais fixée.
Pire encore, le roi Hérode, connu pour sa cruauté et sa jalousie maladive, projette de faire supprimer ce « roi » qui risquerait de lui prendre son trône. Plus tard le grand prêtre juif Caïphe et le préfet romain Ponce-Pilate se ligueront pour exécuter ce Jésus. Alors que le Messie Jésus n'ambitionne aucun pouvoir politique, tous les puissants du monde perçoivent toujours qu'il représente pour eux un danger, que l'évangile est subversif.

LE SIGNE DE L'ENFANT PAUVRE

Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui.
Partis de la contemplation du ciel, guidés par la prophétie biblique, les mages quittent Jérusalem pour Bethléem, la capitale pour un petit village, les palais pour un modeste logis. Voici donc « l'étoile » annoncée par le prophète païen Balaam : le grand roi est un nouveau-né avec ses parents.
« Ce n'est que ça ? » pourraient-ils dire devant ce dépouillement, cette banalité. Et cependant ils l'adorent : Dieu est là.

LES SIGNES DE L'ADORATION

Ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
Ces cadeaux proviennent des nations païennes (Egypte, Yémen, Arabie...) et on a toujours souligné leur valeur symbolique : OR : cadeau royal par excellence - ENCENS : résine qui était l'élément principal du parfum brûlé dans le culte au temple. - MYRRHE : résine aromatique intense dont les amoureux portent le parfum (le mot revient 7 fois dans le « Cantique des Cantiques » qui met en scène l'amour entre le roi-messie et l'épouse-son peuple). Oui l'enfant Jésus est « Roi - Dieu - Amour »

LES MAGES DEVIENNENT DES SIGNES

Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Au premier sens, cela veut dire que ces hommes sont repartis chez eux sans repasser par Jérusalem mais « un autre chemin » peut suggérer qu'ils adoptent une nouvelle conduite. La révélation du Roi Messie les a libérés de la servitude des astres, de l'enfermement dans le fatalisme, de la recherche effrénée de profits. Il n'est plus besoin de deviner l'avenir dans le ciel mais de vivre le présent en accord avec la révélation reçue à Bethléem.

ET NOUS AUJOURD'HUI ?

Dans une société qui s'affole devant les étoiles (« stars » du spectacle et du sport), qui sacralise l'argent, qui salit l'amour en passion pornographique, qui oublie Dieu, la célébration de l'EPIPHANIE n'a rien de folklorique et au contraire réalise un enjeu capital.
Le cosmos pose question et le Visage de Jésus brille encore dans la nuit. Des personnes «de la périphérie » (pape François) se détournent des mirages et des mensonges et sont en quête de vérité. Si elles se présentent à nos communautés, recevront-elles le message des Ecritures ? Les croyants accueilleront-ils avec allégresse ces frères perdus ? Se joindront-ils à eux pour s'engager dans « un autre chemin », pour aller vers un avenir qui n'est pas inscrit dans les étoiles...car les étoiles vibrantes de joie et de confiance, c'est nous, disait saint Paul.
Faites tout sans récriminer et sans discuter : ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache au milieu d'une génération égarée et pervertie où vous brillez comme les astres dans l'univers, en tenant fermement la parole de vie. (Phil 2, 14)
Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière - or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité - et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. (Eph 5, 8)