L'Epiphanie - manifestation - c'est la fête de Noël, mais enrichie aux confins du monde. D'ailleurs, avant le 4ème siècle, Noël était célébré le 6 janvier, date actuelle de la fête de l'Epiphanie. La tradition orthodoxe continue à faire de l'Epiphanie une Noël amplifiée, comme un feu d'artifice de Noël aux couleurs de l'arc-en-ciel.
En effet l'histoire des mages (ils ne sont pas dit rois), férus d'astrologie, ouvre Noël aux diverses cultures de nos continents, du moins des continents connus à l'époque. Ce qu'apportent ces étrangers à la crèche diversifie l'hommage donné par les peuples, qu'ils soient pauvres comme les bergers ou plus riches comme les mages.
Tous reconnaissent en cet enfant Dieu qui se manifeste inséré dans un corps humain. Je dirais que la grâce que nous apportent les mages, c'est de nous ouvrir nous aussi aux cultures différentes et d'entrer dans ce mouvement initié par Dieu : prenant corps d'homme, Dieu se met à la disposition de tous les êtres humains et nous entraîne dans cette ouverture. C'est bien ce que St Paul dit dans l'extrait - prévu comme deuxième lecture " - de sa lettre aux chrétiens d'Ephèse : " Ce mystère, Dieu ne l'a pas fait connaître aux hommes des générations passées comme il vient de le révéler maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et prophètes, à savoir que toutes les nations sont admises au même héritage, membres du même corps, associées à la même promesse en Jésus-Christ ".
Ainsi donc la révélation majeure de cet événement présenté comme historique, c'est que le salut en Jésus-Christ est offert à tous. Dieu aime tout homme, toute femme, sans discrimination. La preuve c'est que ces étrangers au peuple d'Israël pour qui seul, croyait-on, viendrait le messie, ils sont accueillis ; Dieu les laisse entrer et plus encore accepte leurs cadeaux, ce qui signifie qu'il les accepte eux-mêmes comme étant chez eux. Ainsi donc tous, venant de chemins différents, avec des cultures différentes et des conceptions différentes, se présentant dans leur diversité, sont introduits dans l'histoire naissante du salut. Ces étrangers ont leur place dans la crèche. Alors, quand nous chantons " laisserons-nous dans nos églises une place à l'étranger ", nous devrions réaliser que c'est bien là la volonté de Dieu qui leur a donné place dans la crèche. Suivre une étoile : Telle est également la bonne nouvelle d'aujourd'hui. Si Dieu parle par des signes, chaque nation ayant le sien, à fortiori il nous parle par son fils Jésus auquel conduisent ces signes. L'étoile s'est arrêtée sur la crèche ; elle a terminé son rôle, c'est aujourd'hui le Christ qui nous guide, étoile pour nos vies. L'Epiphanie nous invite à marcher sans cesse, pour arriver plus près du but qui est de devenir entièrement fils et fille de Dieu, c'est-à-dire saints. C'est facile de rêver cela, mais il faut mettre un pas après l'autre et avancer.
Ces astrologues étrangers nous montrent que cela est possible et faisable. Les scribes qu'a consultés le roi Hérode avaient étudié l'Ecriture, ils connaissaient les réponses et savaient où allait naître le messie, mais ils n'ont pas bougé d'un pouce alors que les étrangers se sont remis en route, malgré les jours sans étoile. Aussi, pour nous, vivre en chrétiens c'est partir dans le pèlerinage de la vie, quitter le confort d'une religion bien encadrée et parfois enfermée dans ses certitudes et avancer, sans attendre l'évidence des connaissances humaines - même quand tout paraît sombre- les yeux toujours fixés sur le Christ souvent appelé par les premiers chrétiens " l'astre du matin ".
Epiphanie : première image de la mondialisation : tous sont là (on ne dit pas qu'il n'y aurait eu que trois mages), adeptes ou croyants d'autres religions. Pour eux aussi, Dieu s'est manifesté en son temps par les grandes figures de leurs religions ou leurs fondateurs : Bouddha, Confucius, Mohamed. St Paul le rappelle pour les hébreux : " après avoir parlé autrefois à de nombreuses reprises et de multiples façons à nos pères, Dieu en ces jours nous a parlé par son Fils... ". Dieu s'est aussi manifesté de diverses façons aux autres peuples. C'est pourquoi ces grandes religions vivent des valeurs qui nous sont communes comme le respect de la vie, de la vérité, de la reconnaissance d'un Dieu vivant, de l'amour et de l'amitié.
Oui, Dieu sème sa parole, mais nous savons par la parabole du semeur qu'elle tombe dans des terrains différents à des distances différentes, et que l'herbe pousse plus ou moins vite selon le climat, le soleil et la pluie. Chacun a son chemin vers Dieu. Nous croyons - et la fête d'aujourd'hui l'affirme - que Dieu appelle tout le monde à la foi en son fils Jésus, nous y compris. Telle est notre foi. Serons-nous aujourd'hui, par notre comportement, l'étoile qui invitera à rejoindre Jésus, en portant la bonne nouvelle que tous y seront accueillis. Je ne veux pas entrer dans le débat : toutes les religions se valent-elles, mais il me semble que nous sommes tous comme gravissant une montagne au sommet de laquelle Dieu nous attend avec son fils Jésus.
Ainsi que le suggère Isaïe : " Porte tes regards sur les alentours, Jérusalem, tous viennent vers toi ". Les êtres humains partent du pied de la montagne beaucoup plus large que la tête et tous cherchent Dieu. Les chemins sont parallèles, mais peu à peu nous nous rapprochons les uns des autres, parfois nous nous croisons et pouvons bénéficier de la vérité des autres, de leur spiritualité, mais la direction est unique car Dieu aime tous les hommes et veut faire de tous ses enfants.
Comment ? Je ne sais pas, mais c'est bien là le mystère dont parlait Paul que tous sont appelés au même héritage. L'important est de nous y entraider et parce que dans notre foi nous croyons que le salut de Dieu est donné en Jésus-Christ, de vivre cela nous-mêmes, selon nos rites, nos traditions, nos convictions de façon à être une étoile pour tous. Vivre notre foi au mieux, c'est le cadeau que nous pouvons faire et à Dieu et à tous ceux qui, de toutes les parties du monde, cheminent selon leurs traditions et croyances. Pourquoi, comme les mages, ne pas marcher ensemble et ainsi ne plus être étrangers l'un à l'autre ?