Pilate. Voilà un personnage bien sympathique, propre sur lui. Il va même jusqu'à se laver les mains en public. Dans un roman plutôt récent, celui-ci s'interroge sur le sens de tous les événements que nous venons que commémorer et demande à son épouse : " S'il est bien Fils de Dieu, comme il le prétend, pourquoi ne pas demeurer parmi nous à jamais ? Et par là nous convaincre. Et nous faire vivre dans le vrai. S'il restait éternellement sur terre, personne ne douterait plus de son message ". A cela l'épouse rétorqua que Jésus n'avait aucune raison de s'installer. Il suffit qu'il soit venu une fois. Car il ne doit pas apporter trop de preuves. S'il se montrait clairement, continuellement, avec force et évidence, il contraindrait les hommes, il les obligerait à se prosterner. Or il a fait l'homme libre. Il tient compte de cette liberté en nous laissant la possibilité de croire ou de ne pas croire. Peut-on être forcé d'adhérer ? Peut-on être forcé d'aimer ? On doit s'y disposer soi-même, consentir à la foi comme à l'amour. Le Fils de Dieu nous respecte. Il nous fait signe par son histoire, mais nous laisse libre d'interpréter les signes. Il nous aime trop pour nous contraindre. C'est parce qu'il nous aime qu'il nous donne à douter. Cette part de choix qu'il nous laisse, c'est l'autre nom de son mystère. " (Cfr. E.-E. Schmitt, L'Evangile selon Pilate, Paris, Albin Michel, 2000, p. 331-332).
Voilà un des sens de la résurrection. Un peu moins de deux mille ans après ces événements, nous nous trouvons comme les premiers disciples face à un tombeau vide. Cette vacuité, ce sentiment d'absence peut nous donner un certain vertige de silence inhabité par rien, absolument rien. Nous sommes devant un choix : celui de croire ou de ne pas croire ce qui est arrivé. Dépasser l'incompréhensible parce qu'indicible pour nous laisser envahir par un mystère qui nous surpasse complètement. Un mystère dont le sens ne peut se prouver, voire s'éprouver qu'en Dieu lui-même. C'est pourquoi, nous devons d'abord décider de choisir.
Choisir de croire que le Fils de Dieu est bien venu sur cette terre et qu'il est mort et ressuscité. Par sa mort, il a vaincu la mort et de la sorte, il nous fait le don de la vie éternelle. Dieu a achevé l'½uvre de sa création. Face au tombeau vide, nous sommes conviés à nous laisser émouvoir par l'amplitude du don divin. A l'instant de la Création, le Père avait fait de chacune et chacun de nous des êtres créationnels, c'est-à-dire des êtres capables de Dieu au sens où il nous avait donné un mandat : celui de nous conduire ainsi que le monde vers leurs accomplissements respectifs. Aujourd'hui dans l'événement de la Pâques, le Christ nous fait entrer dans une nouvelle dynamique.
Non seulement nous sommes capables de Dieu, mais nous devenons également capables de résurrection. Le Fils de Dieu achève l'½uvre de Création du Père en faisant de nous des êtres résurrectionnels, c'est-à-dire des êtres qui choisissent de Le suivre car ils vivent avec cette conviction intime et profonde que la mort a été vaincue, que la mort de la mort est un des nouveaux noms de la résurrection. En d'autres termes, le signe du tombeau vide nous indique la promesse d'un salut, d'une vie éternelle, d'une résurrection. Non seulement, celle de Dieu mais également la nôtre. Un peu comme s'il nous disait de ne pas trop nous préoccuper de la mort, car elle n'a finalement plus de puissance sur nous.
La foi en la vie éternelle n'est pas quelque chose d'anodin, elle signifie prendre la vie au sérieux et la vivre jusqu'au bout. La vie éternelle nous oblige à goûter pleinement cette vie, avec ses joies, ses responsabilités mais également ses peines. Notre vie n'est pas une roue qui tourne sans fin mais une flèche qui a une direction. Dans la foi, notre vie vaut la peine d'être vécue, à chaque instant qu'il nous est donné de vivre. Une vie vécue dans la confiance devant quelque chose que nous ne pouvons pas nommé tellement elle reste mystérieuse pour notre intelligence.
Nous sommes des êtres capables de Dieu, des êtres capables de résurrection, des êtres qui se réjouissent pleinement de la vie terrestre car nous avons en nous cette conviction que quelque chose d'ici se poursuivra dans l'au-delà. Mais ça, c'est d'abord une question de choix. A chacune et chacun de décider si ce qui s'est passé il y a tant d'années est bien vrai, si ce qui va au-delà d'une certaine historicité comporte bien le don de la divinité. Dieu en nous offrant aujourd'hui encore son tombeau vide, nous laisse la liberté de choisir. C'est par l'exercice de notre liberté que nous devenons des êtres résurrectionnels. Alors et alors seulement, le tombeau est tout habité de la présence divine.
Amen